Comment Sodexo veut instaurer la durabilité dans le business

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Les effets de la mise en application du plan de développement durable ont été identifiés pour la première fois par la filiale belge de Sodexo. Un an après son lancement, les résultats sont prometteurs pour une action qui doit se clôturer en 2020.

L’écoflation, ce phénomène écolo-économique qui se greffe à l’inflation et à la déflation, prend-il de l’importance en entreprise ? Si le greenwashing a été très à la mode dans de nombreuses sociétés souhaitant verdir leur image, d’autres tentent d’anticiper la crise écologique plus concrètement afin de préserver leurs performances. Il faut dire que les conclusions établies par le cabinet américain de conseil en stratégie AT Kearney et le World Resources Institute sont dignes d’un scénario catastrophiste. L’étude dévoile notamment que les prix de revient des industries de biens de consommation pourraient s’envoler dans le futur. Non pas que réchauffement climatique, sécheresses ou inondations soient déterminants directement pour les affaires, mais cela dépend surtout de la réaction des gouvernements et des organismes internationaux. En effet, ils pourraient tenter de prévenir ou de retarder ces bouleversements naturels en mettant en place des législations et des outils financiers, comme des taxes sur les gaz à effet de serre, l’instauration de quotas négociables et/ou payants pour les émissions de CO2, des restrictions à l’exploitation intensive des forêts, des limitations à l’utilisation de l’eau par l’industrie ou l’agriculture, des incitations à la production et l’utilisation d’agrocarburants… Avec pour conséquence que dans certains secteurs de production, les sociétés qui n’auront pas mis en place des stratégies de développement environnemental durable pourraient voir chuter leurs profits de 13 à 31 % d’ici 2013, et de 19 à 47 % d’ici 2018… De quoi donner des sueurs froides à un groupe comme Sodexo dont le chiffre d’affaires consolidé s’élève à 15,3 milliards d’euros, dont 350 millions d’euros réalisés en Belgique.

Feuille de route stratégique jusqu’en 2020

Voici un peu plus de 30 mois, Trends-Tendances s’était rendu au siège de l’entreprise Sodexo en Belgique afin d’analyser et chiffrer ses initiatives anti-écoflation. Il faut dire que la filiale belge de cette société spécialisée dans la restauration collective et les services se présentait comme un cas d’école : 3.500 collaborateurs, présence sur 1.200 sites, 50.000 clients, 1 Belge sur 4 en contact avec Sodexo tous les jours, gros consommateur de matières premières… Pourtant, à cette époque, nous étions restés sur notre faim : les stratégies de développement environnemental durable n’étaient pas structurées et encore moins quantifiées.

Depuis notre visite, le groupe Sodexo a formalisé et consolidé toutes ses actions à l’échelle mondiale sous la forme d’un Better Tomorrow Plan, issu d’un long processus de travail en amont qui a conduit Sodexo à consulter des experts et l’ensemble de ses parties prenantes, internes comme externes. Son objectif est d’agir en sensibilisant ses fournisseurs, ses clients, ses consommateurs finaux et ses employés au développement durable. Loin d’être un bricolage en développement durable, le plan définit des objectifs clairs et ambitieux. “Il s’articule autour de trois axes : la nutrition, la santé et le bien-être ; ensuite, les actions en faveur des communautés locales ; et enfin, la protection de l’environnement, précise Florence Rossi, la responsable de l’implémentation et de la coordination du développement durable chez Sodexo Belgique. Cette feuille de route stratégique s’appuie sur 14 engagements chiffrés, dont huit concernent la protection de l’environnement.”

Plutôt que d’imposer des directives, la direction du groupe a préféré définir des objectifs à atteindre. C’est aux managers de Sodexo dans chacun des 80 pays concernés d’adapter librement leurs actions et leurs priorités à la réalité du terrain. Des instruments de mesure sont toutefois prévus pour déterminer l’état d’avancement en 2012, 2015 et 2020.

“Concernant la protection de l’environnement, une de nos premières démarches a été de calculer le bilan carbone d’une cuisine type (voir graphique) et le résultat fut un électrochoc ! On pensait devoir se focaliser sur la gestion des eaux et de l’électricité, mais en réalité, 90 % de l’impact CO2 est lié à l’offre alimentaire, à savoir l’origine des ingrédients, la saisonnalité ou le grammage des viandes !” ajoute Florence Rossi.

L’offre alimentaire, priorité n°1

Avec un tel bilan carbone, Sodexo Belgique s’est empressé de revoir sa politique d’approvisionnement, l’optique étant d’inclure des produits locaux et d’adapter ses menus sur la saisonnalité. “Désormais, 60 % de nos fruits et légumes sont de saison et lorsque ce n’est pas possible, on privilégie l’agriculture biologique et solidaire, pointe Florence Rossi. D’autre part, nous privilégions les produits locaux et biologiques : 44 % de nos fruits et légumes proviennent de Belgique, ce qui permet de limiter les kilomètres parcourus et de promouvoir l’économie locale.”

Même réflexion pour les produits de la mer. Si Sodexo encourage l’aquaculture, elle se tourne de plus en plus vers des filières durables et certifiées, lorsqu’elles existent. “Sur les 800 tonnes de poisson que nous achetons annuellement, près de 120 tonnes proviennent déjà de filières durables certifiées MSC (Ndlr : Marine Stewardship Council, un organisme mis sur pied par le WWF) ou GlobalGAP, précise la corporate social responsibility manager. Nous luttons également contre la surpêche puisque nous avons supprimé des menus, recettes et référencements, 15 espèces de poisson menacées de disparition.”

Consciente que sa présence dans les activités de chèques (chèques repas, cadeaux, éco-chèque, etc.) et services génèrent des dégâts écologiques au niveau de la déforestation et de la pollution, la filiale belge se fournit en papier labellisé FSC, mais uniquement pour sa communication externe (brochures, affiches, flyers, etc.) “Actuellement, il est impossible d’utiliser ce papier pour l’impression de nos chèques, concède Hilde Eygemans, directrice de la communication de Sodexo. L’arrivée des cartes électroniques en remplacement des chèques est une solution mais nous ne pouvons l’imposer sans concertation avec les autres acteurs du marché.”

Surcoûts inévitables

La mobilité est aussi au coeur de la réflexion. Une série de cylindrées trop gourmandes ont déjà été rayées de la car policy et un coordinateur mobilité a récemment été nommé pour définir de nouvelles mesures destinées à réduire l’impact environnemental. En attendant la formalisation de ces mesures, Sodexo poursuit sa logique de concentration des flux logistiques. Objectif : réduire le nombre de livraisons de 45 % par rapport à aujourd’hui, soit une diminution de près d’un million de kilomètres parcourus par an.

Le traitement des déchets, le contrôle de l’énergie ou la maîtrise de la consommation d’eau sont également au coeur de l’action, mais leurs développements n’en sont qu’à leurs prémices.

Reste que la mise en place de cette politique amène d’inévitables surcoûts. “Suite à la suppression des 15 espèces de poissons menacées et au remplacement par d’autres espèces, la facture s’est alourdie de 21.500 euros par an, confesse Florence Rossi. Même chose pour les bananes issues du commerce équitable : le surcoût s’élève à 8.000 euros. Mais au-delà des chiffres, les retombées positives du Better Tomorrow Plan sont nombreuses puisque l’on améliore la qualité de vie au quotidien de nos consommateurs, on contribue au développement social et économique du pays et l’on sensibilise nos collaborateurs, nos fournisseurs et nos clients.”

Et pour convaincre ces derniers des bienfaits des mesures du développement durable à la sauce Sodexo, cette société fera un suivi individuel pour chacun de ses clients, leur permettant de mesurer les avantages liés au respect des recommandations du Better Tomorrow Plan. Une façon de faire tâche d’huile, bio bien entendu.

Valéry Halloy

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