Diesel dangereux : PSA et Renault doivent-ils avoir peur ?

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L’Organisation mondiale de la santé a classé les particules fines émises par les moteurs diesel comme “cancérogènes certains”. Cela inquiète-t-il vraiment les constructeurs automobiles français, qui ont fait le pari du diesel voici 20 ans avec l’appui total des autorités ?

Le diesel est mauvais pour la santé, mais il est bon pour l’économie française. C’est à ce dilemme que vont devoir s’attaquer les pouvoirs publics de l’hexagone, alors que l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a classé les particules émises par les moteurs diesel dans la catégorie des “cancérogènes certains pour les humains”.

Ces particules fines, rejetées par les pots d’échappement, s’infiltrent insidieusement jusqu’à causer des cancers du poumon, des maladies respiratoires ou cardio-vasculaires. Selon les chiffres du ministère de l’écologie, le diesel serait la cause de 42.000 prématurées chaque année.

Un “savoir-faire français”

Pourtant, depuis vingt ans, la France a fait le choix du diesel. Selon Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’automobile, les voitures diesel représentaient, au début des années 1990, 15% du parc automobile français. Aujourd’hui c’est plus de 60%. Et cette prépondérance s’accroît toujours: 72,4% des voitures vendues en 2011, “dieselisées”, hissant la France au quatrième rang européen, derrière le Luxembourg, la Norvège et la Belgique.

A ce phénomène, plusieurs raisons : d’abord, la fiscalité moins élevée qui rend le litre de diesel meilleur marché par rapport à l’essence – d’environ 10% (soit 20 centimes) aujourd’hui. Mais aussi la propreté du diesel, dont les émissions de gaz carbonique sont bien plus faibles que pour les autres véhicules. Du coup, quand, en 2008, le Grenelle de l’environnement a voulu s’attaquer aux rejets de CO2, il a souhaité favoriser l’achat de petites motorisations diesel par des avantages fiscaux, et un “bonus ” à l’achat. Ainsi, comme le note Flavien Neuvy, ces encouragements répétés des pouvoirs publics, sur l’air du “bon pour votre pouvoir d’achat, bon pour l’environnement”, ont conduit à l’émergence d’un “véritable savoir-faire français. Nous sommes très bons sur les véhicules diesel”. Pour preuve, PSA a lancé, en septembre 2011, la Peugeot 3008, première hybride au monde diesel-électrique. La toxicité du diesel, secret de polichinelle pour la plupart des connaisseurs de l’automobile et officialisée par l’OMS, pourrait donc bien changer la donne.

C’est en tout cas ce qu’espère le docteur Patrice Halimi, porte-parole de l’association Santé Environnement France : “J’espère que cette prise de conscience internationale va nous permettre d’évoluer. Par exemple, en basculant les avantages fiscaux du diesel sur des véhicules électriques”. Pour lui, il faut “sortir de cette impasse sanitaire par un changement des mentalités”, en promouvant les transports publics et en accordant davantage de subventions aux motoristes qui travaillent à des modèles non polluants et non toxiques.

Les constructeurs, eux, ne l’entendent évidemment pas de cette oreille. Tandis que Renault se refuse à tout commentaire, Laure de Servigny, responsable de la communication de PSA, assure “ne pas contester les conclusions de l’OMS”, mais ajoute benoîtement qu’elles ne prennent pas en compte le nouveau filtre à particules, sensé “réduire de 99,9% les particules fines émises”, et rendu obligatoire sur les véhicules diesel depuis le 1er janvier 2011. Pour elle, “ça ne remet pas du tout en question la stratégie du groupe, au contraire, cela nous incite à renouveler le parc pour encore améliorer les émissions de nos véhicules”. Cet argument est contesté par Nicolas Gaudin, directeur de la communication de l’IARC (International Agency for Research on Cancer) qui refuse de “tomber dans le piège grossier qui consiste à dire qu’avant ça n’allait pas, que l’évaluation est trompeuse, et qu’aujourd’hui tout est arrangé. Peut-être que mois de particules sont rejetées, mais ces particules restent dangereuses.

Pas de changements importants dans l’immédiat

Il s’agit donc de savoir si cette mise en garde sanitaire va entraîner des bouleversements sur le marché automobile. Pour Flavien Neuvy, c’est non : “Je ne m’attends pas du tout à un chamboulement de la structure des ventes pour cette raison-là”. En revanche, ajoute-t-il, la réduction de l’écart entre les prix de l’essence et du gazole, et le coût toujours élevé des véhicules diesel à l’achat pourraient entraîner un léger recul des ventes.

Pour Jean-Louis Schilanski aussi, seule une action au long terme est possible. Le président de l’Union Française des Industries Pétrolières (UFIP) évoque la “situation complexe” du gouvernement : “soit ils relèvent les taxes sur le diesel, ce qui n’est pas très populaire, soit ils baissent les taxes sur l’essence, ce qui n’est pas bon pour les déficits. L’idée serait de faire les choses très progressivement, centime par centime”.

Quant à la ministre de l’écologie et de l’énergie, Nicole Bricq, elle a précisé mardi que l’ étude de l’OMS lui paraissait “sérieuse” et qu’elle était, à titre personnelle, pour un réaménagement de la fiscalité sur les véhicules diesel. Joint par L’Expansion, le cabinet de la ministre pointe un “vrai enjeu de santé”, et annonce qu’il sera sur la table de la conférence sur l’environnement du mois de juillet, qui réunira les principaux acteurs et “débouchera sur des propositions concrètes”.

Mais cela pourrait prendre du temps, notamment en raison des résistances des industriels. Dans le cas de l’amiante, par exemple, décrétée cancérogène par l’OMS en 1973, il a fallu attendre 1997 pour qu’elle soit interdite en France.

Louis Amar, L’Expansion.com

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