Des déchets qui créent de l’emploi

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Vous avez envie de changer de sac à main ou votre micro-onde vient de tomber en panne : direction poubelle ? Ce réflexe est de moins en moins présent chez beaucoup de consommateurs. Et les initiatives de bénévoles comme les Repair Café, les ressourceries ou les entreprises valorisant nos déchets se multiplient en Belgique. Aujourd’hui, ce secteur crée de l’emploi, devient rentable et est en pleine expansion.

Il y a quelques années, personne ne pensait à récupérer les déchets pour les revaloriser. Si un électro-ménager tombait en panne, il était compliqué de trouver un revendeur de pièces détachées ou un réparateur. L’aspirateur dont le fil était cassé finissait sa vie au parc à conteneurs.

Quant aux vêtements de seconde main, leur achat était réservé à une population défavorisée, obligée de parcourir les braderies ou les magasins d’association comme les Petits Riens.

Aujourd’hui, les mentalités ont évolué. La crise est passée par là évidemment mais de plus en plus de citoyens ont pris conscience qu’une consommation à outrance avait un impact environnemental important.

“Depuis quelque temps, les personnes qui fréquentent notre réseau ont changé, explique Tanguy Ewbank, chargé de mission pour le réseau Ressources. Nous avons des personnes qui cherchent le bon plan financier mais aussi celles qui ne souhaitent plus consommer de la même manière. Notre cliente parfaite est la mère de 35-40 ans consciente de l’impact de sa consommation sur la planète et attentive à son portefeuille. Nous misons donc de plus en plus sur la communication en organisant des événements grand public comme la Fête de la récup’ du 27 avril au 5 mai durant laquelle nos structures sont ouvertes.”

Le réseau Ressources a été créé en 1999. Le secteur de la revalorisation des déchets était alors émergent et principalement constitué d’asbl et d’ONG comme Terre, Oxfam ou encore les Petits Riens. Pour eux, le marché de la seconde main, que cela touche le textile, l’électro-ménager, les meubles ou l’informatique, était surtout une façon de financer leurs projets caritatifs envers les plus pauvres ou les pays du Sud. Petit à petit, une trentaine de sociétés travaillant dans le domaine de la récupération se sont greffées au réseau Ressources. Le but était alors pour le secteur de parler d’une seule voix pour structurer l’activité et la professionnaliser.

Un vivier d’emplois

Aujourd’hui, 70 sociétés, aux structures juridiques différentes, forment Ressources. “Elles doivent avoir en commun un objectif social, précise Tanguy Ewbank. Leur activité agit sur l’environnement mais aussi sur la réinsertion professionnelle. Elles créent de l’emploi, forment un public souvent au chômage depuis longtemps. Cela fait partie du rôle d’une entreprise d’économie sociale.”

Environ 4.500 personnes sont actives dans les sociétés de deuxième main. En équivalent temps plein, cela représente 2.300 emplois. Au cours des cinq dernières années, le nombre d’emplois a augmenté de 20 %. La création de ressourceries offre un potentiel de 300 postes supplémentaires en Région wallonne. Actuellement, ces magasins qui revendent essentiellement des encombrants, des meubles, des objets de décoration, de l’électro-ménager ou des produits culturels émergent en Wallonie. On compte six centres de tri et 20 magasins alors que la Flandre dispose de 30 centres et de 100 boutiques. Il existe donc un potentiel de croissance assez important.

Un secteur rentable

Grâce à la professionnalisation du marché de seconde main, les structures qui valorisent les textiles, l’électro-ménager ou les encombrants sont rentables. Chez Oxfam, ce marché leur permet de réaliser un bénéfice d’environ un million d’euros, ce qui lui permet de financer ses projets dans les pays du Sud. Son chiffre d’affaires était lui de 6,5 millions d’euros en 2011. Du côté des Petits Riens, les recettes venant de l’économie sociale représentaient en 2011, 7,1 millions d’euros. “Une structure de taille moyenne dans notre réseau gère environ 20 personnes et produit un chiffre d’affaires de 500.000 euros, précise Tanguy Ewbank. Tous nos membres sont aujourd’hui rentables. Leurs recettes viennent des collectivités qui les paient pour le ramassage des encombrants, de la vente en magasin et des aides à l’emploi fournies par la Wallonie ou Bruxelles. Elles ne reçoivent aucun subside.”

Manuel Droogne de Tac Tic Informatique, magasin qui revend du matériel informatique ayant appartenu à des entreprises, confirme la rentabilité du secteur, même si ce n’est pas tous les jours faciles. “Nous avons ouvert notre magasin de Saint-Gilles il y a six mois et nous avons déjà atteint le seuil de rentabilité même si, depuis un mois, nous avons moins de clients.” Tac Tic Informatique est lié à une asbl qui rachète des lots d’ordinateurs de société qui ont déjà été amortis. Ils ont donc trois ans et sont en parfait état de marche, puisqu’un PC est conçu pour durer 10 ans. Ils sont réparés par l’une des deux personnes travaillant à l’atelier de l’association, puis revendus aux particuliers ou à d’autres sociétés pour un tiers du prix neuf. Environ 400 ordinateurs attendent leur deuxième jeunesse dans cet atelier et la société a permis de créer cinq emplois.

Des perspectives de développement

Pour le moment, trois filières de récupération sont prédominantes. La plus importante est celle du textile, ensuite vient le reconditionnement d’appareils électro-ménagers et enfin, les objets “revalorisables” (meubles, décoration, etc.). En 2010, plus de 100 tonnes de déchets ont été collectées en Wallonie et 30 tonnes réutilisées. Parmi les collectes, le textile représente moins d’un quart alors qu’il équivaut à quasi 50 % du tonnage de déchets réutilisables. En tout, cela représente 1,5 kg par habitant et par an. A Bruxelles, 2 kg de déchets par personne et par an sont revalorisés et en Flandre, ce sont 4 kg qui sont réutilisés. Bruxelles comme la Wallonie ont donc décidé d’aider le secteur en versant une prime au tonnage. Cela devrait inciter certains opérateurs à s’implanter sur ce marché.

Pour le moment, les nouveaux venus sont surtout des associations ou des initiatives citoyennes comme les Repair Café. Cette initiative originaire des Pays-Bas se développe très bien chez nous. A Bruxelles, on en compte déjà trois et un vient d’ouvrir à Namur. Une fois par mois, le dimanche, des bénévoles réparent gratuitement petits électro-ménagers, ordinateurs, etc. A chaque session, les locaux ne désemplissent pas. Ici, tout le monde préfère réparer sa cafetière plutôt que de la jeter. Du coup, les réparateurs ou les vendeurs de pièces détachées retrouvent une utilité. Ce type de commerce est de nouveau en pleine expansion.

Un autre secteur offre de nombreuses perspectives : la revalorisation des déchets de construction. Ressources est en train d’analyser ce marché qui pourrait bien être la poule aux oeufs d’or. Le démontage du bâtiment puis le réemploi des matériaux pourraient être générateurs de nombreux emplois et d’importantes rentrées financières.

VANESSA LHUILLIER

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