Fiat et PSA : une fusion crédible ?

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Les rumeurs de mariage entre Fiat/Chrysler et PSA-Peugeot-Citroën ont repris de plus belle depuis que Sergio Marchionne, patron du constructeur italien, a fait savoir qu’il était favorable à une nouvelle fusion. Que faut-il en penser ?

Pourquoi la rumeur est-elle repartie ?

C’est Sergio Marchionne, le patron de Fiat et de Chrysler, qui a remis le sujet sur la table. Lundi, au salon de Détroit, il a en effet fait savoir qu’il était ouvert “sur le principe” à une autre fusion, après le rapprochement orchestré entre Fiat et Chrysler. “Vous avez Volkswagen qui affiche une part de marché d’environ 20% en Europe. Je crois qu’il faut créer un autre Volkswagen en terme d’ampleur”, a-t-il déclaré, sans laisser guère de doute sur l’identité du constructeur visé. “Si vous prenez deux acteurs européens et vous les mettez ensemble, vous aurez la bonne réponse”, a ainsi déclaré l’administrateur délégué de Fiat.

Depuis l’échec du rachat d’Opel en 2009, seul PSA en Europe pourrait avoir la taille adéquate pour fusionner avec Fiat. Or à en croire la presse italienne, le nouveau Fiat-Chrysler serait bien en train de réfléchir à un rapprochement avec le constructeur sochalien. Citant des sources qualifiées, le quotidien le Corriere della Sera affirme même que “les Français de PSA Peugeot-Citroën sont prêts à négocier l’alliance”. De quoi raviver la rumeur. A deux reprises en 2009, l’hypothèse d’un mariage de Fiat avec PSA avait été évoquée par la presse italienne.

Un rapprochement aurait-il du sens ?

Comme en 2009, les analystes financiers semblent trouver qu’un rapprochement entre les deux groupes ferait sens. Et ce pour la simple et bonne raison que les deux constructeurs n’ont pas la taille critique suffisante. PSA n’a vendu que 3,6 millions de véhicules dans le monde en 2010, et Fiat-Chrysler 4,2 millions en 2011… loin des 6 millions de véhicules minimums pour survivre, selon Sergio Marchionne. “En cas de rapprochement, le duo franco-italien pourrait truster 36% des parts de marché en Europe, ce qui résoudrait au moins en partie les problèmes des deux groupes”, explique un analyste qui a préféré garder l’anonymat.

D’un côté PSA pourrait en effet solutionner son éternel problème de taille, par la consolidation. Et de l’autre Fiat pourrait répondre à la question de la rentabilité qui lui fait défaut sur son marché historique. Chaque année Fiat réalise des centaines de millions d’euros de pertes en Europe. Pour y remédier il n’a qu’une solution : créer des effets d’échelle importants. Par la fusion, les deux groupes actionneraient deux leviers importants : l’effet volume, grâce aux plateformes communes qui permettent d’abaisser significativement les coûts de production, et la mutualisation des coûts de développement.

Reste la complémentarité du trio Fiat-Chrysler-PSA, qui n’est pas évidente. Géographiquement notamment, elle présente un grand désavantage puisque les trois constructeurs sont quasiment absents du marché chinois, le premier mondial. “Mais avec Fiat au Brésil, Chrysler aux Etats-Unis et PSA en Europe, la diversification géographique des trois groupes semble suffisante pour survivre”, estime Bernard Jullien, directeur du Gerpisa, un think tank automobile.

PSA serait-il favorable à ce mariage ?

Difficile à dire. Pour l’heure, PSA se refuse à tout commentaire. En 2009, certains membres de la famille actionnaire semblaient prêts à rompre avec la fameuse doctrine des Peugeot, qui interdit depuis des années toute dilution du capital. L’arrivée de Philippe Varin à la tête de PSA, qui a réussi la délicate fusion de Corus et Tata Steel, avait même été interprétée comme un signe d’infléchissement général. Tout comme en 2010, l’évocation d’un rapprochement capitalistique entre PSA et Mitsubishi.

Or de l’avis des observateurs, les difficultés récentes du grouperendent un rapprochement de plus en plus nécessaire, ce qui pourrait expliquer la nouvelle tentative de Sergio Marchionne. “De manière assez paradoxale, la crise automobile et les mesures de soutien au secteur ont permis à PSA d’éviter le sujet. Mais aujourd’hui il n’a plus guère le choix. Sa stratégie de montée en gamme comme son développement sur les marchés émergentsrequièrent du temps et des capitaux dont sa taille limitée ne lui pemet pas de disposer”, explique Bernard Jullien.

Reste qu’en cas d’accord de principe entre les deux groupes, il faudra s’entendre sur l’aspect financier du mariage. Autant dire que la partie est loin d’être gagnée. En 2009, les scénarios envisagés plaçaient PSA comme actionnaire de référence de l’ensemble, et Sergio Marchionne à la tête de l’opérationnel. Mais depuis quelques temps, l’administrateur de Fiat a affiché sa volonté de rendre son tablier d’ici à 2015. Quant à l’aspect actionnarial, il risque d’être éminemment compliqué. Aujourd’hui l’écart de valorisation boursière est en effet très favorable à Fiat et à sa famille actionnaire, les Agnelli. Pas sûr que les Peugeot l’acceptent…

Y a-t-il d’autres freins à la fusion ?

Des fusions de ce type ne se font pas en un claquement de doigt. Avant que les premières plateformes communes ne voient le jour, il faut compter plusieurs années. En se rapprochant à la fois de Chrysler et de PSA, Fiat multiplierait donc les difficultés sur le plan industriel déjà, mais aussi managérial et social. “Aujourd’hui cela risque d’être la grande limite du rapprochement entre Fiat et PSA. Les deux constructeurs ont des surcapacités énormes en Europe. La fusion ne pourrait se faire sans casse sociale, ce qui risque de poser un gros problème sur le plan politique, et coûterait très cher”, estime notre analyste.

Seul point positif finalement, les deux groupes sont habitués à travailler ensemble. Fiat et PSA collaborent en effet depuis longtemps sur différents modèles, notamment dans les monospaces et les petits utilitaires.

Julie de la Brosse, L’Expansion.com

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