Des certifications “halal” à la tête du client

© Belga/AFP

Contrairement au bio, il n’existe pas (encore) de réglementation stricte définissant ce qui est ou non “halal”. Conséquence : certains font de l’argent en “certifiant” halal n’importe quoi n’importe comment. Il faut dire que ce genre de label ouvre les portes vers un “business” gigantesque…

L’engouement actuel des industriels et de la grande distribution pour le halal est plus qu’un phénomène de mode : c’est devenu un fait de société. Partant de la constatation qu’environ 20 % de la population mondiale est de confession musulmane et qu’il y a près de 600.000 musulmans en Belgique, on imagine les enjeux financiers colossaux que le développement du halal business peut représenter.

Chez nous, certains l’ont bien compris et ont fait de ce créneau particulier leur vecteur de croissance, à l’image de Marc Guiot, gérant de Food’X, une PME de Gembloux productrice de sauces (bolognaise, arrabiata, pesto, etc.) et de lasagnes végétariennes : “Au départ, notre business plan était spécifiquement orienté sur le casher. Nous nous sommes évidemment pliés à toutes les contraintes pour que nos produits soient reconnus – et certifiés – comme tels. Cela passe notamment par la présence en nos installations du délégué du rabbin pendant toute la durée du processus de fabrication de nos produits.”

Cette contrainte amène de facto une sous-utilisation des capacités de production de l’entreprise, celle-ci devant nécessairement travailler “sur rendez-vous”, selon les disponibilités du délégué du rabbin. “Nous nous sommes rendu compte que les efforts consentis pour être reconnu casher pouvaient être valorisés dans le but de voir nos produits reconnus halal également, poursuit Marc Guiot. A ce niveau, les capacités d’absorption du marché sont telles que nous sommes déjà amenés à devoir réaliser à brefs délais un investissement dans une toute nouvelle ligne de production. Il nous en coûtera environ 500.000 euros mais nos prévisions de vente portent, en rythme de croisière, sur un chiffre d’affaires annuel 10 fois plus élevé !”

Le succès de la formule, cependant, passera nécessairement par la production d’un sésame : la certification halal.

Une certification avec la chambre de commerce de Bruxelles

A Liège, Arnaud Jacquemin a développé, avec sa sprl Orient Drink, le concept de “boisson festive” Night Orient, sorte de “méthode champenoise” produite dans un contexte halal, avec l’ambition à moyen terme d’écouler chaque année un million de bouteilles. “Quand vous travaillez à l’exportation, il n’est guère évident de trouver une certification reconnue, prévient-il. Contrairement au bio, il n’existe pas de dispositions législatives et réglementaires claires et strictes. Bref, dans les certifications halal, on est encore trop souvent dans le règne du moi, j’estime que… Et je ne vous cache pas que j’ai eu, au départ, beaucoup de mal à choisir une formule convaincante.”

Cette analyse est partagée par Bruno Bernard, consultant et auteur d’un guide pratique consacré au halal. Ce Liégeois, spécialiste du commerce international, fustige au passage “les marges de cochon” que se font certains sur le dos des entreprises désireuses de décrocher le fameux sésame : “Vous n’imaginez pas le nombre de charlatans qui proposent leurs services en la matière aux entreprises. Certains n’ont même qu’un numéro de GSM et pas d’adresse postale !”

Lobbyiste auprès du Parlement européen, Bruno Bernard s’active ces temps-ci à mettre de l’ordre dans la nébuleuse des certifications halal. Il a notamment planché, pendant trois ans, sur sa propre méthodologie de certification.

“Cette formule implique la chambre de commerce de Bruxelles (BECI) dans le processus, souligne Arnaud Jacquemin. Aux yeux de nos prospects musulmans, une chambre de commerce s’apparente en effet à une institution étatique, ce qui les met en confiance en leur offrant un gage de qualité et de sérieux. Bref, cela aide à ouvrir des portes et à convaincre.”

En l’espace de quelques mois à peine, grâce à ce précieux sésame, Arnaud Jacquemin a déjà pu ouvrir les portes de marchés comme le Qatar, le Koweït, Dubaï, l’Iran, le Maroc et la Tunisie.

Objectif export

“Mon business model permet d’obtenir une certification halal pour plus ou moins 1.500 euros”, chiffre Bruno Bernard. Certains estiment que, pour un coût pareil, la certification ne peut être faite sérieusement. “Nous travaillons avec l’Algex (Ndlr, sorte d’alter ego de l’Awex en Algérie), se défend le consultant. Et c’est un Imam de l’école coranique de Constantine qui se déplace chaque fois expressément pour réaliser l’audit. Les 1.500 euros suffisent à payer son avion, son visa, son hôtel, son travail et à dégager une petite marge bénéficiaire. Je démontre donc qu’il ne faut pas nécessairement dépenser des fortunes pour être reconnu halal. Ce budget est à la portée de n’importe quelle PME désireuse de se développer à l’exportation, sans compter le petit plus que cela peut aussi représenter sur le marché intérieur.”

Pour le gérant de Food’X, il s’agit d’une opportunité à côté de laquelle il ne veut pas passer : “Dans la filière agroalimentaire, à l’export, le made in Belgium vaut vraiment son pesant d’or et les potentialités à développer sont énormes. C’est maintenant qu’il faut sauter dans le train. Il y a encore de la place !”

Jean-Marc Damry

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