Havaianas : le roi de la tong met le pied en Europe

Le roi de la tong, qui s’apprête à s’implanter en Europe avec ses boutiques propres, se décline aujourd’hui en version cuir, en espadrille chic et en série limitée. Loin de l’image populaire ou baba cool, l’Havaianas est devenue un must urbain.

Au Brésil, on prétend que huit personnes sur 10 possèdent des Havaianas. Sans doute autant qu’un exemplaire de The girl from Ipanema, le standard discographique de la bossa nova. C’est dire si depuis 1962, date du lancement de la célèbre marque de tongs, elles sont une véritable institution au pays de la capoeira. Rien qu’en 2010, 150 millions de paires y ont été vendues, soit environ 12 % de plus qu’en 2009. L’international progresse aussi à grands pas mais sur un volume beaucoup plus restreint d’environ 20 millions d’unités Un résultat néanmoins suffisant pour faire de Havaianas un label prisé dans toute l’Europe et de plus en plus en vogue.

La course aux créateurs

Car le groupe brésilien Alpargatas qui détient l’enseigne n’a pas fait qu’imposer un nom, il a aussi modifié l’image d’un accessoire cantonné jusque là au registre populaire ou baba cool. La Havaianas a peu à peu pris le chemin de la ville pour un style décontracté mais chic, voire furieusement hype.

A l’origine de la mue : une succession d’opérations marketing visant à upgrader un objet en caoutchouc de synthèse somme toute basique… Les initiatives n’ont pas manqué depuis près de 10 ans. De la présence répétée de la flip-flop à la très courue Fashion Week de New York (pour une édition réservée aux happy few) aux coulisses des Oscars hollywoodiens. Depuis 2003, les candidats nommés pour la statuette dorée reçoivent en effet une paire exclusive en cadeau qui, une fois chaussée, se retrouvera avec un peu de chance dans les pages people des magazines.

Pour se faire remarquer, la maison ne recule devant aucune provocation comme cette édition sertie d’or et de diamants d’un goût discutable… Il y a aussi la collaboration épisodique avec des créateurs en vue comme Paul & Joe, Jean-Paul Gaultier, Marimekko ou cette année avec Missoni pour des versions collector.

Alpartagas n’a pas le monopole du co-branding puisque Ipanema, son plus grand concurrent dans le domaine de la claquette (255 millions de paires par an), joue lui aussi la carte des stylistes et designers renommés en sollicitant Zaha Hadid ou Vivienne Westwood. A force de côtoyer le bon monde les deux marques leader, toutes deux implantées à Sao Paulo, ont fini par convaincre le grand public que la tong n’est plus incompatible avec un élégant pantalon en lin que l’on peut chausser le week-end, voire la semaine et sur son lieu de travail en grande période estivale. Pour se glisser dans son nouveau look, les brides en plastique sont remplacées occasionnellement par du cuir ou du coton tressé.

Confortable marge bénéficiaire

Inspirée par les zori, les traditionnelles sandales japonaises avec leur bride de tissu et leur semelle en paille de riz, la Havaianas – qui veut dire hawaïenne en portugais – est d’une simplicité déroutante qui assure à son fabricant une confortable marge bénéficiaire. Vendue à partir d’une quinzaine d’euros pièce (et 10 fois plus pour les modèles haut de gamme), réputée confortable et solide, elle est le produit phare du groupe Alpargatas. Une société détenue à 44 % par un géant brésilien du secteur Bâtiments et travaux publics, Camargo Correa, qui englobe une dizaine de marques dont l’exclusivité pour sa région des chaussures de marche Timberland.

Sur un chiffre d’affaires de 870 millions d’euros, les sandales représentent 92 % des ventes du groupe grâce en majeure partie à Havaianas et plus raisonnablement à Dupé, l’autre label de sandalettes du brésilien.

Avec seulement 11 % de son volume consacré à l’international, Alpartagas entend développer considérablement ses parts de marché à l’international. Le virage a commencé en 2007 avec l’ouverture d’une filiale aux Etats-Unis puis l’implantation de bureaux commerciaux en Italie, au Portugal, en France et en Angleterre. Si l’on excepte l’ouverture d’une petite boutique en nom propre à Saint-Tropez il y a quatre ans, Havaianas a inauguré l’an passé son futur réseau de flagships européens avec un premier magasin à Barcelone et plus récemment à Valence. On parle de Paris, Londres et Rome comme prochaines villes sur la liste de l’équipementier.

La griffe aime aussi la pluie

Dans les boutiques multicolores, on trouve bien entendu les fameuses claquettes à lanières dont la fabrication emploie 9.000 personnes dans les usines de Campina Grande et Recife mais aussi des sacs à main que la griffe a lancés en 2009 et des chaussures fermées. Car Havaianas ce sont désormais des espadrilles et des chaussures de sport. Une manière de se diversifier tout en s’inscrivant dans l’histoire de la marque puisqu’avant de connaître le succès de la tong, la société Alpartagas, née au début du siècle, a produit par millions des espadrilles en corde tressée… Et dans sa volonté d’épaissir son offre, la griffe sud-américaine n’hésite plus à empiéter sur les saisons. L’automne prochain verra l’arrivée de ses premières bottes en caoutchouc. Drôle d’idée pour une marque qui a bâti sa réputation sur le soleil et l’ombre du parasol…

Antoine Moreno

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