Démodée, la protection des délégués syndicaux ?

© Belga

Seuls les motifs graves et les raisons économiques peuvent justifier le licenciement des travailleurs protégés. Insuffisant, estiment des professionnels du droit social.

La loi du 19 mars 1991 sur les travailleurs protégés, qui fêtera bientôt ses 20 ans d’existence, n’a quasiment jamais été modifiée depuis son adoption. Sensible, le sujet n’a même pas été évoqué par les partenaires sociaux lors de la négociation du dernier AIP. Cette réglementation mériterait pourtant un bon nettoyage de printemps, estiment Henri-François Lenaerts et Olivier Wouters, avocats associés chez Claeys & Engels : “La loi de 1991 laisse la porte ouverte à certains abus, juge le premier. Il faut avouer que les indemnités sont assez attrayantes.”

Les employeurs n’en sont pas toujours conscients : tout travailleur qui se présente aux élections sociales est protégé, même s’il n’est pas élu. Ils ne peuvent être licenciés que pour motif grave (harcèlement, vol, etc.) ou pour raisons économiques, et uniquement après que le licenciement ait été autorisé par le tribunal du travail ou par la commission paritaire. Dans tous les autres cas, si l’employeur licencie, il est redevable d’une indemnité de licenciement pouvant aller jusqu’à huit ans (!) de salaire. Plutôt dissuasif.

Une solution : soumettre d’autres motifs au tribunal

Henri-François Lenaerts et Olivier Wouters, qui défendent régulièrement le banc patronal dans des dossiers de licenciements de travailleurs protégés, estiment cette législation inadaptée. Selon ces spécialistes du droit social, les travailleurs protégés devraient pouvoir être licenciés pour d’autres motifs que le motif grave et les raisons économiques.

Ils suggèrent une “troisième voie”, qui permettrait de conserver des garde-fous en faveur des délégués syndicaux, tout en permettant à l’employeur de se séparer d’un collaborateur dont les prestations ne sont plus conformes aux exigences de l’entreprise. “Nous proposons que l’employeur puisse licencier le travailleur sur la base d’avertissements et d’évaluations négatives. Comme dans le cas d’un licenciement pour motif grave, les motifs du licenciement pourraient être soumis préalablement aux juridictions du travail. Si celles-ci estiment les motifs fondés et étrangers aux convictions syndicales, le travailleur protégé pourrait être licencié, moyennant des indemnités classiques.”

Le dossier reviendra bientôt sur la table des chefs d’entreprise. Les prochaines élections sociales ont lieu début 2012, ce qui signifie que les listes électorales seront déposées dans les prochains mois. D’après les statistiques du SPF Économie (2008), en Belgique, pas moins de 48.000 salariés sont protégés.

Gilles Quoistiaux

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content