Delhaize: ‘Une guerre des prix menace les marges des gérants indépendants’

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Ahold Delhaize veut inverser les faibles performances de Delhaize Belgique par des diminutions de prix. Or, une nouvelle guerre des prix risque de mettre sous pression la rentabilité des exploitants indépendants…

Le seul élément positif chez Delhaize, c’est la persistance des bonnes performances des magasins de quartier et des supermarchés gérés par des indépendants. Mais Luc Ardies, d’Unizo et de la fédération sectorielle flamande Buurtsuper.be, craint que ces exploitants voient leur rentabilité chuter en cas de nouvelle guerre des prix en Belgique.

Déjà avant la fusion du groupe Ahold Delhaize en 2016, Delhaize Belgique connaissait des problèmes, du moins les grands supermarchés en gestion propre. Ceux-ci génèrent trop peu de chiffres d’affaires.

Et une restructuration en profondeur, avec la fermeture des magasins déficitaires en gestion propre, une nouvelle organisation du travail et un rafraîchissement en profondeur de l’aménagement dans le reste des supermarchés, n’a pas suffi à faire progresser la situation. Les grands supermarchés Delhaize réalisent toujours des performances en deçà des attentes.

Ahold Delhaize est déjà intervenu cette année en désignant un nouveau dirigeant à la tête de Delhaize Belgique, et qui devait en outre rapporter à Wouter Kolk, également responsable pour Albert Heijn et pour les autres activités néerlandaises. Pour rétablir la croissance du chiffre d’affaires de Delhaize Belgique, Kolk a reçu pour mission du holding mère de regagner des clients et d’augmenter le chiffre d’affaires via des réductions de prix plus importantes.

Les gérants indépendants paieront le prix.

Si cela dégénère en guerre des prix, les gérants indépendants chez Delhaize, qui obtiennent de bons résultats et représentent environ la moitié du chiffre d’affaires, risquent d’en payer le prix. Dans le cadre du franchisage, les chaînes partagent la marge avec les entrepreneurs franchisés. Une lourde guerre des prix peut faire baisser le bénéfice des franchisés.

En outre, l’annonce de l’offensive de prix décidée par Delhaize tombe au moment où la chaîne mise déjà lourdement sur des promotions pointues qui font d’ores et déjà mal aux entrepreneurs franchisés. “En particulier les promotions agressives sur les produits alimentaires frais réduisent fortement les marges des franchisés”, explique Luc Ardies, qui est directeur chez Unizo et dirige également la fédération sectorielle flamande Buurtsuper.be.

“En général, un supermarché de quartier tire principalement son bénéfice des rayons frais, du fait des marges étroites sur la nourriture sèche et les produits ménagers. Trop de promotions acérées dans le frais, comme ‘1 acheté 1 gratuit’, a un impact sur la marge d’un supermarché indépendant.”

“L’autre question est de savoir si ce type de promotions génère davantage de chiffres d’affaires. Les consommateurs n’achètent-ils pas deux produits pour simplement garder le deuxième pour plus tard ? De cette manière, il n’y a pas de vente supplémentaire et le chiffre d’affaires n’augmente pas à long terme. La concurrence ne reste également pas sans rien faire. Si un groupe de supermarchés démarre une telle promotion, vous pouvez tabler sur le fait que d’autres suivront et au bout du compte, personne ne gagnera encore quoi que ce soit.”

LUC ARDIES. Il est encore trop tôt pour pouvoir juger s’il est question d’une approche plus stricte. Mais les propos du CEO de Ahold Delhaize Dick Boer fin août, dans le quotidien néerlandais Het Financieele Dagblad, “les franchisés de Delhaize perdront un peu de liberté”, sont restés en travers de la gorge des exploitants flamands.

Leur grande crainte est de devoir davantage rentrer dans le rang, alors que les gérants indépendants apprécient énormément leur autonomie ou ‘entrepreneuriat’ comme le décrit Boer dans l’interview.

Tant chez Delhaize que chez Carrefour, les performances des supermarchés en franchise sont un élément positif. Quelle en est la cause ?

Tous les supermarchés de quartier (Delhaize, Carrefour et Spar Colruyt exploitent ces formules de magasins en franchisage, NDLR) gagnent des parts de marché. Les grandes surfaces en perdent du fait d’un changement de comportement chez le consommateur. Les courses se font de manière plus fragmentée. Par acte d’achat, nous achetons de plus petites quantités pour de plus petits montants. Les discounters Aldi et Lidl ont, dans une première phase, gagné des parts de marché grâce à la force de leur positionnement et de leur propre concept de magasin. Dans une deuxième phase, par de nouveaux points commerciaux. Et à présent, ils atteignent également leurs limites. Ils essaient d’évoluer vers une offre et une image qualitative, mais le client constate de ce fait que la différence de prix avec les marques de distributeurs du supermarché de quartier s’est amenuisée ou est même devenue inexistante.

Dans pas mal de communes, les supermarchés de quartier reprennent le rôle du boulanger ou du boucher du coin. En conséquence, tous les supermarchés de quartier progressent bien en chiffre d’affaires, mais nous devons faire attention que leur rentabilité reste saine. C’est la raison pour laquelle Buurtsuper.be fait chaque année réaliser une analyse de rentabilité auprès de 176 supermarchés indépendants. De cette manière, nous faisons un monitoring des marges.

Pourquoi ces marges ne peuvent-elles pas s’éroder ?

Il est important que les supermarchés indépendants réalisent chaque année une belle marge. Les investissements pour assurer leur existence à long terme sont un défi important. Il s’agit par exemple de la croissance prévue des commandes en ligne auprès des supermarchés. Seuls survivront ceux qui pourront faire des investissements supplémentaires dans l’attractivité de leur magasin et en même temps miser sur l’e-commerce.

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