Huachicol, le vol de carburant qui enflamme le centre du Mexique

© AFP

La pratique du vol de combustible a mis sur le pied de guerre l’Etat de Puebla, au centre du Mexique, où des affrontements entre délinquants et militaires ont fait cette semaine au moins dix morts.

Cet Etat est l’épicentre de ce phénomène connu sous le nom de “Huachicol”, autour duquel s’est même développée une culture locale avec chansons populaires et figures religieuses portant un bidon et un tuyau en plastique.

Ces siphonnages clandestins commis par des groupes criminels parfois liés aux cartels de drogue coûtent environ 2 milliards de dollars par an à la compagnie pétrolière nationale Pemex.

Le récent déploiement de militaires dans cette région où une partie de la population s’emploie ou bénéficie de ce trafic a fait augmenter la tension.

Mercredi soir, une fusillade entre délinquants armés et militaires a fait au moins 10 morts, dont quatre soldats, à Palmarito, à quelque 190 km au sud-est de la capitale Mexico.

Le président Enrique Peña Nieto a déploré ces violences et s’est engagé à lutter contre cette pratique illégale à travers une “stratégie intégrale”, impliquant plusieurs ministères et les forces de l’ordre.

“Ceux qui pratiquent (ce vol de carburant) mettent en danger leur famille et nuisent à leur communauté”, a défendu le président.

La forte hausse des prix du carburant décidée par le gouvernement mexicain en début d’année – qui avait déclenché des manifestations parfois violentes dans tout le pays -, a toutefois contribué à augmenter ces larcins.

Un trou, un tube en plastique

Dans les stations service, un litre de carburant vaut 17,50 pesos (un peu moins d’un dollar), quand au marché noir il s’achète entre cinq et neuf pesos, soit deux ou trois fois moins cher.

Ce commerce parallèle possède une clientèle fidèle.

“Je dois payer environ 1.400 pesos (environ 73 dollars) pour un plein dans une station service”, explique à l’AFP Juan Manuel. Mais sur les marchés du secteur, “je peux faire le plein pour 500 pesos (26 dollars)”.

“Tout le monde sait qui en vend”, ajoute-t-il, et si on est un client régulier, “ça te coûte moins cher”.

Des groupes criminels, parfois liés au redoutable cartel de la drogue des Zetas, ou de simples familles se dédient à cette activité illégale: ils creusent un trou, percent les canalisations, y plongent un tuyau et remplissent des barils.

Certains enfants se chargent de surveiller les alentours et de donner l’alerte en cas de présence de policiers ou militaires.

En échange, ils reçoivent un salaire pouvant aller jusqu’à 500 dollars mensuels, une somme considérable au Mexique. Le cas échéant, ils peuvent aussi servir, ainsi que les femmes, de boucliers humains lors d’un accrochage avec les forces de l’ordre, comme ce fut le cas mercredi soir lors de l’affrontement meurtrier.

“Les militaires ont décidé de ne pas répondre à l’agression car les femmes et les enfants étaient utilisés comme boucliers humains”, a expliqué dans un communiqué le secrétariat à la Défense nationale (Sedena).

La présidente de l’association des détaillants d’essence des Etats de Puebla et Tlaxcala, Luz Maria Jiménez, dénonce de son côté cette “concurrence intenable” pour des entrepreneurs légaux qui eux doivent “payer des impôts et des salaires”.

Face à cette situation, beaucoup de stations service ont dû mettre la clé sous la porte, ce qui n’a fait qu’alimenter davantage encore le marché noir.

Les enquêtes menées pour lutter contre cette activité illégale ont mis en évidence la complicité de certaines autorités locales.

Depuis juillet 2015, le directeur et le responsable des opérations spéciales de la police préventive de l’Etat de Puebla sont sous les verrous pour complicité de vol de carburant.

En février, deux policiers municipaux ont été interpellés, accusés d’avoir escorté un chargement de 15.000 litres de combustible volé.

Ces siphonnages sont aussi risqués pour ceux qui les pratiquent et peuvent déclencher des incendies nécessitant l’évacuation des habitants alentour.

En décembre 2010, une explosion provoquée par un siphonnage de canalisation a fait au moins 29 morts dans la localité de San Martin Texmelucan, dans ce même Etat.

En 2016, Pemex a repéré et rebouché 6.873 prises clandestines sur ses canalisations au Mexique.

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