Finnair, une Sabena qui aurait réussi…

Finnair reste une exception sur le marché du transport aérien. © DR

La route de la Chine ou du Japon passe souvent par Helsinki. La petite compagnie Finnair, contrôlée par l’Etat finlandais, s’est spécialisée dans les destinations asiatiques et remporte un joli succès en Belgique.

Pour voyager vers Séoul, Tokyo ou Shanghai, il peut être intéressant de passer par Helsinki. C’est le résultat d’une stratégie de niche menée par la compagnie Finnair, visant à relier l’Europe à l’Asie, et inversement.

Près de la moitié de ses revenus provient aujourd’hui de ce marché. La compagnie relie actuellement 19 villes asiatiques. “Cet été, nous comptons 97 vols par semaine”, indique Andrew Fish, general manager UK, Irlande et Benelux pour Finnair. Dont 37 vers la Chine. La compagnie dessert les capitales mais aussi des villes secondaires, comme Nanjing (Nankin), Chongqing et Xi’An en Chine, ou Nagoya et Fukuoka au Japon, peu couvertes par les autres compagnies européennes.

Finnair, une Sabena qui aurait réussi...

Survol de la Russie autorisé

Finnair profite de la position géographique d’Helsinki, posée juste sur la route de l’Extrême-Orient, à 2h30 de Bruxelles. Le marché a été développé grâce à l’arrivée d’avions à très long rayon d’action et à l’ouverture de la Russie qui accepte désormais le survol vers l’Asie par des compagnies européennes, ce qui était exclu à l’époque soviétique.

La taille modérée de l’aéroport d’Helsinki (18,9 millions de passagers contre 24,7 millions à Brussels Airport) autorise des correspondances rapides – 40 minutes – depuis des dizaines de villes européennes. “C’est un aéroport tranquille, observe Frank Bosteels, porte-parole de Connections, une importante agence de voyages belge. Le voyageur y passe d’une porte à l’autre en un ou deux quarts d’heure. C’est très différent de Francfort, Heathrow ou Schiphol, où il faut marcher longtemps ou prendre un moyen de transport pour passer d’un terminal à l’autre.” Finnair relie notre capitale à Helsinki quatre fois par jour.

Ainsi un Bruxelles-Tokyo prend, correspondance à Helsinki comprise, 14h25 avec Finnair, alors qu’un vol direct de la compagnie ANA met 11h30 pour arriver à destination. Les vols directs se vendent souvent plus cher que ceux avec correspondance. Sur ce marché des vols avec correspondance, Finnair est en concurrence avec les compagnies du Golfe (Emirates, Qatar Airways, Etihad). Mais ces dernières prennent facilement quatre heures de plus pour relier la Belgique au Japon, en raison de la position géographique moins favorable des aéroports de Dubaï, Doha et Abou Dabi pour cette destination.

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Un marché belge attractif

En Belgique, la force de Finnair a longtemps été la quasi inexistence des lignes directes vers l’Extrême-Orient après la faillite de la Sabena, en 2001. La situation a changé ces dernières années (lire l’encadré “Plus de vols directs vers l’Asie” ci-dessous). Des liaisons non stop sont disponibles vers Tokyo et Shanghai, et tout récemment vers Hong Kong, à partir de Charleroi avec Air Belgium. Cette dernière compagnie exploite d’anciens avions de Finnair, des Airbus A340 âgés d’environ 11 ans. La compagnie belge met en avant le passé finlandais de ces avions: “La maintenance de Finnair est reconnue”, avance Eric Bauche, président du conseil d’administration d’Air Belgium.

Avec la multiplication de l’offre de vols sans escale au départ de la Belgique, l’écart de prix semble s’être réduit entre les vols directs et ceux qui ne le sont pas. “Cela met Finnair sous pression”, analyse Frank Bosteels, qui note que l’abondance de l’offre maintient les tarifs assez bas: “Pour un vol de 10 à 11 h vers Bangkok, par exemple, on trouve des tickets à partir de 450 euros, alors qu’ils étaient vendus naguère à 600 ou 700 euros”, observe-t-il. Air Belgium commercialise ses vols sur Hong Kong à partir de 449 euros aller-retour. “Nous continuons pourtant à progresser sur le marché belge”, avance Andrew Fish. La Belgique reste un marché intéressant, plus important que celui des Pays-Bas.

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Une gestion habile des tarifs

Les tarifs pratiqués sont attractifs mais Finnair figure rarement en tête des comparateurs de prix (Skyscanner, eDreams, etc.). En musardant sur le site Finnair, il apparaît que les offres restent modérées. Pour le mois d’octobre, on trouve un aller-retour à 480,50 euros pour Guangzhou (Chine) ou à 668 euros pour Tokyo.

Le marché ciblé a toujours été en priorité celui de la clientèle business. “Mais nous visons maintenant davantage la clientèle de loisirs car nous avons fortement augmenté notre offre avec les nouveaux Airbus A350. Et la clientèle business n’est pas extensible”, ajoute Andrew Fish. Les nouveaux avions comptent en effet jusqu’à 336 sièges, contre 263 pour les Airbus A330 plus anciens utilisés par la compagnie.

Quant à la clientèle visée, elle n’est pas seulement européenne. Finnair courtise également les Asiatiques. “En moyenne, nos vols attirent pour moitié des passagers asiatiques et pour l’autre, des Européens”, précise Andrew Fish. Avec des pointes locales selon la demande et la capacité à obtenir de meilleures recettes. Ainsi, en septembre-octobre, les Japonais sont habituellement majoritaires sur les vols entre leur pays et l’Europe.

Pour attirer les passagers avec des tarifs qui ne sont pas forcément les plus bas, Finnair joue sur trois atouts. Le premier est le confort, avec l’Airbus A350, le dernier-né des longs-courriers du constructeur, qui équipe la flotte finnoise. Cet appareil offre une climatisation sans courant d’air, plus agréable, il dispose d’un éclairage qui anticipe le changement de fuseau horaire et est plus silencieux. Le voyageur arrive moins fatigué. C’est un argument qui touche surtout les voyageurs d’affaires. Par ailleurs, ces avions consomment et émettent moins de CO2 car ils sont plus légers en raison d’une construction recourant massivement à la fibre de carbone. Finnair possède 11 Airbus A350 et en recevra huit de plus d’ici 2022 (les livraisons ont été avancées).

Le deuxième atout est la desserte des grandes villes secondaires qu’aucune autre compagnie ne propose en liaison directe depuis Bruxelles: par exemple Nagoya, où se trouve le siège de Toyota, pour le Japon, ou Xi’An pour la Chine. Le troisième et dernier atout est l’image positive du pays nordique, avec son service et son design (uniformes, vaisselle, linge de bord, etc.) conçus par Marimekko, société de design finlandaise. Mais la concurrence est rude : les compagnies du Golfe sont de redoutables concurrentes en termes de qualité du service.

Une Sabena qui aurait réussi

Finnair reste une exception dans le marché du transport aérien européen, où les maîtres mots, ces 30 dernières années, sont privatisation, consolidation et low cost. Elle est restée l’une des rares compagnies à majorité de capital public avec des résultats très honorables, malgré une taille modeste. Une taille proche de celle de Brussels Airlines, avec 5.900 salariés, 55 avions et 11,9 millions de passagers transportés l’an dernier. La compagnie belge, filiale de Lufthansa, occupe, elle, 3.151 personnes, opère 44 avions et a transporté plus de 9 millions de passagers en 2017.

Si l’on examine le sort des anciennes compagnies nationales historiques, petites ou moyennes en Europe, elles ont soit disparu (Sabena, Malév en Hongrie), soit été absorbées par des grands groupes (Air Lingus et Iberia rachetées par British Airways). L’absorption complète de Brussels Airlines par le groupe Lufthansa a été justifiée par ce dernier par l’impossibilité de faire survivre une petite compagnie en Europe. Finnair est clairement un contre-exemple, avec l’Etat finlandais qui contrôle plus de 50% des parts. Elle est née en 1923, la même année que feu notre Sabena. Finnair est donc, en quelque sorte, une Sabena qui aurait réussi…

Concurrence limitée des low cost

Andrew Fish
Andrew Fish “Nous continuons à progresser sur le marché belge.”

Les vols longs-courriers vers l’Asie ont largement contribué à la viabilité de Finnair. Alors que Brussels Airlines ne compte que 10 longs-courriers pour l’Afrique et les Etats-Unis, Finnair en exploite le double, les 11 Airbus A350 tout neufs ainsi que huit A330. Brussels Airlines est nettement plus dépendante du marché européen, où la concurrence des low cost est très rude. Le résultat se lit dans les chiffres: Finnair dégageait, l’an dernier, un résultat net de 169 millions d’euros sur un revenu de 2,56 milliards d’euros, tandis que Brussels Airlines affichait une perte de 60,9 millions d’euros sur une recette totale de 1,4 milliard d’euros, une perte, il est vrai, due à des éléments exceptionnels (impact des attentats de 2016 après l’intervention des assurances et remboursement de subsides contestés par la Commission européenne). En excluant ces éléments, le résultat opérationnel reste toutefois modeste: 3,9 millions d’euros, malgré une croissance de 17% du nombre de passagers.

Finnair souffre moins de la concurrence low cost, qui représente 15% de l’offre en Finlande contre 37,5% en Belgique, selon le site Anna Aero. Ryanair y est peu présente. La concurrence est davantage régionale, avec SAS et – surtout – Norwegian, la compagnie low cost d’Oslo à la forte croissance, présente sur les vols européens et surtout sur les longs-courriers, en particulier ceux vers les Etats-Unis.

Redressement après des années difficiles

Pekka Vauramo Le CEO est en passe de réussir son pari de doubler le trafic vers l'Asie.
Pekka Vauramo Le CEO est en passe de réussir son pari de doubler le trafic vers l’Asie.

Après la crise financière de 2008, Finnair a connu quelques années difficiles (99 millions de pertes en 2014). Son CEO, Pekka Vauramo, a lancé un plan d’économies de 200 millions d’euros par an et axé sa stratégie de développement vers l’Asie, avec l’objectif de doubler ce trafic entre 2010 et 2018, ce qu’il est en passe de réussir.

La compagnie s’est fort bien redressée. Elle affiche une belle santé (lire le tableau “Petite, indépendante et performante“). Elle fait excellente figure face à ses grandes soeurs voisines, la compagnie historique SAS (Scandinavian Airlines System), commune à la Suède, à la Norvège et au Danemark, et le “Ryanair norvégien”, Norwegian Air Shuttle, qui affiche des pertes dues à sa croissance forcenée.

Finnair, une Sabena qui aurait réussi...

La question de l’indépendance

La question de l’indépendance de la compagnie avait été remise en question durant la période de crise, une intégration au sein du groupe AIG (British Airways) avait été évoquée. “Aujourd’hui, la question n’est plus à l’ordre du jour”, commente Andrew Fish.

Le redressement de la compagnie a montré la viabilité du modèle indépendant, mais tout dépendra aussi du futur CEO qui doit encore être nommé. Pekka Vauramo, qui a redressé et développé la stratégie asiatique, a annoncé en mai qu’il quittera son poste en novembre pour aller diriger Metso, une compagnie finlandaise spécialisée dans l’équipement industriel pour les mines et les carrières. Les administrateurs de Finnair prennent leur temps…

Plus de vols directs vers l’Asie

Finnair a beaucoup profité de la faiblesse de la Belgique en vols longs-courriers. Depuis la faillite de la Sabena en 2001, il n’y a eu quasi aucun vol vers l’Asie. Il fallait voyager avec un vol en correspondance. Depuis quatre ans, ce n’est plus vrai: les vols directs se multiplient. Ils devraient freiner Finnair, ce que la compagnie dément. “La multiplication des vols directs a juste augmenté la taille du marché, explique Andrew Fish. Il y a plus de monde susceptible de voyager vers l’Asie. Nous connaissons toujours une croissance.”

Air Belgium. Assure depuis juin dernier deux vols hebdomadaires Charleroi-Hong Kong, trois depuis juillet et en promet d’autres vers la Chine continentale d’ici la fin de l’année.

Cathay Pacific. A ouvert quatre vols hebdomadaires sur Hong Kong depuis mars.

Hainan Airlines. La compagnie chinoise, qui dessert Pékin cinq fois par semaine, a ouvert une ligne vers Shanghai depuis l’an passé (trois vols hebdomadaires) et relie Shenzhen deux fois par semaine depuis mars.

ANA. La compagnie japonaise opère une ligne quotidienne Bruxelles-Tokyo en Boeing 787 depuis 2015.

Au total, ces vols représentent environ un millier de sièges de plus chaque jour vers l’Extrême-Orient.

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