Elia reçoit des bonus pour faire ce qu’elle est censée faire

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Elia, le gestionnaire du réseau à haute tension, peut compter sur de jolis bonus s’il parvient à terminer les neuf projets d’investissement dans les délais impartis. Au total, il s’agit d’un maximum de 155,35 millions d’euros. C’est en tous les cas la proposition de la CREG, le régulateur fédéral des marchés de l’électricité.

Le chien de garde de l’énergie organise jusqu’au 14 septembre une consultation publique sur le sujet, officiellement appelée ‘Annexe 4 à la Méthodologie tarifaire Électricité’. Les incitants sont remarquables étant donné que la société Elia, cotée en Bourse, a un monopole légal pour la construction et la gestion des lignes à haute tension. En d’autres mots: Elia reçoit un bonus pour faire ce qu’elle doit de toute façon faire.

Cependant, la manière de travailler n’est pas si étrange, d’après la porte-parole de la CREG, Annemarie De Vreese. “Auparavant, la rémunération régulée se passait sur une base appelée “coût-plus”. Le gestionnaire de réseau était rémunéré sur base des coûts qu’il supportait, plus une marge équitable. Sous l’influence de l’Europe, on utilise aujourd’hui de plus en plus des incitants.”

Obligation de résultat

Ces primes d’encouragement servaient au début surtout à inciter la maîtrise des coûts. “Alors que nous regardons maintenant davantage à la qualité de la prestation de service, les innovations techniques, et avec cette dernière proposition, aussi à l’approvisionnement d’électricité. En fait, il s’agit plus ou moins de la même enveloppe, mais elle est maintenant répartie différemment. Avant, il s’agissait d’une obligation de moyens, maintenant d’une obligation de résultat: les utilisateurs du réseau sont-ils contents de la prestation de service; ces projets contribuent-ils au bien-être? Nous ne sommes pas vraiment le père Noël, vous savez”.

Dans la méthodologie tarifaire déjà validée, Elia ne peut gagner que maximum 25,5 millions de bonus en 2016, à condition qu’elle satisfasse à un certain nombre de conditions liées à la disponibilité des interconnexions, l’augmentation du bien-être, la gestion du portefeuille d’investissements, l’innovation, etc.

Il est frappant de constater qu’Elia peut déjà recevoir 4 millions maximum pour la finalisation de quatre projets: Stevin (Mer du Nord), Alegro (interconnexion avec l’Allemagne), Brabo et un déphaseur (les deux derniers projets pour l’interconnexion avec les Pays-Bas). Ces quatre projets se trouvent aussi sur la liste des neuf projets pour lesquels il y a 155 millions de disponibles. Mais, selon la CREG: “Il s’agit de deux approches différentes. La première s’articule autour de la qualité de la prestation de service, l’autre autour de la mise en service effective des projets dans le respect des échéances.”

La carotte, mais pas de bâton

Avec ces incitants particuliers pour les projets d’investissement, notre pays est un précurseur au niveau européen. Il n’y a qu’au Royaume-Uni que le régulateur Ofgem a développé un modèle comparable (RIIO), bien que cette possibilité soit également examinée dans d’autres pays. Cela explique aussi pourquoi il y a une carotte, mais aucun bâton: si Elia ne termine tout de même pas les projets dans les délais, elle n’en sera pas pour autant pénalisée. “C’est aussi une question de sentir ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. En ce qui concerne les incitants à la maîtrise des coûts et à la qualité de service, des pénalités existent. Mais nous ne sommes pas encore suffisamment avancés pour qu’il soit déjà question de symétrie.”

De plus, Elia n’a pas tous les éléments du projet d’investissement sous contrôle. Stevin, par exemple, a subi plusieurs années de retard à cause de procédures judiciaires. En dehors d’une attention accrue aux parties prenantes et une meilleure communication, Elia n’a pas la possibilité d’y changer grand-chose.

Maximums hypothétiques

En outre, précise la porte-parole Kathleen Iwens d’Elia, les bonus ne sont absolument pas des acquis. “Ces montants sont des maxima hypothétiques, qui sont de plus calculés sur base d’un taux d’intérêt à long terme très bas (0,5% OLO 10 ans, NDLR). Si celui-ci atteint une valeur plus élevée – et pour l’instant, elle est plus élevée (à 1,12%, NDLR) -, l’incitant s’en voit d’autant diminué.”

Selon les critiques, ce serait finalement surtout les communes (intercommunales), les actionnaires de référence d’Elia, qui profiteraient du bonus de l'”annexe 4″. Iwens réfute: “Si les incitants sont payés, ils se retrouveront dans le résultat de l’entreprise. Cela signifie qu’ils ont deux destinations: des investissements dans le réseau et un dividende pour les actionnaires. Au cours des dernières années, cela représentait en moyenne 55% des bénéfices, ce qui rend l’entreprise, en tant que société cotée en bourse, également plus attractive pour trouver des moyens financiers.”

Bien sûr, les incitants ont un prix, qui se traduit dans les tarifs finaux d’Elia, poursuit Iwens. “Mais le réseau à haute tension représente 4% de l’infrastructure électrique totale, et les bonus ne sont qu’une petite partie de l’ensemble des coûts à partir desquels nos tarifs sont calculés. L’intention de ces incitants est aussi d’accélérer l’intégration du marché européen, ce qui doit en fin de compte mener à des tarifs plus bas.”

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