Des soldes toute l’année!

© Maasmechelen Villlage

Créer la meilleure expérience en matière de shopping touristique pour séduire les riches voyageurs étrangers. Voilà le leitmotiv de Value Retail, le groupe qui se cache derrière Maasmechelen Village et huit autres cités de mode à travers l’Europe. Analyse d’un phénomène lucratif qui promeut le luxe à prix cassés.

L’endroit, de prime abord, a un petit côté factice. Un peu comme si l’on se retrouvait soudainement dans “Le Village”, du nom de cet endroit idyllique sublimé dans la vieille série télé Le Prisonnier. Car ici, à Bicester, au nord-ouest de Londres, tout n’est apparemment que luxe, calme et volupté. Sur quelques centaines de mètres, les enseignes haut de gamme se succèdent — Armani, Dior, Burberry, Prada, Ralph Lauren, etc. — dans une architecture proprette et homogène qui n’est pas sans rappeler l’atmosphère surfaite des stations de vacances huppées.

A l’intérieur, chacune des 105 boutiques répertoriées a toutefois conservé l’univers feutré et les codes chers à sa propre marque. Car l’idée est de ne pas trop bousculer les repères d’un client connaisseur des griffes de luxe et venu spécialement à Bicester pour y faire de bonnes affaires. Sur place, les sacs Gucci, les chaussures Tod’s et les robes Versace s’achètent en effet avec une remise moyenne de 30 à 50 % sur le prix “normal”, voire même avec un rabais de 80 % dans certains cas “extrêmes”.

Le secret de ces prix défiant toute concurrence ? Le facteur temps, chronologique s’entend. Surtout pas de contrefaçons dans les allées chics du “Village”. Le secret de ce business model est clair comme de l’eau de roche : toutes ces marques raffinées y écoulent leurs stocks des saisons précédentes à prix cassés, mais dans un environnement “classe” qui occulte finalement la notion hypothétique du “passé de mode” si redoutable pour les fashionistas.

Et c’est exactement le même scénario qui est minutieusement répété à Maasmechelen, près de Genk, et dans les sept autres Villages de mode déployés par l’entreprise Value Retail sur le continent européen. Même stratégie pointue, mêmes marques de luxe, mêmes étiquettes soldées, même atmosphère architecturale à la Disney, si ce n’est quelques différences dans la conception des façades selon le pays élu.

Villages de marques Entre Madrid, Londres et Paris, le style de ces cités de mode évolue donc un peu, mais nulle part, l’appartenance au groupe Value Retail n’est signalée. L’important, pour l’entreprise, est de mettre en avant les marques de luxe dans un environnement idéalisé tant au niveau des prix que de la scénographie commerciale. “Nous ne sommes pas du tout dans le business des shopping centers, mais dans le business de l’hospitalité”, résume Scott Malkin, président du groupe Value Retail, qui emploie 660 personnes à temps plein, sans compter les milliers d’emplois indirects que génèrent ses activités. “Nous sommes là pour apporter de la valeur ajoutée aux marques, poursuit-il, et pour offrir une expérience spéciale aux touristes. Car le tourisme est le moteur de notre business et notre priorité reste que le visiteur se sente bien chez nous.”

Tourisme. Le mot est lâché : le but de Value Retail est bel et bien de faire de ses villages des destinations à part entière pour les visiteurs étrangers. A cette fin, l’entreprise travaille étroitement avec les offices du tourisme, les hôtels et les tour-opérateurs pour inclure ses Chic Outlet Shopping dans les attractions touristiques de référence. Ainsi, depuis le 1er janvier 2013, une navette part chaque jour de Bruxelles vers Maasmechelen Village pour y déposer des touristes aisés et avides de bonnes affaires. “Après Bruxelles et Bruges, Maasmechelen Village est aujourd’hui l’endroit le plus visité de Belgique par les Russes et par les Chinois, affirme David Winkels, directeur de Value Retail Europe, sur la base des données disponibles chez Global Blue, le leader mondial de la détaxe touristique. Actuellement, seuls 10 % des 2,5 millions de visiteurs annuels de Maasmechelen Village sont non européens, mais l’objectif est d’atteindre les 15 % à la fin de cette année et les 25 % en 2015. Nous visons les 3 millions de visiteurs par an dans les trois années à venir et nous espérons que le quart sera des touristes venus hors d’Europe.”

Les chiffres belges seraient alors en harmonie avec les statistiques actuelles de l’ensemble des neuf villages de Value Retail puisqu’en 2012, 26 % des visiteurs des Chic Outlet Shopping du groupe étaient non européens, contre 8 % il y a cinq ans à peine.

Une attraction comme une autre Voilà pourquoi Value Retail met encore et toujours une grosse partie de son budget marketing sur la Chine, la Russie et d’autres nations émergentes afin de convaincre les agents touristiques locaux d’inclure ses villages de mode dans des packa-ges où figurent les plus grandes attractions touristiques de chaque pays. Objectif : sensibiliser les tour-opérateurs au fait que les voyageurs feront de très bonnes affaires lors de leur séjour à Bruxelles, Barcelone ou Dublin en faisant un petit détour d’agrément dans l’un des neuf Chic Outlet Shopping européens. “Aujourd’hui, le shopping fait partie de toute destination, enchaîne Scott Malkin, président de Value Retail. Tourisme et shopping ne sont pas isolés. Ils sont forcément liés. Or, nous assistons depuis quelques années à des bouleversements tant sur le plan international que technologique. L’Ouest n’est pas en train de mourir, mais l’équilibre est en train de changer. Il y a un vrai glissement de l’Ouest vers l’Est en matière d’argent, de commerce, de comportements et de pouvoir politique. Le consommateur est devenu global et, en Asie, on assiste à l’émergence d’une énorme classe moyenne prête à voyager. Et même si elle ne représente, par exemple, que 15 % de la population en Chine, cela correspond tout de même aujourd’hui à près de 200 millions de touristes potentiels pour qui le voyage est toujours synonyme de cadeaux à ramener aux proches.”

Et Scott Malkin de rappeler que le tourisme est la seule industrie qui est en croissance en Europe et qu’il convient dès lors de répondre aux attentes de cette nouvelle classe émergente de touristes venus des autres continents. Selon les prévisions de la Commission européenne, le nombre de visiteurs chinois dans les 28 pays membres de l’Union devrait ainsi croître de 55 % entre 2012 et 2016, tandis que l’augmentation des touristes indiens devrait quant à elle flirter avec les 40 %.

Une croissance à deux chiffres Impressionnants, les chiffres de Value Retail témoignent d’ailleurs de la bonne santé de ce secteur de niche baptisé le shopping tourism (voir graphique). Depuis l’inauguration de son tout premier Village anglais à Bicester en 1995, l’entreprise n’a jamais cessé de connaître une croissance à deux chiffres. Et même la crise économique n’a pas enrayé le mouvement puisque le chiffre d’affaires, qui était de quasi 1,5 milliard d’euros en 2011, est passé à près de 1,7 milliard en 2012, soit une augmentation de 18 %. Il est vrai que le nombre de touristes des neuf Chic Outlet Shopping de Value Retail n’a pas non plus cessé de croître avec un total de 30,4 millions de visiteurs en 2012 contre 27 millions il y a trois ans à peine.

La raison de cet insolent succès ? Un nombre de touristes “émergents” en pleine expansion, on l’a déjà dit, mais surtout des visiteurs qui ne regardent pas à la dépense. Lorsqu’il se pose dans un Village du groupe, le voyageur dépense en moyenne entre 250 et 300 euros sur place. Or, chaque marque présente dans les Chic Outlet Shopping rétrocède un pourcentage de ses ventes à Value Retail qui peut grimper jusqu’à 18,5 % en fonction de l’emplacement choisi.

Pas étonnant, dès lors, que l’entreprise poursuive sa politique d’investissements sur le continent européen — 150 millions vont être prochainement consacrés à l’agrandissement des Villages de Barcelone et Dublin — et qu’elle projette de s’attaquer au marché chinois, sur place cette fois. Prévu sur une surface de 35.000 m², Suzhou Village devrait en effet ouvrir ses portes et sa centaine de boutiques de luxe dans le courant de l’année 2014, à une vingtaine de minutes en train de Shanghai. Montant de l’investissement : 350 millions d’euros. Cible visée : la classe moyenne chinoise parmi les 40 millions d’habitants situés dans un rayon de 100 km autour de ce futur Suzhou Village.

Une espèce d’ambassade Mais en séduisant, directement chez eux, des Chinois friands de marques européennes, le groupe Value Retail ne se tire-t-il pas une balle dans le pied en menaçant ainsi son core business, à savoir le tourisme proprement dit ? “On constate qu’il y a une frange de la population chinoise qui commence à disposer de suffisamment de moyens pour s’acheter des belles marques, mais pas encore assez d’argent pour s’offrir de grands voyages, rétorque le président Scott Malkin. Cette clientèle-là nous intéresse également et, de plus, en s’installant là-bas, nous faisons davantage connaître notre groupe en Chine. Aussi, peut-on considérer Suzhou Village comme une espèce d’ambassade de nos autres Villages en Europe pour y attirer le touriste dans un deuxième temps.”

Une ambassade destinée à se multiplier puisque, au total, ce ne sont pas moins de cinq Villages que Value Retail devrait inaugurer à long terme sur l’immense territoire chinois. Des Villages qui, évidemment, chouchouteront le client. Comme à Bicester, près de Londres, où un service voiturier et un centre de prières sont proposés au client, entre les séances de shopping frénétique.

FRÉDÉRIC BRÉBANT, À BICESTER

Une machine économique A l’automne 2014, un hôtel quatre étoiles devrait sortir de terre à deux pas de Maasmechelen Village, pour mieux renforcer encore le “nouveau” caractère touristique de la région. La cité de mode est en effet située aux portes du Parc national de la Haute Campine et les responsables de Value Retail entendent jouer précisément sur la notion de l’offre touristique élargie pour attirer encore et toujours le client.

Car pour le marché local, il est important aussi de faire revenir le visiteur à Maasmechelen, afin de continuer à entretenir la machine économique. “Nous sommes aujourd’hui le plus grand employeur de la région, affirme David Winkels, directeur de Value Retail Europe. Outre les 44 personnes qui sont directement employées par notre société, on compte environ 800 autres équivalents temps plein qui travaillent également à Maasmechelen Village, payés en majorité par les marques qui occupent les 105 boutiques.”

Des chiffres auxquels il convient d’ajouter près de 200 autres emplois indirects, répartis entre les divers fournisseurs et les services de nettoyage et de sécurité, soit plus de 1.000 personnes au total.

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