Dandoy : des biscuits au pays des sushis

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Dandoy ouvre à Waterloo une septième boutique, la première en dehors de Bruxelles. Mais les projets de cette entreprise bruxelloise née en 1829 ne s’arrêtent pas aux frontières belges. La biscuiterie a les yeux rivés sur le Japon.

Le spécialiste du spéculoos s’est aventuré pour la première fois hors des frontières bruxelloises, à Waterloo. Et jusqu’ici, l’expérience ne semble pas convaincre Bernard Helson, administrateur délégué de l’entreprise familiale. Ce sera peut-être la dernière boutique Dandoy à s’implanter sur le sol belge. “On ne démarre pas aussi fort que je l’avais imaginé, regrette-t-il. La localisation commerciale est bonne, et il y a certainement de la demande, mais ça ne décolle pas. On doit peut-être se faire mieux connaître…”

Ouverte depuis un mois, l’enseigne peut malgré tout se permettre d’attendre un peu avant de faire le bilan de l’expérience brabançonne. D’autant qu’après plusieurs ouvertures locales (Saint-Job en 2004, Sablon en 2005, place Brugmann en 2006 et Stockel en 2008), un projet ambitieux est à l’agenda de la plus ancienne biscuiterie belge.

Destination Tokyo

La prochaine terre promise pour Dandoy n’est autre que le Japon. Une entreprise japonaise, qui joue l’intermédiaire en matière de placement d’enseignes dans les centres commerciaux, a pris contact avec la PME bruxelloise voici un an. Un premier accord vient d’être signé entre les deux parties, afin de poursuivre les négociations, qui doivent aboutir à terme à l’ouverture d’une échoppe à Tokyo. Et pas n’importe où dans la capitale nippone puisque Dandoy vise le centre commercial de la gare de Tokyo.

Un espace immense, situé stratégiquement, qui mise sur les enseignes haut de gamme et affiche une superficie totale de 56.000 m², dont un étage complet consacré à l’alimentation. “Nous espérons nous y implanter à l’occasion de leur réouverture après travaux, en septembre 2012”, précise Serge Laeuffer. Ce spécialiste de l’industrie agroalimentaire et fin connaisseur du Japon a pour mission de conduire les pourparlers avec les interlocuteurs asiatiques. Il est convaincu de la plus-value qu’apporterait Dandoy pour ce méga shopping mall. “Ce qui intéresse ce department store, c’est d’accueillir une enseigne belge prestigieuse en primeur”, poursuit-il.

Etonnamment, ce n’est pas la biscuiterie qui fait saliver les Japonais. Leur truc, c’est plutôt la version tea-room de la maison. Avec gaufres, glaces et musique d’ambiance, sur le modèle de l’implantation de la rue Charles Buls (entre la Grand-Place et le Manneken-Pis). “La moitié de la clientèle y est japonaise, indique Bernard Helson. La marque Dandoy a acquis une forte renommée dans le pays.”

L’ouverture d’un tea-room au pays des sushis ne signifie évidemment pas que la biscuiterie abandonne la vente de spéculoos. La boutique sera complétée par un comptoir à biscuits, dont la marque espère retirer des dividendes. Si la formule fonctionne, le jackpot est peut-être à portée de main. L’entreprise qui gère le centre commercial à Tokyo en possède en effet 26 autres dans le pays et dans les pays voisins. “Le concept pourrait être répliqué ailleurs au Japon, mais aussi en Corée du Sud ou en Chine”, s’emballe Serge Laeuffer.

Une stratégie prudente

Cette extension des activités au pays du soleil levant pourrait signifier un véritable chamboulement pour la petite entreprise familiale créée en 1829 par Jean-Baptiste Dandoy, et qui a jusqu’à présent basé sa croissance sur une tactique des petits pas. Le chiffre d’affaires, qui affichait 3,214 millions d’euros en 2009 (pour un bénéfice de 371.305 euros), grimpe lentement mais sûrement, avec une moyenne de 6,5 % de hausse chaque année depuis 2006. Pour 2010, Bernard Helson espère une augmentation de 8 % du chiffre d’affaires.

Bon an mal an, la biscuiterie produit environ 50 tonnes de spéculoos, 25 tonnes de pain à la grecque et 5 tonnes de massepain. Mais l’atelier de la rue du Houblon, agrandi en 1982, pourrait rapidement arriver à saturation si l’exportation cartonne. “Si nous décrochons ce contrat au Japon, nous serons obligés de déménager, note l’administrateur délégué. En même temps, nous souhaitons conserver notre identité de PME familiale et artisanale.”

Une vraie gageure pour la société gérée par la sixième génération Dandoy, et dont l’actionnariat est resté entièrement dans la famille. Il se partage aujourd’hui entre Bernard Helson, son épouse Catherine Rombouts, sa belle-mère Christiane Rombouts (épouse de Jean, décédé en 1998, fils unique de Valère et Fernande Rombouts-Dandoy) et sa belle-soeur Christine Rombouts, qui s’occupe des relations clients et du développement des nouvelles spécialités.

Si elle souhaite se préserver un maximum des processus d’automatisation (les pâtes à biscuit sont toujours réalisées à la main) et garder son label “qualité”, la PME tient aussi à conserver son indépendance. L’an dernier, un industriel actif dans l’agroalimentaire a approché la biscuiterie familiale. Les discussions n’ont pas abouti. “Il s’est montré trop gourmand, raconte Bernard Helson. Il voulait prendre trop de parts dans le capital. Nous avons refusé.”

Les craintes de la famille : la perte du savoir-faire et la dévaluation de la marque Dandoy. L’enseigne a en effet bâti sa réputation sur le créneau du biscuit haut de gamme. En té- moigne son positionnement dans le secteur de la distribution. A côté des boutiques gérées en propre, la biscuiterie a fait le choix de la vente au détail dans des enseignes telles que Rob, Deli Traiteur, L’Epicerie Fine ou encore les galeries Lafayette à Paris. La grande distribution, ce n’est pas son rayon. Une tentative a tourné court voici quelques années, après une série de coups de fil de clients “historiques”, mécontents de voir leurs biscuits favoris trôner entre les petits pois et le Nutella.

Dandoy se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins. Elle peut choisir de poursuivre sa croissance prudente, et rester un acteur de niche sur le marché du biscuit belge, avec une faible représentation à l’étranger (à peine 1,73 % du chiffre d’affaires est actuellement réalisé à l’export). Elle peut aussi choisir de capitaliser sur la notoriété de sa marque, mettre un premier pied sur le continent asiatique, et baser son développement sur l’exportation de produits et l’ouverture de franchises à l’étranger. Dans l’esprit du patron, le second chemin semble tout tracé.

Gilles Quoistiaux

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