Johnny Thijs : “Les entreprises postales ne sont pas riches !”

© Montage Belga/PG

Avec le remboursement de 300 millions d’euros que vient de lui ordonner la Commission européenne, Bpost sera un peu moins riche, reconnaît Johnny Thijs, son administrateur délégué. Mais cela ne fragilisera pas l’entreprise publique, devenue “l’un des opérateurs postaux les plus efficaces et rentables d’Europe”, assure-t-il.

Lisez l’intégralité de l’interview de Johnny Thijs, patron de Bpost, dans le magazine Trends-Tendances daté du 2 février 2012.

Johnny Thijs, l’administrateur délégué de Bpost, respire. De son nouveau bureau installé dans un espace ouvert au 14e étage du Centre Monnaie, le chef des postiers voit enfin l’horizon se dégager. Après 33 mois d’enquête, la Commission européenne s’est prononcée sur toutes les transactions passées entre l’Etat belge et l’entreprise publique entre 1992 et 2010. Au terme d’une procédure complexe et lourde de 10.000 pages, l’exécutif européen a estimé que Bpost avait reçu une surcompensation pour accomplir ses missions de services publics et l’a sommé de rembourser, dans les quatre mois, 417 millions d’euros à l’Etat belge. Soit, en ajoutant les intérêts et en déduisant les impôts déjà payés, le montant net de quelque 300 millions.

Quel est votre sentiment à présent que la décision de la Commission est enfin tombée ?

Je suis déçu, car nous allons devoir rembourser quelque 300 millions d’euros, ce qui représente beaucoup d’argent, mais soulagé, car nous sommes enfin fixés sur notre sort. Ce dossier nous a occupés suffisamment de temps ! Ce qui m’a fait le plus râler, c’est d’avoir entendu que Bpost avait reçu trop de subsides. Or, le contrat conclu avec le gouvernement stipule que l’on exécute des tâches très spécifiques moyennant une rémunération. C’est donc le paiement d’une facture. Point à la ligne.

Les services européens de la concurrence se pencheront à présent sur votre cinquième contrat de gestion (2010- 2015). Quand espérer-vous une décision ?

On espère que cela ne prendra pas 33 mois ! Mais si nous devons prendre autant de temps pour avoir un bon accord, nous le ferons. Le plus crucial, pour l’entreprise, est le contenu du nouveau contrat de gestion qui fixe nos missions de service public et leur financement. On espère toutefois obtenir le feu vert de la Commission avant la fin de l’année.

Quelles seront les conséquences de cette décision ?

Nous sommes capables de rembourser ce montant avec notre trésorerie qui dépasse le milliard d’euros. La décision n’aura donc pas de conséquence sur le fonctionnement organisationnel de la société ni sur le service à la clientèle. Bpost sera simplement un peu moins riche.

Inscrirez-vous ce remboursement dans les comptes 2011 ?

Une option est de comptabiliser ce montant dans les résultats 2011 qui ne sont pas encore clôturés. Avec comme conséquence que l’on terminerait alors l’exercice avec peu ou pas de bénéfices. Et donc pas d’impôts à payer mais aussi peu ou pas de dividende pour les actionnaires. Un autre scénario est de procéder, par exemple, à une réduction de capital dans le bilan. Dans ce cas, on pourrait tout de même verser des dividendes. Nous allons examiner les scénarios et faire une recommandation au conseil d’administration.

Les postiers, qui perçoivent 5 % des bénéfices de l’entreprise, risquent alors de devoir renoncer à cette prime…

C’est exact et je comprends que ce soit un sujet sensible. Nous devons encore en discuter.

Y aura-t-il des conséquences sur le volume de l’emploi ?

Aucune. Notre plan stratégique – qui prévoit 1.000 départs naturels en moyenne chaque année – reste inchangé.

Depuis le 1er janvier 2011, le marché postal est totalement libéralisé. La concurrence a-t-elle été renforcée ?

Pas dans le domaine des lettres qui s’est ouvert à la concurrence. Il faut savoir que ce marché souffre à cause de la baisse des volumes de courrier. Toutefois, lorsqu’on se compare à d’autres postes, nous nous en sortons encore bien car nos volumes n’ont baissé que de 1 % par an, excepté l’année de crise de 2009 (- 4 %). Et pour 2011, chiffre encore à confirmer, la baisse se situe entre 2 % et 3 %. Dans ce contexte, tout opérateur postal doit d’abord conforter sa position sur son marché domestique.

Objectif atteint pour Bpost. Allez-vous à présent attaquer d’autres pays européens ?

Non. Nous n’allons pas nous lancer avec notre propre organisation sur le marché des lettres ni sur celui des paquets en France ou en Allemagne, où l’on se retrouverait confronté à des concurrents beaucoup plus grands. Ni aux Pays-Bas, où la Poste néerlandaise est un opérateur de première classe.

L’Internet serait-il donc toujours votre principal concurrent ?

Quand nous perdons un envoi, ce n’est pas à cause de la concurrence d’un autre opérateur mais en raison de la substitution électronique. Le daily mail, ce que j’appelle “les lettres d’amour”, est un marché en train de mourir. Son volume baisse de 3 % à 7 % chaque année.

En revanche, le courrier administratif (factures, extraits de compte, etc.) se porte très bien mais on est conscient que c’est une question de temps. Les grands fournisseurs (télécoms, énergie, etc.) tentent en effet de convaincre leurs clients de passer à la facturation électronique. Heureusement, le Belge tient à recevoir sa facture par la poste.

Troisième marché : les envois publicitaires adressés (direct mail, dans notre jargon) qui, eux, sont en baisse de 10 % depuis octobre. C’est dans ce domaine que la crise se ressent le plus.

Vous affirmiez, voici un an, que Bpost était “l’une des plus solides et rentables postes d’Europe”. Est-ce toujours le cas ?

En effet. Nous essayons de maintenir le bon niveau de rentabilité que nous avions atteint en 2010 (Ndlr, une marge opérationnelle de près de 11 % ou un bénéfice d’exploitation de 240 millions d’euros). Car c’est le meilleur garant de la santé financière et opérationnelle de la société à long terme. Tôt ou tard, on risque de subir des baisses de volumes plus importantes et nos résultats financiers en souffriront directement.

Propos recueillis par Sandrine Vandendooren

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