J&Joy les polos liégeois qui cartonnent

Ses polos aux couleurs de la Belgique se sont vendus à la vitesse d’un tir au but. De quoi conforter le jeune créateur de J&Joy qui assoit encore un peu plus l’image de sa marque qui se veut cool et décontractée. Un style qui séduit 300.000 acheteurs par an. Y’a de la joie.

Avec ses cheveux bouclés et son air juvénile, il semble tout droit sorti d’un teenage movie. Pierre Hamblenne n’a pourtant rien d’un geek accro à la console et à la pizza hawaïenne. A 27 ans, il est le fondateur et le dirigeant deJ&Joy, une jeune marque de vêtements sportswear qui connaît une ascension fulgurante.

Avec 6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013, l’entreprise de Waremme a de quoi se réjouir. En 2008, tout juste née de l’imagination et de la volonté du wonder boy wallon, la société affichait un chiffre d’affaires de 180.000 euros. Un chiffre qui a doublé chaque année pour atteindre aujourd’hui une production annuelle de 300.000 pièces distribuées dans 500 points de vente dont 250 dans notre pays. Quand on demande quels sont ses concurrents directs, Pierre Hamblenne cite du lourd. Ralph Lauren et Tommy Hilfiger pour les seniors, et pour la cible convoitée des 18-25 ans, Superdry, Franklin & Marshall ou Mc Gregor, qui se sont imposés avec force dans les années 2000.

Avant les vuvuzelas

Pourtant, la griffe belge au style décontracté séduit bien au-delà de ses propres terres et sait se faire désirer. Lancée en avril dernier, la collection capsule de polos de foot “Raise your colors” imprimés aux couleurs d’une dizaine de pays participant à la Coupe du Monde a marqué des points. Un exercice délicat puisque les mots World Cup ou Brazil 2014, déposés par la FIFA, ne peuvent être utilisés. Pour des raisons que l’on pense similaires, le nom Azzurri, le surnom de l’équipe italienne, a été rebaptisé Azzuri par J&Joy. Alors même que les vuvuzelas n’avaient pas encore commencé à résonner dans les stades brésiliens, les modèles noir, jaune, rouge ont été pris d’assaut. Rapidement en rupture de stock, ils resteront indisponibles en raison des délais de production — quatre mois d’attente avant réassort — et d’une stratégie marketing qui veut que les éditions limitées entretiennent le manque et dopent la notoriété. Tant pis pour les supporters…

L’actualité pour l’entrepreneur belge ne se limite pas au buzz footballistique. Après l’ouverture imminente de deux nouveaux points de vente à Taïwan, le logo au double “J” fera dans les six prochains mois son apparition dans les commerces italiens, allemands et néerlandais. “Notre priorité est la croissance à l’international car en Belgique, nous sommes presque arrivés à maturité”, explique Pierre Hamblenne. Le jeune patron serait en négociation avec un important groupe libanais de distribution pour pénétrer les marchés du Moyen-Orient et des pays du Golfe. En attendant, les T-shirts, pantalons et sweat-shirts ultra colorés qui font le style de la maison ont fait leur arrivée de manière inattendue en Turquie mais cette fois-ci contre la volonté du fondateur qui doit faire face aux contrefaçons florissantes… “Nous avons découvert dans le centre d’Istanbul une réplique de notre flagship store de Liège qui a ouvert en 2013. Tout y a été dupliqué : de la gamme de vêtements jusqu’au nom, du logo à l’architecture intérieure. Tout cela sur quatre étages et sur une artère fréquentée de la ville ! La justice a été saisie, cela fait trois mois que nous attendons une décision… C’est consternant quand on sait que tous nos modèles sont systématiquement déposés et censés être protégés.” Un signe de reconnaissance dont se serait bien passé l’homme d’affaires qui était encore en 2006 sur les bancs de HEC-ULg quand l’idée lui est venue de créer sa propre marque de prêt-à-porter. “Je n’avais aucune connaissance dans le milieu, raconte-t-il. C’est un univers qui peut paraître inaccessible quand on a 19 ans mais ma naïveté a joué en ma faveur. J’ai foncé sans me poser trop de questions. L’envie est partie d’un manque : comme je n’arrivais pas à trouver les vêtements colorés que je voulais, je me suis dit que j’allais les concevoir moi-même.”

Direction Tirupur

Avec un apport de fonds provenant d’une éphémère activité d’importateur de détecteurs de fumée lancée l’année de ses 18 ans, Pierre Hamblenne crée in-Joy qui deviendra par la suite la SA J&Joy… une variation de l’anglais enjoy qui résume l’esprit de bonne humeur et d’énergie positive que tient à insuffler le fondateur. “Etre jeune dans sa tête, c’est ce qui compte”, dit-il.

Inexpérimenté mais volontaire, il commence par dessiner lui-même ses premiers polos, monte son business plan et part à la recherche d’un fabricant en surfant sur Internet. “Par rapport au positionnement du produit, il était exclu de produire en Europe”, regrette-t-il. C’est au Sri Lanka qu’il débarque, rendez-vous est pris avec un directeur d’usine qui travaille pour Ralph Lauren. De quoi rassurer le novice. Arrivé sur place, il est incapable de fournir les fiches techniques de ses produits, indispensables à l’assemblage des vêtements. “Je n’avais aucune connaissance dans le domaine mais je savais ce que je voulais.” Conciliants, ses interlocuteurs réquisitionnent pour 24 h une styliste chargée de traduire les intentions du néophyte en jargon textile. Moyennant un acompte de 50 %, les machines à coudre peuvent commencer à tourner tout de suite. Marché conclu. Mais les très faibles volumes de production générés par la première année d’activité de J&Joy — à peine 6.000 pièces — découragent le partenaire sri-lankais qui met un terme à l’aventure. Retour à la case départ. Pierre Hamblenne lorgne alors Tirupur, la capitale indienne de la maille qui représente 90 % des exportations nationales du textile en coton et consomme 15.000 tonnes de fil à coudre par mois.

Hasard des rencontres ou signe du destin, c’est dans l’avion qui le mène de Bruxelles à Bombay que le Liégeois rencontre un jeune industriel indien basé à Tirupur qui va devenir son fabricant attitré. “On a sympathisé pendant le vol. Il m’a donné sa carte de visite et le lendemain, je visitais ses ateliers qui approvisionnent les plus grandes marques de prêt-à-porter. C’était le top du top, exactement ce que je cherchais.”

L’autodidacte des débuts qui assurait le stylisme, la gestion, l’expédition et la communication fait peu à peu place à une équipe de professionnels d’une cinquantaine de personnes dont une unité indépendante de sept personnes basée en Inde qui assure le contrôle qualité. “Pas question de transiger sur la qualité et la solidité des vêtements, assure Pierre Hamblenne. C’est un point non négociable car la satisfaction du produit permet de fidéliser la clientèle.” Quatre boutiques en nom propre ont déjà vu le jour, toutes franchisées à l’exception de l’adresse liégeoise. Grâce à une entrée minoritaire dans le capital de quelques experts financiers expérimentés — les “cheveux gris” comme les appelle affectueusement le big boss aux cheveux ébouriffés — le conseil d’administration de la société a “gagné en maturité”. A la question : est-il un entrepreneur né ? Il répond : “sans doute”. Et d’évoquer son premier contrat commercial décroché à 14 ans… Un sponsoring avec Microsoft qu’il convainc alors d’être le partenaire officiel de son équipe de jeu vidéo en ligne. Une décennie plus tard, la bande de gamins sévit toujours. Quatre des jeunes gamers ont depuis été embauchés chez J&Joy…

ANTOINE MORENO

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