Gastronomie: le bon goût d’André Van Hecke

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L’ancien patron du Cercle de Wallonie part en croisade alimentaire. Insatiable, l’homme d’affaires investit dans une chaîne de restaurants bio et ambitionne de modifier la consommation des générations futures. Au programme : une offre de produits sains et gourmands, mais aussi une participation active à un projet ambitieux baptisé The Food Faculty.

Il est décidément infatigable. A 70 ans, André Van Hecke pourrait prétendre à une retraite paisible dans son ancien presbytère niché à Maransart. Mais voilà, l’ancien patron du Cercle de Wallonie ne l’entend pas de cette oreille. Pis : l’homme s’est même mis en tête de déménager prochainement à Bruxelles pour prendre à bras le corps ses nouvelles responsabilités dans le monde de la restauration. ” Toute ma vie, j’ai été un développeur, clame André Van Hecke, mais le fil rouge de ma carrière a toujours été la problématique alimentaire, voire gastronomique. Aujourd’hui, j’ai sept enfants et 12 petits-enfants. J’adore faire à manger, je suis vraiment préoccupé par l’éducation et l’alimentation du futur, et je pense que je peux apporter mon expérience dans ce domaine pour faire évoluer les mentalités. ”

Affaires et bonne bouffe

L’art de la table a toujours rythmé le riche parcours d’André Van Hecke, de ses nombreuses années passées chez IP – la régie publicitaire de RTL Belgique – à son expérience plus récente dans la gestion de quatre cercles d’affaires à Namur, Liège, Beloeil et Waterloo. C’est dans les grands restaurants qu’il a non seulement négocié ses plus beaux contrats, mais c’est surtout dans l’organisation d’événements qu’il a peu à peu maîtrisé les exigences périlleuses du catering. A travers sa société Exôzt, André Van Hecke a ainsi animé, pendant une quinzaine d’années, la vie des différents cercles de Wallonie, affinant ses services de traiteur au gré des conférences et des multiples débats qu’il a dirigés.

André Van Hecke.
André Van Hecke.© PG

Mais il y a deux mois, le jeune septuagénaire a décidé de passer le relais, cédant son entreprise Exôzt à la société Cosabel, une filiale du groupe français Coser spécialisé lui aussi dans le catering événementiel. André Van Hecke aurait, dit-on, empoché près de 5 millions d’euros pour la transmission de ses affaires, ce que le principal intéressé refuse de confirmer, tenu par une clause de confidentialité. Insatiable, l’ancien patron du Cercle de Wallonie n’a toutefois pas quitté le monde des événements et de la restauration pour autant. Depuis peu, il est devenu administrateur du Brussels Expo Catering Services (Becs), le nouveau service de catering lancé par Brussels Expo, le groupe qui gère l’organisation de foires et salons sur le plateau du Heysel. ” On part du principe qu’il ne faut pas considérer le public comme de simples amateurs de gaufres et de hot-dogs, explique André Van Hecke. Avant, on était dans une offre d’alimentation non respectueuse du client. Avec le Becs, l’idée est d’ouvrir l’éventail avec de meilleurs produits et de donner davantage de plaisir aux visiteurs qui viennent au Salon de l’Auto ou à Batibouw. ”

Le pari du bio en ville

Je crois aux circuits ultra-courts et à l’avenir de produits sains, cultivés en ville, pour une offre de restauration de proximité.” – André Van Hecke

Outre cette nouvelle casquette coiffée à Brussels Expo, l’ex-patron d’Exôzt a également décidé d’investir et de s’investir dans la chaîne de restaurants Les Filles à Bruxelles. Portée par le slogan ” Bio, artisanal et gourmand “, l’enseigne a vu le jour il y a un peu plus de trois ans dans le centre de la capitale (rue du Vieux Marché aux Grains) et elle vient d’ajouter deux nouvelles adresses à son offre de repas ” faits maison ” qui se dégustent autour de grandes tables communes : l’une dans le quartier de la Bascule à Ixelles et l’autre dans les murs du Parlement européen, un précieux sésame obtenu en septembre dernier après un appel d’offres qui a duré huit mois. Séduit par le projet gastronomique, André Van Hecke l’est tout autant par les ” vraies ” Filles puisque l’une des deux fondatrices, Catherine Kirszbaum, n’est autre que la compagne de l’ancien boss du Cercle de Wallonie.

” Je ne mets pas que de l’argent dans la société, j’apporte aussi mon expérience sur le terrain, explique l’intéressé. Je crois beaucoup en ce projet de cuisine bio de qualité qui suit le cours des saisons et je suis persuadé qu’il s’inscrit dans l’évolution de la société. J’ai la chance de beaucoup voyager et je reviens par exemple de Singapour où j’ai vu d’immenses tours qui privilégient la culture verticale de légumes. Je crois aux circuits ultra-courts et à l’avenir de produits sains, cultivés en ville, pour une offre de restauration de proximité. Dans les grandes métropoles, les appartements rétrécissent et certains n’ont même plus de cuisine car tout est à portée de smartphone. Je crois énormément à deux courants alimentaires qui vont prendre de plus en plus d’importance dans les années à venir : le delivery (la livraison à domicile) et le take away (les plats à emporter). Et c’est précisément dans ces deux directions que je veux emmener Les Filles, avec une offre qui restera toujours bio. ”

Etendre l’offre urbaine

Portée par un chiffre d’affaires annuel de près de 2 millions d’euros, l’entreprise mise donc sur la distribution de repas ” sains et gourmands ” via des services spécialisés tel UberEats, mais aussi via des enseignes qui privilégient une alimentation de qualité comme Rob ou le nouveau White Cinema du centre commercial Docks à Bruxelles. A moyen terme, l’arrivée d’André Van Hecke dans le capital devrait non seulement permettre de booster les activités delivery et take away, mais aussi de déployer Les Filles dans d’autres villes de Belgique : l’offre urbaine préconisée par le nouvel associé devrait ainsi s’étendre à Anvers et Gand, avant de gagner probablement Liège dans un second temps.

” La société qui emploie aujourd’hui 35 équivalents temps plein est une expression laboratoire de ce que l’ensemble du secteur alimentaire devrait faire à l’avenir, ose même André Van Hecke. Mon implication dans Les Filles est d’ailleurs révélatrice d’un autre projet qui me tient à coeur et que j’ai décidé de rejoindre : une ‘Université de l’Alimentation’ qui devrait voir le jour à Bruxelles dans quelques mois. ”

Gastronomie: le bon goût d'André Van Hecke
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Baptisé The Food Faculty, ce projet cornaqué par l’ASBL Belgian Foundation for Food Sciences, devrait éclore sur le site de Tour & Taxis à l’automne prochain dans le bâtiment de la Gare maritime qui sera bientôt rénové. L’initiative ne cache nullement une énième école d’hôtellerie qui surferait sur les dernières tendances culinaires, mais elle ambitionne plutôt d’être un véritable institut supérieur dédié à l’étude de l’alimentation et de ses défis tant sociétaux qu’économiques.

Une nouvelle unif belge

Portée par la Belgian Restaurants Association (Bra) qui compte 400 membres, cette ” université belge des sciences gastronomiques ” s’inspire d’un modèle qui existe déjà en Italie dans la région de Turin. Elle devrait notamment inclure une grande ferme urbaine sur le site de Tour & Taxis et elle entend séduire, en vitesse de croisière, quelque 500 étudiants par an sur les différents niveaux d’études de type bachelors, masters et post-graduates.

” Une bonne alimentation contribue à augmenter l’espérance de vie, conclut André Van Hecke, et l’objectif de ce nouvel institut est d’aller précisément dans ce sens. Par l’éducation et par le choix d’une alimentation du futur qui mise sur des produits sains sans perdre la notion de plaisir, je pense que l’on pourra atteindre cet objectif qui nous concerne tous. Voilà pourquoi je m’investis aussi dans le projet The Food Factory en tant qu’administrateur. On est donc loin de la gastronomie au sens restrictif, bourgeois et élitiste du terme. Il s’agit plutôt d’une prise de conscience durable qui passe d’abord par une formation d’élites en la matière avant de percoler sur le grand public “.

Augmenter la durée de vie pour repousser encore la date fatidique de la retraite, voilà sans doute la plus belle des récompenses pour André Van Hecke qui a toujours mixé plaisir, business et art de la table…

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