Ferrari, septante ans déjà !

Avant de créer sa marque, Enzo Ferrari a débuté comme pilote pour... Alfa Romeo. © BELGAIMAGE

En 1947, la première voiture portant le nom Ferrari prenait la route. A l’occasion de cet anniversaire, on se replonge dans l’histoire du constructeur italien et de son tempétueux fondateur : Enzo Ferrari.

” Je ne souhaite pas abdiquer mes convictions “, lance Enzo Ferrari en septembre 1939, lorsqu’il claque avec fracas la porte de chez Alfa Romeo. Enzo travaillait pour Alfa depuis 1920, d’abord en tant que pilote-essayeur, puis comme directeur sportif. L’orgueil de l’homme s’accordait mal avec la hiérarchie d’une grosse structure. Enzo décide donc de se mettre à son compte. Il fonde sa propre usine de machines-outils, avant de créer sa marque automobile. Il faudra toutefois attendre 1947 pour voir rouler la première voiture portant le nom Ferrari. Elle abritait déjà sous son capot un moteur V12. Il se dit que Ferrari aurait choisi cette architecture pour que ses voitures émettent un son plus noble que celui des V8 Alfa Romeo… Rancunier et coléreux, Enzo Ferrari parviendra néanmoins à donner naissance à ce qui est aujourd’hui l’une des marques les plus prestigieuses de la planète automobile. Retour sur l’histoire de l’homme et de sa création.

La première Ferrari de route fut la 166. Le véhicule, présenté ici dans sa version barquette (166 MM), disposait d'un moteur 2 litres V12, délivrant de 110 à 150 ch.
La première Ferrari de route fut la 166. Le véhicule, présenté ici dans sa version barquette (166 MM), disposait d’un moteur 2 litres V12, délivrant de 110 à 150 ch. © BELGAIMAGE

Le pilote

Enzo Anselmo Ferrari voit le jour dans les faubourgs de Modène, le 18 février 1898. Sa naissance n’est toutefois déclarée que deux jours plus tard, en raison des fortes chutes de neige qui s’abattent alors sur l’Emilie Romagne. Le père d’Enzo possède une petite société de charpente métallique, qui emploie environ 30 personnes et construit des ponts et des toits pour la société nationale des chemins de fer. A l’époque, l’automobile naissante passionne les foules. A ses 10 ans, Enzo assiste, avec son frère Alfredo et son père, à une course sur le circuit automobile de la Via Emilia, à Bologne. Felice Nazzaro gagne l’épreuve sur une Fiat, bataillant contre Vincenzo Lancia. Le jeune Enzo est subjugué par ces chevaliers à peine casqués, qui font hurler leur monture de fer.

C’est fin 1945 qu’Enzo commence à concevoir entièrement sa propre voiture : la 125 S, qui sera la première à porter son nom.

Onze ans plus tard, en 1919, le petit Enzo est devenu un jeune homme robuste, marqué par la vie. Il a servi son pays durant la Grande Guerre et a perdu son père et son frère, morts des suites d’une épidémie. Mais en ce jour de 1919, Enzo a le sourire. Il se retrouve lui-même derrière le volant, pour sa première compétition : la course de côte Parme-Berceto. Dans sa CMN 15/20 de 2,3 litres à 4 cylindres, il obtient la quatrième place de sa catégorie et termine 11e au général. Des débuts assez prometteurs. Et en 1920, Enzo devient pilote d’essai officiel chez Alfa Romeo. Il participera également à plusieurs courses pour cette marque, bataillant contre des légendes comme Ascari ou Nuvolari, sans toutefois avoir leur talent. Enzo sait qu’il est meilleur stratège que pilote, ce qui le poussera à se concentrer sur des fonctions de gestion. Et en 1931, Enzo range définitivement son casque au vestiaire, en prévision de la naissance (le 19 janvier 1932) de son premier fils : Alfredo, plus connu sous le nom de Dino.

La 125 S est dédiée à la course. Ferrari fut effectivement d'abord une écurie de course avant d'être une marque automobile.
La 125 S est dédiée à la course. Ferrari fut effectivement d’abord une écurie de course avant d’être une marque automobile. © REUTERS

Le directeur de course

Parallèlement à ses activités chez Alfa, Enzo fonde en 1929 la Scuderia Ferrari, à Modène. L’objectif de cette écurie de course est de soutenir les pilotes privés. En 1933, la Scuderia devient même l’écurie officielle d’Alfa Romeo en compétition. Et Enzo est promu directeur du département compétition de la marque au Trèfle. Jusqu’à ce fameux jour de septembre 1939, où il plaque Alfa Romeo, lassé d’être bridé dans ses choix et avide de liberté. Contre une somme d’argent, Enzo accepte une clause de non-concurrence : il s’engage à ne pas associer le nom Ferrari à des courses ou des voitures de course pendant au moins quatre années. Mais à partir de ce moment, l’homme obstiné et revanchard n’a plus qu’un but : qu’une de ses voitures batte un jour les Alfa Romeo en course !

L’industriel

Le 13 septembre 1939, Ferrari crée Auto Avio Costruzioni, à Modène. Cette entreprise est spécialisée dans la production de pièces mécaniques pour avions et voitures. En 1940, la société construit deux versions de ce que Ferrari appelle alors la 815 (8 cylindres, 1.500 cc), une voiture de course construite sur une plateforme Fiat. En 1943, Auto Avio Costruzioni déménage à Maranello. Mais la guerre s’en mêle. Pendant le conflit, Enzo met ses rêves entre parenthèses et sa société doit se concentrer sur la fabrication de machines d’usinage, des copies de machines-outils allemandes.

3,1 milliards, c’est le chiffre d’affaires enregistrés en 2016 par le constructeur italien.

L’année 1945 est marquée par la naissance du second fils d’Enzo Ferrari, Piero. C’est aussi fin 1945 qu’Enzo commence à concevoir entièrement sa propre voiture : la 125 S, qui sera donc la première à porter son nom. Il s’agit d’une barquette de course, animée par un 1,5 litre à 12 cylindres en V. Ce moteur, créé par l’ingénieur Gioachino Colombo, développait 120 ch à l’origine.

Ce modèle prend la route pour la première fois le 12 mars 1947. Et le 25 mai, pour sa deuxième sortie officielle, la 125 S remporte le Grand Prix de Rome. Très vite, les succès s’enchaînent et les Ferrari brillent sur les circuits du monde entier. Enzo décide également de produire des modèles pour la route, à moteur V12 extrapolé de la compétition. Des engins dédiés aux prestigieux (et très riches…) clients. La première Ferrari de route sera la 166, présentée en 1948 au salon de Turin. Disponible en coupé GT ou en barquette (166 MM), le modèle est animé par un moteur 2 litres V12, délivrant de 110 à 150 ch. Ensuite ont suivi une horde de modèles de route badgés du cheval cabré. Et Ferrari est aussi toujours resté actif et très couronné en compétition.

Enzo Ferrari a fondé sa propre usine de machines-outils, avant de créer sa marque automobile.
Enzo Ferrari a fondé sa propre usine de machines-outils, avant de créer sa marque automobile.© BELGAIMAGE

Les coups durs

Une saga s’énonce en grande pompe, mais compte aussi quelques zones d’ombre… Enzo Ferrari a dû faire face à de nombreux coups durs. Dans les années 1950, il perd plusieurs de ses meilleurs pilotes. Ainsi, entre 1955 et 1958, Ascari, Musso, Castellotti, de Portago et Collins disparaissent en course. Dans l’intervalle, Enzo perd aussi son fils, Dino, emporté par une myopathie en 1956. Et en 1961, le palais de Maranello se met à trembler ! Les têtes pensantes de l’usine se rebellent contre la ” dictature ” du leader et quittent le navire Ferrari, qui commence à prendre l’eau.

En 1969, rien ne va plus et le Commendatore comprend qu’une petite structure comme la sienne ne pourra pas résister seule face à des colosses industriels, comme Ford (alors fort engagé en compétition) et autres. Enzo accepte l’aide du groupe Fiat, auquel il cède 50 % des parts de sa société. En 1988, ce chiffre monte à 90 %. Mais aujourd’hui, Ferrari est toujours là (la marque est entrée en Bourse en octobre 2015) et les affaires vont plutôt bien. En 2016, le constructeur italien annonçait un chiffre d’affaires de 3,1 milliards d’euros (+ 8,8 % par rapport à 2015) et un bénéfice net de 425 millions d’euros (+ 37,1%). Ferrari conserve sa taille humaine et cultive même la rareté (production limitée à 8.000 voitures l’an dernier, mais qui devrait toutefois être portée à 9.000 en 2019), pour mieux continuer à vendre ses modèles au prix fort. Car pour s’assurer une bonne rente, il est souvent préférable de produire moins que la demande. Enzo approuvait ce principe, lui qui s’est éteint le 14 août 1988, à 90 ans. Il ne neigeait pas ce jour-là, mais conformément à ses dernières volontés, ce n’est que deux jours plus tard que son décès fut officiellement déclaré…

Par Olivier Maloteaux.

Dernière création: la 812 Superfast

© AFP

En mars, Ferrari débarquait au salon de Genève avec sa dernière création : la 812 Superfast, qui sera commercialisée en septembre, pour remplacer la F12 Berlinetta. L’engin étire sa carrosserie en aluminium sur une longueur de 4,66 mètres. Et sous l’imposant capot avant, se niche un bloc 6,5 litres V12 atmosphérique, qui délivre une puissance de… 800 ch à 8.500 tr/min ! Le moteur est associé à une boîte robotisée à double embrayage et sept rapports. L’engin (qui pèse 1.525 kg à sec) boucle le sprint de 0 à 100 km/h en 2,9 secondes et pointe à 340 km/h. Pour améliorer l’agilité en courbe, le modèle dispose de roues arrière directrices (qui tournent donc légèrement), tandis que la motricité en sortie de virage est assurée par le différentiel arrière piloté. Le prix n’est pas encore connu, mais il dépassera celui de la F12, qui coûtait déjà près de 280.000 euros !

Ferrari 250 GTO: un investissement en béton

Ferrari, septante ans déjà !
© matrixpictures.co.uk

La 250 GTO est un véritable mythe automobile. Cette Ferrari n’a été produite qu’à 36 exemplaires et sa cote ne cesse de grimper d’année en année. La 250 GTO est donc un investissement sûr et est même considérée comme la voiture la plus chère du monde. Parmi les rares et heureux possesseurs de cet engin, on compte notamment le batteur de Pink Floyd Nick Masson, le couturier américain Ralph Lauren ou encore le patron de Wal-Mart. En 2014, le dernier exemplaire vendu aux enchères sur le marché s’est échangé contre la somme de 38 millions de dollars. Et il se dit même qu’un autre exemplaire se serait vendu en transaction privée à 52 millions de dollars en 2013…

Pourquoi un cheval cabré ?

Ferrari, septante ans déjà !
© PHOTOPQR/L’EST REPUBLICAIN

En 1923, Enzo Ferrari pilote pour l’équipe Alfa Romeo. Suite à sa victoire sur le circuit de Savio à Ravenne, il rencontre la famille Baracca. La comtesse Paolina Baracca, impressionnée par la bravoure d’Enzo Ferrari, lui propose d’apposer sur sa voiture de course le Cavallino Rampante (cheval cabré) qui ornait la carlingue de l’avion de chasse de son fils, Francesco Baracca, mort en combat aérien en 1918. En 1929, lorsqu’Enzo érige sa propre écurie de course, la Scuderia Ferrari, c’est tout naturellement qu’il choisit comme emblème le cheval cabré de la famille Baracca. Le pilote y ajoute toutefois un fond jaune (couleur de sa ville natale, Modène) et les couleurs du drapeau italien. Depuis lors, l’emblème du cheval cabré est devenu mythique et a orné une longue lignée de pur-sang.

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