Guerre des talents : Bruxelles peine à attirer les bons profils

Les employeurs bruxellois ont les plus grandes difficultés à trouver des travailleurs qualifiés. En comparaison avec la Wallonie, le marché du travail en Flandre est moins perturbé par le déséquilibre entre l’offre et la demande de main-d’oeuvre, indique Manpower dans une nouvelle enquête.

La “guerre des talents” fait à nouveau rage alors que l’économie se redresse, les résultats de l’enquête annuelle menée par Manpower auprès de 40.000 employeurs dans le monde (dont 750 dans notre pays). Pas moins de 36 % de tous les employeurs belges ne parviennent pas à remplir les fonctions vacantes, une proportion qui “dépasse toutes les prévisions”, selon Manpower. La Belgique se trouve ainsi à la 18e place du classement mondial.

L'”ère du l’humain” facilite-t-elle le recrutement ?

A présent que la récession est définitivement derrière nous, il ne fait plus de doute que le paysage économique a résolument changé, estime Manpower. Une normalisation dans le sens d’un retour à une situation d’avant-crise n’est plus plausible, selon l’entreprise : les modèles d’affaires, les systèmes de valeurs et les mécanismes sociaux sont fortement sous pression.

Dans cette nouvelle ère, qualifiée par Manpower d'”ère de l’humain” (The Human Age), on pourrait s’attendre à ce que les fonctions vacantes soient remplies plus facilement en raison du nombre élevé de demandeurs d’emploi sur le marché du travail. “Rien n’est moins vrai, nuance le spécialiste du marché du travail. En raison notamment de la reprise économique, pas moins de 36 % des employeurs belges ont des difficultés à trouver du personnel qualifié. C’est 9 % de plus que l’année dernière, 2 % de plus que la moyenne mondiale et 10 % de plus que la moyenne européenne.”

“Pas plus tard que la semaine dernière, à l’occasion de l’European Business Summit, les employeurs ont demandé à l’Europe d’investir davantage dans les talents au sein des disciplines STEM (Science, Technology, Engineering & Mathematics)”, insiste Philippe Lacroix, managing director de Manpower Belgium.

Selon l’enquête de Manpower, la plupart des employeurs ne trouvent pas de personnel qualifié parce que les candidats ne disposent pas suffisamment des compétences techniques ou sociales, des connaissances ou de l’expérience requises. “Dans cette nouvelle ère de l’humain, il est désormais crucial que les entreprises ainsi que tous les acteurs de la société trouvent des solutions à l’inadéquation croissante entre l’offre excédentaire sur le marché du travail d’un côté et la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée de l’autre côté.”

Deux nouveaux-venus sur la liste des fonctions critiques

La liste des fonctions critiques a peu évolué au fil des ans. En Belgique, le Top 10 est dominé par les techniciens, les ouvriers qualifiés et les ouvriers non qualifiés. Immédiatement suivis par les chauffeurs (poids lourds/caristes), qui arrivaient l’année dernière seulement en 6e position. A souligner : l’arrivée dans le Top 10 des infirmiers/infirmières et des fonctions de management et de direction, respectivement aux 5e et 10e places. Les collaborateurs informatiques font également leur retour après un an d’absence (7e place). Les “secrétaires et personnel administratif”, “comptables et profils financiers” et cuisiniers complètent la liste, fût-ce avec des glissements de place par rapport à l’année précédente.

“En Belgique, toutes les entreprises ne sont pas confrontées aux pénuries de main-d’oeuvre avec le même niveau de gravité, précise Philippe Lacroix. Mais sous la pression des évolutions mondiales, comme le vieillissement de la population et l’accélération des progrès technologiques, la probabilité est grande que leurs difficultés à recruter augmentent.”

La Belgique à la 18e place

Par rapport à 2010, la Belgique gagne sept places pour se retrouver à la 18e place sur la liste des 39 pays sondés. Tous sont confrontés à des pénuries de main-d’oeuvre, avec des niveaux de gravité différents. La cause de la pénurie varie en fonction de la situation locale, de la croissance économique, des spécificités du tissu économique, du niveau d’éducation et de la démographie.

En haut de la liste, on trouve le Japon (80 %), l’Inde (67 %), le Brésil (57 %), l’Australie et Taiwan (chacun 54 %), la Roumanie (53 %) et les Etats-Unis (52 %). Les pays qui rencontrent le moins de difficultés à trouver du personnel qualifié sont la Pologne (4 %), l’Irlande (5 %), la Norvège (9 %), le Pérou (10 %), l’Espagne (11 %) et l’Afrique du Sud (14 %). Nos voisins ont également du mal à trouver les bons collaborateurs : l’Allemagne est passée de 29 % en 2010 à 40 %, la France a amélioré son score de 3 % par rapport à l’année dernière pour se situer à 20 %, alors que les Pays-Bas maintiennent le statu quo avec 17 %. Le Royaume-Uni est passé de 9 % à 15 %.

En Belgique, les chiffres par région font apparaître des différences notoires par rapport à la moyenne nationale (36 %). Les employeurs bruxellois ont ainsi les plus grandes difficultés à trouver des travailleurs qualifiés (49 %). En comparaison avec la région wallonne (42 %), le marché du travail en Flandre (26 %) est moins perturbé par le déséquilibre entre l’offre et la demande de main-d’oeuvre.

Créer des talents nécessite une stratégie à long terme

La crise économique et financière a définitivement changé le tissu économique, et donc aussi le marché du travail. “Les employeurs doivent prendre conscience qu’ils ne peuvent plus recruter des collaborateurs en un tournemain, juste au moment où ils en ont besoin, prévient Philippe Lacroix. Tout comme une entreprise doit assurer son approvisionnement en matières premières pour garantir ses objectifs de production, elle doit également pouvoir mobiliser à temps suffisamment de talents que pour atteindre ses objectifs d’entreprise. Mais le talent ne se crée pas à court terme, il faut pour cela une vision et une stratégie à long terme.”

Dans son nouveau livre blanc Manufacturing Talent for the Human Age, Manpower émet un certain nombre de recommandations à l’intention des employeurs quant à la manière dont ils peuvent résoudre l’inadéquation entre la surabondance d’offres d’emplois et les pénuries de talents. Comment développer par exemple une stratégie d’emploi solide et intégrée au 21e siècle, comment mettre à jour les méthodes de travail existantes et adapter l’organisation et la gestion des relations avec le personnel, dans quelle mesure convient-il de collaborer en ce sens avec les pouvoirs publics, l’enseignement et l’individu pour créer un effet catalyseur, etc.

Trends.be

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