Entrepreunariat social: l’aventure c’est la venture

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Faire du profit en faisant le bien, c’est le credo de la dizaine d’entrepreneurs sociaux belges ou établis en Belgique présents mi-décembre dernier à Uccle pour une formation destinée à les préparer à un méga concours international: The Venture.

Au cours des deux dernières années, nous avons accordé 2 millions de dollars à des jeunes entreprises qui font des profits en faisant du bien, parce que nous croyons que la générosité et le succès vont de pair, et qu’en donnant, on réussit plus. ” Sur son site internet, la marque de whisky Chivas Regal se montre particulièrement claire au moment d’évoquer les objectifs de The Venture, son fonds d’investissement. Cela fait désormais trois ans que l’entreprise écossaise a lancé ce projet et qu’elle propose une compétition à tous les entrepreneurs sociaux qui le souhaitent. Au départ, The Venture s’est organisé avec des pays qui ont des moyens et des entrepreneurs en nombre. ” Mais on a senti qu’il y avait une vraie demande et un joli potentiel belge. Nous avons donc fait en sorte que la Belgique participe pour la première fois à l’aventure avec 30 autres pays du monde entier. ” Petite Française bourrée d’énergie, Marie-Camille Lesueur est junior brand manager chez Pernod Ricard et s’occupe de l’encadrement des candidats retenus à Uccle pour la journée The Venture.

Ces derniers ont pu s’inscrire de septembre à novembre avec des conditions d’acceptation assez larges : le siège social de l’entreprise devait être installé en Belgique, le chiffre d’affaires ne devait pas dépasser 1,5 milliard de dollars et le service proposé par la start-up devait avoir été validé sous forme de prototype, sans forcément déjà être présent sur le marché. ” Septante entreprises ont débuté leur enregistrement, 42 l’ont terminé et 32 candidatures ont effectivement été retenues… avant de passer à 11, complète Marie-Camille Lesueur. C’est The Skoll Center for Social Entrepreneurship d’Oxford, notre partenaire direct, qui a fait sa sélection et en a discuté avec nous avant d’éliminer une vingtaine d’entrepreneurs. ” Cette rencontre de décembre est donc la première entre les candidats retenus : ils vont chacun rencontrer deux coachs pour être accompagné sur la technique du pitch et sur le business plan… avant qu’un seul entrepreneur ne soit retenu et envoyé au concours international.

Des coachs de renom

 Sébastien Deletaille, cofondateur de Real Impact Analytics
Sébastien Deletaille, cofondateur de Real Impact Analytics© PG

” Les coachs ont été choisis pour leur parcours, leur crédibilité, leur habitude du pitch, la situation de leur start-up dans l’entrepreneuriat social belge, etc. “, précise Marie-Camille Lesueur. Parmi eux se trouve notamment Thierry Vandebroeck, administrateur délégué de Poseco, ce Centre d’action pour une économie positive. ” J’étais là au lancement du projet The Venture et comme nous avons de l’expérience dans le domaine de l’entrepreneuriat social, on a proposé notre collaboration, explique-t-il. Mon but est vraiment de contribuer à montrer aux gens ce qui se fait dans le monde de l’entreprise sociale. ” Autre coach au nom plutôt célèbre dans le milieu : Sébastien Deletaille, cofondateur de Real Impact Analytics, start-up spécialisée dans l’analyse de données télécoms et élue start-up de l’année 2016 par le combo Digimedia-BetaGroup. ” Je viens ici avec un regard neutre, mais il faut concéder qu’il y a du très impressionnant… Et du moins impressionnant, sourit-il. Les start-up les plus intéressantes répondent à un problème majeur avec une solution qui peut être mise à l’échelle et qui ne coûte pas 50 milliards d’euros. C’est cela qui fait la différence. ”

Sélection fine

Les start-up les plus intéressantes répondent à un problème majeur avec une solution qui peut être mise à l’échelle et qui ne coûte pas 50 milliards d’euros.”

Pour la plupart de ces entreprises sociales pourtant issues de secteurs fort différents, le fait de participer à ce concours coulait pratiquement de source. ” C’est la première fois qu’on présente notre application au grand public, confie ainsi Willy Danenberg, VP business development de la start-up Pay Services. On estime qu’elle correspond tout à fait à ce que demande le concours : on cherche à aider les gens, à faire du circuit court. ” S’ils ont bien entendu des critères de cotation à respecter, les coachs ont néanmoins leur manière personnelle de sentir ou non une start-up candidate. ” Tout problème social mérite de l’attention, mais il faut classer les problématiques en fonction de l’échelle big problem/skills about solution, explique Sébastien Deletaille. Par exemple, les problèmes d’audition concernent plusieurs millions de personnes là où les problèmes d’eau en touchent quelques milliards, même si ce ne sont pas toujours les chiffres qui font la force. ” L’importance de la problématique est donc le critère n°1, suivi des compétences des entrepreneurs. ” Enfin, c’est la taille du marché et de l’équipe, le business model, etc. Tout ce qu’on appelle les questions “d’hygiène”, qui sont liées au second degré d’intérêt “, complète Sébastien Deletaille.

L’inscription à The Venture est gratuite pour les entrepreneurs sociaux et en cas de victoire finale au niveau international, le gagnant partagera la somme d’un million de dollars avec les autres dirigeants de start-up plébiscitées. ” Le prix de revient pourrait être très intéressant pour développer notre produit, mais également le vendre moins cher et en plus petite quantité “, lance ainsi Guillaume Wegria, managing director de Fyteko, une start-up qui propose une molécule destinée aux plantes. ” L’objectif est de remporter le concours pour pouvoir se lancer plus facilement dans le marché et améliorer notre application qu’on aimerait proposer à l’étranger et dans plusieurs autres langues, pose pour sa part Evert Martens, responsable d’une start-up de sous-titrage. Mais la visibilité qu’on va dégager de ce concours n’est pas non plus négligeable.”

” Nous n’avons aucune ambition ”

” L’avantage de ce concours est de rencontrer une certaine diversité de techniques, de secteurs et de gens, assure Thierry Vandebroeck. La solution peut venir… d’une autre entreprise. Il faut pouvoir s’écouter, c’est très important de créer des liens entre entrepreneurs : “comment j’ai fait”, “comment je me suis cassé la figure”, etc. ” Et à côté des interactions entre entrepreneurs, les responsables des différentes start-up progressent aussi grâce aux conseils de leurs coachs. ” On se rend compte de toute l’importance de pitcher devant un jury qui vous challenge et vous remet en question. Cela nous permet notamment de voir ce qui est vraiment essentiel dans notre entreprise, ce qui facilite les développements futurs “, admet ainsi Michaël van Cutsem, de Beeodiversity, bientôt complété par Nicolas Crochet, de Funds for Good. ” Il est ultra important de simplifier le message, il faut s’imaginer qu’on est dans un ascenseur et qu’on n’a que quelques instants pour expliquer notre projet à notre voisin de cage. ” Derrière ce concours, Sébastien Deletaille tente aussi de combattre deux constats belges qui le dérangent. ” D’une part, nous n’avons aucune ambition : un vendeur basé à Neufchâteau sera bien assez satisfait de vendre à Bastogne, il ne cherche pas plus. D’autre part, nous avons un gros problème de métriques : les données de télécommunications doivent pourtant être utilisées pour le bien public, elles doivent donc être connectées aux acteurs sociaux… Face à ces deux constats, il faut s’entraider ! ”

Du potentiel pour gagner

Suite à la note des coachs, cinq candidats ont été sélectionnés par Chivas Regal. Ce 12 janvier, une finale sera organisée avec ces cinq entreprises et une seule restera en lice pour représenter la Belgique au concours international de l’été prochain. ” Le candidat retenu sera bien entendu préparé pour l’événement, souffle Marie-Camille Lesueur. Une semaine à Oxford et une autre à New York pour continuer de perfectionner son pitch et son business plan. ” Si le public n’a pas vraiment voix au chapitre au niveau national pour influencer la sélection d’un entrepreneur social, il peut suivre le déroulement du concours et se faire un avis sur cette dizaine de start-up présentées sur les réseaux sociaux. Quant aux chances de victoire belge au concours international ? ” A cette échelle, on peut trouver de l’hyper développé comme du beaucoup moins bon, lance Marie-Camille Lesueur. Ici, on a un vrai impact économique, donc nous avons du potentiel pour remporter le concours. ”

Par Émilien Hofman.

DU PRIVÉ AU PUBLIC: FUNDS FOR GOOD

Nicolas Crochet
Nicolas Crochet© PG

Employés : 7

Siège : Bruxelles et Luxembourg

Débuts : 2011

Pour le demandeur d’emploi qui veut devenir entrepreneur, c’est souvent fort compliqué de lancer un micro-crédit sans que les banques ne demandent des fonds propres. “On veut donc aider ces personnes en leur faisant des prêts de fonds propres à 0 % d’intérêt tout en leur proposant un accompagnement et un coaching”, annonce Nicolas Crochet, managing partner, qui s’épanche ensuite sur la face lucrative de la start-up. “Le Belge cherche des solutions d’épargne et veut avoir un impact tangible qu’il peut suivre. Du coup, nous avons créé des fonds de placement sur des produits rentables et socialement responsables.” Les frais internes qui en découlent représentent le CA de Funds for Good, qui verse 50 % des bénéfices – avec un minimum de 10 % du CA – dans ce qui représente les prêts d’honneur.

ABEILLES EN HÉROS: BEEODIVERSITY

Michaël Van Cutsem
Michaël Van Cutsem© PG

Employés : 6

Siège : Ixelles

Débuts : 2013

“Notre objectif est de préserver la biodiversité en contrôlant l’environnement via des abeilles domestiques”, expose le cofondateur Michaël Van Cutsem. Quand elles butinent, les abeilles peuvent ainsi visiter jusqu’à 4 milliards de plantes sur une surface de 700 ha. “On analyse ensuite le pollen et le nectar pour trouver la trace de pesticides et ainsi voir avec les acteurs de terrain ce qu’il faut changer dans la méthode pour préserver la biodiversité, le tout avec une approche positive pour avoir un impact global en collaboration.” BeeOdiversity a actuellement 60 projets en cours en France, au Pays de Galles et, bien sûr, en Belgique : “A Knokke, nous avons par exemple fait un réaménagement vert de la ville avec l’aide des habitants pour améliorer l’écosystème. En deux ans, cela a permis de démultiplier le nombre d’espèces vivant sur place.”

APP POUR SMART CITIES: PAY SERVICES

Willy Danenberg
Willy Danenberg© PG

Employés : + de 300

Siège : Beersel

Débuts : 1998

Pay Services est une start-up qui propose une application smart cities, “une vraie solution pour la mobilité, la sécurité, la communication, la gestion de la ville, etc., explique Willy Danenberg, le VP business development. On gère et on connecte toutes les données en temps réel. On va dans chaque administration qui a des informations et on les place dans notre application.” Via une quarantaine de sous-applications, Pay Services affirme faciliter la vie du citoyen en lui proposant entre autres une carte en direct des bus de sa ville, l’itinéraire jusqu’à la pharmacie la plus proche, la possibilité de payer des parkings en ligne, etc. ” Cela peut être également utile pour la ville, reprend Willy Danenberg. En cas d’accident ou même d’attentat notifié par un citoyen, l’application prend la géolocalisation, la transmet aux autorités et permet une communication entre elles et le citoyen.”

GRAINE MAGIQUE: FYTEKO

Guillaume Wegria
Guillaume Wegria© PG

Employés : 4

Siège : Kraainem

Débuts : 2014

“Nous avons trouvé une nouvelle molécule qui permet aux plantes de mieux résister au manque d’eau, explique Guillaume Wegria, managing director de Fyteko. La plante récupérera plus vite dès qu’elle sera, ne fut-ce qu’un peu, hydratée. C’est important pour tous les pays concernés par la sécheresse. C’est un produit bio et organique.” Pour le moment, Fyteko travaille principalement avec des entreprises phytosanitaires qui possèdent leur marque et qui s’occupent de la distribution. “Dans le futur, nous aimerions avoir notre propre nom et aller sur d’autres marchés. Nous voulons coopérer avec des ONG et d’autres structures pour que tout fermier ait accès à cette molécule.” Mais la priorité actuelle de FyteKo est de passer les aspects réglementaires. Dans six mois, la start-up sera fixée : le SPF Santé va normalement valider la non-toxicité du produit…

SOUS-TITRAGE DIRECT: EARFY

Evert Martens
Evert Martens© PG

Employés : 5

Siège : Gand

Débuts : 2014

Si la plupart des films ou émissions télévisées possèdent désormais une option sous-titre pour les sourds et malentendants, ce n’est évidemment pas le cas dans la vie de tous les jours. “Il n’y a pas souvent de solutions face à un quelconque interlocuteur, glisse Evert Martens, cofondateur d’Earfy. Les traducteurs sont chers et doivent être réservés à l’avance. Nous avons donc créé une application qui traduit l’audio en texte, c’est du sous-titrage en direct.” L’application existe pour le moment en 35 langues et atteindrait un taux de réussite de 90 % dans ses traductions. Earfy collabore avec différentes universités pour réaliser de nombreux tests et lancer la troisième version de l’application dans le courant 2017.

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