Faut-il priver d’intérêts notionnels les entreprises qui licencient ?

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Les députés PS Marie Arena et Alain Mathot ont déposé une proposition de loi en ce sens, avec AB InBev en ligne de mire. “Salutaire mais tardif”, raille Ecolo. “Proposition de loi de circonstances”, dénonce le MR, qui refusera de contresigner la proposition socialiste.

Les députés PS Marie Arena et Alain Mathot ont déposé une proposition de loi visant à priver les entreprises qui mènent un licenciement collectif du bénéfice des intérêts notionnels, rapportent vendredi L’Echo et De Tijd. Le texte propose plus précisément de supprimer la déduction fiscale pour le capital à risque pour la période imposable au cours de laquelle intervient une telle restructuration, ainsi que pour toutes les périodes imposables postérieures.

La mesure ne s’appliquerait toutefois pas aux entreprises en difficulté. En outre, les sociétés qui reviendraient sur leur décision de licenciement pourraient recouvrer leurs droits.

Ecolo : la prise de conscience du PS sur les intérêts notionnels est “salutaire mais tardive”

Le député Ecolo Georges Gilkinet a égratigné vendredi “la prise de conscience salutaire mais tardive” du Parti socialiste sur les intérêts notionnels : “Ce sont eux qui ont créé, avec le MR, ce dispositif trop large et coûteux !” Lors du vote de la loi en 2005, Ecolo avait introduit un amendement établissant un lien entre la déduction fiscale et l’emploi, mais cet amendement a été rejeté, “y compris par le PS”, a réagi Georges Gilkinet auprès l’agence Belga.

Le parti écologiste a par ailleurs déposé, dès mars 2008, une proposition de loi sur le même sujet. Cette proposition, qui vise aussi à interdire les montages artificiels, est actuellement en discussion en commission des Finances de la Chambre, a précisé le député. Elle sera vraisemblablement traitée conjointement avec la nouvelle proposition du PS.

PS : “Notre proposition va beaucoup plus loin et est plus dure que le texte d’Ecolo” sur les intérêts notionnels

Le groupe PS de la Chambre a indiqué vendredi qu’il soumettra sa proposition de loi relative aux intérêts notionnels à la signature des autres groupes de la majorité… mais ne goûte gu§ère les remarques d’Ecolo sur sa proposition de loi : “Notre proposition répond clairement à une situation précise et vise à contrer l’arrogance de certaines multinationales.”

Le groupe PS cible clairement AB InBev : “Nous proposons que les entreprises qui ne sont pas en difficulté et qui procèdent à des licenciements collectifs ne puissent bénéficier ni des intérêts notionnels ni des aides à l’embauche. Notre proposition va donc beaucoup plus loin et est plus dure que le texte d’Ecolo, qui tient compte de la situation sur trois ans. On peut supposer qu’AB InBev, dans trois ans, aurait réembauché l’équivalent de ceux qu’elle aurait licencié cette année.”

Il souligne enfin que, vu le contexte économique, “ce n’est pas le moment de se lancer dans un concours de beauté” pour savoir qui a fait la meilleure proposition de loi.

cdH : “Nous sommes vraiment ravis qu’on puisse enfin discuter des intérêts notionnels !”

“Nous sommes vraiment ravis qu’on puisse enfin discuter des intérêts notionnels”, a pour sa part avancé Catherine Fonck, qui réagissait au nom du groupe cdH de la Chambre. Sans se prononcer sur la proposition de loi proprement dite – puisqu’elle n’en a pas encore pris connaissance – elle a tenu à rappeler que les intérêts notionnels ont été instaurés sous la précédente législature, qui regroupait les socialistes et les libéraux.

“Nous étions alors dans l’opposition et n’avons pas soutenu ce texte parce qu’il présentait des risques de dérives, a commenté la députée humaniste. Depuis, on n’a jamais pu en reparler. Tant mieux si maintenant cela s’avère possible !” A ses yeux, il est en effet important de lier le bénéfice des intérêts notionnels, mais aussi celui de toutes les aides fédérales et régionales, au maintien de l’emploi. Catherine Fonck ajoute que, pour son parti, il faut aussi veiller à ne pas mettre à mal la compétitivité des entreprises et à continuer à attirer les investissements.

MR : “C’est une proposition de loi de circonstances et il est toujours mauvais d’adopter de tels textes !”

Daniel Bacquelaine, chef de groupe MR, a indiqué vendredi que son parti ne contresignerait pas la proposition PS sur les intérêts notionnels : “C’est une proposition de loi de circonstances et il est toujours mauvais d’adopter de tels textes !” De plus, en période de crise, il ne veut pas qu’on augmente l’impôt des sociétés et risquer ainsi de mettre à mal la sécurité juridique en la matière. En revanche, ajoute-t-il, il est possible de discuter des aides régionales et de les conditionner à l’emploi.

Les aides fédérales à l’emploi, quant à elles, se font à travers des diminutions d’impôts. Là aussi, Daniel Bacquelaine est d’avis qu’il ne faut pas y toucher : “Y toucher, c’est également toucher à l’Isoc !”

CD&V : “la proposition du PS sur les intérêts notionnels, c’est le contraire de ce qu’il faut faire !”

L’Open VLD ne soutiendra pas, lui non plus, la proposition de loi socialiste sur les intérêts notionnels. Pour le député Luk Van Biesen, plus il y aura d’initiatives pour remettre le système en question, plus il sera difficile d’attirer des investisseurs étrangers. Quant au CD&V, il plaide aussi pour la stabilité et veut attendre les auditions prévues pour voir s’il y a lieu de prendre des initiatives destinées à améliorer le système.

La proposition du PS, “c’est le contraire de ce qu’il faut faire”, a asséné Luk Van Biesen, qui plaide pour parler le moins possible des intérêts notionnels afin de ne pas créer l’inquiétude auprès des investisseurs étrangers. Le député libéral flamand regrette la proposition de loi et souligne qu’il n’y a eu aucune concertation au sein de la majorité à ce sujet jusqu’à présent. Pour lui, le fait que le PS ait déposé seul sa proposition démontre que les socialistes eux-mêmes jugent les chances de réussite très faibles.

Côté CD&V, on admet que “les intérêts notionnels n’atteignent pas toujours leur but initial de façon optimale”. Pour autant, les chrétiens démocrates flamands insistent sur la nécessité de maintenir un climat stable en matière d’investissements. Le groupe rappelle également que, dans les prochaines semaines, des auditions seront organisées en commission des Finances de la Chambre pour mieux cerner le coût, l’efficacité et les abus éventuels. Il veut attendre le résultat de ces auditions afin de voir dans quelle mesure le système peut être amélioré.

Trends.be, avec Belga

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