Entreprendre à Bruxelles : projets d’expats à la conquête de la capitale

© Thinkstock

Fraîchement arrivés en Belgique ou installés depuis des années, ces expatriés européens ont lancé chez nous des projets prometteurs.

“Créer une entreprise ne demande pas forcément de grosses infrastructures, on peut commencer dans un café ou un espace de coworking avec pour seul outil un ordinateur portable. Des expatriés ou leur conjoint se lancent dans l’aventure. A Bruxelles, beaucoup de choses sont faites pour et par des expats”, assure Eléonore van Rijckevorsel, revenue à Bruxelles il y a un an et demi après plus de 12 ans passés à l’étranger. Cette Belge a cofondé Bright Expats, un service d’aide à l’installation qui met l’accent sur le bien-être de la famille et propose coaching et accompagnement personnalisés à des expatriés arrivant en Belgique.

Certaines démarches administratives et barrières linguistiques peuvent cependant effrayer. Sissy Müller, fondatrice de Green Crowding (lire plus bas), pointe notamment le nombre de documents à remplir et la difficulté de jongler avec des règles qui diffèrent parfois sensiblement d’un pays à l’autre. “C’est vrai et c’est également ce type de besoins qui justifie l’existence de Bright Expats. Nous pouvons prendre en charge les liens avec l’administration”, ajoute Eléonore van Rijckevorsel.

Certains entrepreneurs étrangers interrogés déplorent le poids des coûts salariaux, des cotisations sociales et des frais de comptables en Belgique. Le cofondateur de Screening Media et SocialCom, Olivier Viaud, apprécie quant à lui “le dynamisme d’Actiris et les aides à l’exportation en Région bruxelloise”. Tous se sont lancés. Ils ont créé à Bruxelles des entreprises parfois florissantes. Présentation de quatre projets fondés par des expatriés européens.

Green Crowding : financement de projets durables “J’ai identifié un trou dans le marché : il existe en Europe des gens comme vous et moi, désireux d’investir leur argent dans des projets durables. D’autre part, les projets liés aux énergies renouvelables ont justement énormément de mal à trouver des sources de financement. Ils sont souvent trop petits pour les banques, qui ne comprennent pas toujours leurs projets et les technologies développées. Avec Green Crowding, nous tentons de faire le lien entre les deux”, explique Sissy Müller, sa fondatrice. Cette plateforme de crowdfunding permet donc à des particuliers d’investir dans des projets tels qu’une ferme solaire ou un système de cerfs-volants générant de l’électricité. Pour l’instant, trois projets, tous allemands, figurent sur le site internet. Le premier est clôturé, le second en cours de récolte de fonds et le troisième fera l’objet d’une future campagne de financement.

“Les dossiers soumis sont analysés par un comité d’experts, précise Sissy Müller. Ils doivent répondre à de nombreux critères et présenter des projets directement compréhensibles par les investisseurs. Nous voulons être une source fiable et très claire d’investissement direct dans des projets verts en Belgique et dans toute l’Europe. Une véritable alternative aux banques.” Sissy Müller est allemande, originaire de Cologne, et a travaillé au Royaume-Uni en tant que consultante. En Belgique depuis cinq ans, elle était trader chez Electrabel avant de lancer Green Crowding il y a un an et demi. “Cela a été difficile de quitter Electrabel, confie-t-elle. J’aimais beaucoup mes collègues et mon métier. Et mes parents ne sont pas indépendants, je n’ai pas grandi dans cette culture de l’entrepreneuriat. Je me suis demandé si je faisais le bon choix en lançant une start-up. Le programme du Founders Institute bruxellois et l’incubateur WSL, à Liège, m’ont véritablement aidée à dépasser mes peurs et à me lancer. Quel bonheur de rencontrer des gens qui sont dans la même situation que la mienne et qui partagent mon état d’esprit !”

http://greencrowding.com

100.000 entrepreneurs : susciter l’intérêt des jeunes Arrivée de Paris il y a trois ans, Monica Santalena a décidé de lancer la version belge de 100.000 entrepreneurs, qui existe en France depuis 2007. L’association organise le témoignage d’entrepreneurs bénévoles dans des classes. Cela afin de permettre à des jeunes de 13 à 25 ans d’entrer contact avec la création d’entreprise et le quotidien des indépendants et des PME, peu importe leur domaine d’activité. “Notre objectif est de susciter l’envie d’entreprendre, d’ouvrir les horizons des jeunes et, dans certains cas, de leur faire découvrir des métiers qu’ils ne connaissent pas.

Il s’agit de leur permettre d’imaginer leur avenir et de choisir des études en ayant toutes les cartes en main”, explique avec passion Monica Santalena. A Paris, cette avocate italienne avait fondé son propre bureau d’avocat et travaillait essentiellement pour des clients italiens. “En rejoignant mon mari qui travaillait à Bruxelles depuis sept ans, un choix s’offrait à moi : recommencer ou lancer autre chose. Or, j’avais témoigné pour 100.000 entrepreneurs en France, en tant qu’avocate indépendante, et j’avais été séduite par le projet.” Elle étudie alors le marché belge des associations liées à l’entrepreneuriat.

“Il y a énormément de projets dans ce domaine en Belgique. Mais aucun n’avait les caractéristiques de 100.000 entrepreneurs, qui s’adresse directement aux jeunes dans l’environnement scolaire.” En novembre 2012, elle crée l’ASBL. L’année 2013 a été celle des tests, des premiers contacts et de la mise en place des premiers témoignages. Environ 2.500 élèves et étudiants ont ainsi reçu la visite de l’un des 50 entrepreneurs participants. Des entrepreneurs qui sont formés avant ces rencontres. “Même s’ils sont bien dans leur activité, ce ne sont pas tous des professionnels de la communication, ils ne sont pas toujours prêts à affronter une classe. Nous les préparons donc, en fonction de l’âge et du niveau des élèves, explique la cofondatrice du projet. Et nous leur demandons de prévoir deux séances par classe, de préférence en début et en fin d’année scolaire.” L’ASBL, soutenue par l’Agence de stimulation économique, est à la recherche de partenaires financiers “pour assurer la pérennité de l’association”. L’objectif de Monica Santalena est clair : étendre le projet à un maximum d’écoles et l’ouvrir aux établissements néerlandophones. Tout en automatisant le processus, pour en faciliter la gestion. “Le but est d’être suffisamment connus pour que les écoles et les entreprises nous contactent directement via le site internet et s’inscrivent en ligne. Nous souhaitons aussi mettre en place des relations durables avec les écoles. L’idéal serait qu’au cours de son parcours scolaire, chaque élève ait au moins une fois un contact avec un entrepreneur.”

www.100000entrepreneurs.be

Screening Media et SocialCom : la communication personnalisée C’est pour suivre des études de vétérinaire en Belgique qu’Olivier Viaud a quitté la France, il y a 14 ans. En 2008, après avoir beaucoup voyagé pour le compte d’une entreprise de produits dérivés de Formule 1, il se lance dans l’entrepreneuriat. Le Français crée Screening Media avec deux associés belges, Thomas de Looz et Baudouin de Troostembergh. Cette entreprise spécialisée dans l’affichage dynamique place des écrans dans des grands magasins tels que Delhaize, Carrefour et Intermarché. En tant que régie publicitaire, Screening Media vend des espaces de diffusion sur ce réseau.

L’entreprise en analyse également l’audimat. “Nous sommes distributeurs d’une solution française qui détecte l’attitude des gens face aux écrans et peut déterminer leur sexe et leur âge. Grâce à ce système, nous savons si les yeux des consommateurs sont rivés sur l’écran ou pas. Cela nous permet de placer nos écrans à des endroits stratégiques et de quantifier l’audimat.” Screening Media compte des clients tels que Nespresso et Australian Ice Cream. Ce type de clients se voit proposer une solution de communication personnalisée, dans ses propres points de vente. L’entreprise, qui emploie 12 collaborateurs, annonce un chiffre d’affaires d’1 million d’euros. “A ce stade, nous espérons augmenter le capital de Screening Media ou revendre”, confie Olivier Viaud.

C’est à nouveau avec Baudouin de Troostembergh qu’Olivier Viaud fonde SocialCom, en 2013. Cette agence de communication web spécialisée dans les réseaux sociaux s’adresse aux PME et aux indépendants. “Nous avons développé un software qui permet à un indépendant de gérer toute sa communication sur les réseaux sociaux grâce à un seul outil. Il assure une visibilité optimale sur le Web et la synchronisation de la présence de l’entreprise sur toutes les plateformes.” Moins d’un an plus tard, l’entreprise emploie 14 collaborateurs et compte environ 300 clients. “Cela représente un portefeuille de plus ou moins 1,5 million d’euros, affirme Olivier Viaud. Nous espérons procéder à une augmentation de capital de 2 millions d’ici 2015.” L’entreprise est également présente au Luxembourg depuis le mois de janvier et prévoit d’ajouter un autre pays européen à la liste en 2014. L’équipe grandit rapidement et recrute de nombreux vendeurs et graphistes, précise Olivier Viaud : “Les candidats peuvent nous contacter directement via l’adresse info@socialcom.be.”

http://socialcom.be

Reason2be : paniers bio et recyclage Les paniers bio de Reason2be ont une particularité. Bien sûr, ils contiennent des fruits et légumes issus de l’agriculture biologique. Des produits de saison et locaux, qui sont livrés à domicile. Mais ce qui différencie l’entreprise de ses concurrents, c’est un service de recyclage. “Pour 1 euro, vous pouvez remplir votre panier de verre, cartouches Brita utilisées, piles, ampoules et cintres en métal. Nous récupérons le colis lors de la livraison de notre prochaine commande et nous chargeons d’en recycler le contenu.” C’est durant son MBA à Solvay, alors qu’il a déjà vécu sept ans en Belgique, que l’ingénieur anglais Ben Bramich élabore le business plan de Reason2be. “J’aimais l’idée d’associer ces deux services qui se complètent. Nous récoltons aussi certains produits pour des oeuvres caritatives : livres, bouchons, cartouches d’imprimante… Dernièrement, nous avons ajouté les téléphones portables à la liste. Ils sont recyclés au profit d’une association.” L’entreprise s’associe également à un service de nettoyage à sec écologique.

Depuis les débuts en 2008, l’offre de paniers s’est étendue : panier de vins bio, de snacks, et viande du “boucher des expats”, Jack O’Shea. Reason2be lance ces mois-ci ses “recettes en kits”, un panier réunissant les ingrédients nécessaires à la réalisation d’une ou plusieurs recettes, dans les quantités souhaitées. L’équipe s’est agrandie, elle aussi. “J’ai commencé seul. J’ai investi 20.000 euros dans le capital de ma société, ce qui m’a permis d’acheter du matériel et les premiers stocks. J’utilisais ma voiture pour réaliser les livraisons, explique Ben Bramich. Aujourd’hui, nous avons 500 consommateurs réguliers et j’emploie cinq personnes de manière permanente : deux chauffeurs, deux emballeurs et une personne qui s’occupe du marketing et de l’administration.” Les clients de l’entreprise sont principalement des expatriés. “Notre service est similaire à ce que vous pouvez trouver aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Scandinavie, etc. Cela leur est familier. Les Belges ne sont pas des habitués des livraisons à domicile. Et il faut dire que nous avons commencé notre communication en anglais. Mais depuis que notre a site compte une version francophone, nous avons également des clients belges. Nous aimerions d’ailleurs nous étendre dans toute la Belgique.” Un objectif qui devrait être facilité par un partenariat avec bpost sur rendez-vous, un nouveau service permettant de regrouper en une seule livraison les commandes passées auprès des boutiques en ligne partenaires.

www.reason2.be

LARA VAN DIVOET

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content