Comment Scarlet se positionne dans le groupe Proximus

© Bruno Delhaize, marketing director de Scarlet

L’opérateur sort une offre innovante qui abolit les frais de “roaming”. Une belle opération de marketing pour la filiale low cost de Proximus.

La nouvelle offre mobile de Scarlet ne manque pas d’audace. Challenger sur le marché des télécoms, la marque low cost s’attaque aux frais de roaming, ces suppléments tarifaires parfois exorbitants qui s’appliquent aux appels passés depuis l’étranger. La promesse est simple : depuis le 29 avril, ces frais de roaming sont abolis pour les clients Scarlet séjournant dans l’Union européenne. Une première en Belgique.

L’opérateur surfe intelligemment sur l’actualité tournant autour du roaming. Conformément à une décision européenne, les frais d’itinérance ont été une nouvelle fois réduits, avant leur abolition complète prévue pour la mi-juin 2017. Plutôt que de se conformer aux nouveaux plafonds, Scarlet a décidé d’aller plus loin et d’anticiper la mise sur pied de ce “marché unique” des télécoms mobiles, que l’Europe tente d’imposer pas à pas aux opérateurs.

Concrètement, les abonnés Scarlet ne payent plus de supplément lorsqu’ils passent un appel, envoient un SMS et consomment de l’Internet mobile dans un des pays membres de l’UE. Leur consommation est déduite de leur forfait comme s’il s’agissait d’une consommation en Belgique. S’ils dépassent leur quota de minutes, de SMS ou de data, une tarification identique pour les communications nationales et le roaming est d’application.

Par contre, les appels passés et les SMS envoyés depuis la Belgique vers l’international restent soumis à une tarification distincte. C’est une bizarrerie qui épouse la trajectoire de la réglementation européenne : aucun plafond n’étant fixé pour les appels internationaux, il sera souvent moins cher de passer un coup de fil depuis l’étranger que d’appeler l’étranger depuis la Belgique.

Clients “budget” et “smart shoppers”

La démarche de Scarlet est étonnante. En tant que challenger sur le marché des télécoms, la marque se positionne évidemment sur le prix. Mais les consommateurs friands de roaming ne sont pas a priori son coeur de cible. “Les clients Scarlet ne sont pas ceux qui voyagent le plus ou qui utilisent le plus leur GSM à l’étranger”, pointe Stefaan Genoe, analyste télécom chez Degroof-Petercam.

En tant que marque low cost, Scarlet séduit principalement deux types de clients, explique Bruno Delhaise, managing director de Scarlet : “Tout d’abord les clients ‘budget’, qui font attention à leurs dépenses et qui cherchent l’offre la moins chère : ils représentent les deux tiers de notre clientèle. Ensuite, ce qu’on appelle les smart shoppers, qui n’ont pas de problème de budget, mais qui allouent leurs dépenses en faisant des choix sur ce qu’ils considèrent comme important ou accessoire. Pour schématiser, ce sont des consommateurs qui peuvent prendre un vol Ryanair mais loger dans un hôtel de luxe.”

Avec cette offre sur le roaming, Scarlet espère convaincre de nouveaux abonnés, qui ne connaissent peut-être pas la marque. “Soixante pour cent des consommateurs belges connaissent Scarlet. On peut sans doute faire mieux. Ce genre d’action y contribue”, souligne Bruno Delhaise. Le directeur de la marque ne s’en cache pas : lancer une offre en plein débat sur le roaming est une bonne manière d’attirer l’attention. “Il faut voir cette action dans le cadre d’une approche marketing, à une période où la concurrence est forte”, complète l’analyste Stefaan Genoe. Le patron de Scarlet, issu du marketing chez Proximus, n’a d’ailleurs pas hésité à payer de sa personne en enfilant masque et tuba pour faire la promotion sur YouTube d’une offre qui cible les vacanciers, à l’approche des mois d’été.

Positionnement agressif

Scarlet joue son rôle de marque low cost au sein de Proximus, premier opérateur du pays. L’ex-Belgacom a racheté ce challenger des télécoms en 2008, pour 185 millions d’euros. En intégrant ses activités sous la forme d’une filiale, Proximus a choisi de charger Scarlet d’un positionnement plus agressif, que l’opérateur historique serait bien en peine d’assumer. “Proximus ne pourrait pas se permettre de mettre ses packs triple play à 39 euros. L’impact sur les résultats de l’entreprise serait trop important”, indique Stefaan Genoe. C’est donc la succursale Scarlet qui s’en charge. Cela permet à Proximus d’occuper indirectement un segment de marché du fixe où elle ne souhaite pas être présente avec sa marque premium. Scarlet lui a ainsi permis de réagir à l’offre TV de Mobistar (devenu Orange), qui se veut plus offensive sur le prix afin de gagner rapidement des parts de marché. “Mobistar TV est un concurrent. Ils sont en tout cas proches de notre territoire”, reconnaît le managing director de Scarlet.

Sur le mobile, Scarlet garde aussi son positionnement centré sur l’entrée de gamme, et mise sur des coups d’éclat comme avec cette nouvelle offre sur le roaming. “Nous sommes en concurrence avec tout le monde, y compris Proximus, sur le marché de la téléphonie mobile. Mais la compétition se joue plutôt avec Base”, avance Bruno Delhaise. Logique : Base, qui est beaucoup plus gros que le modeste Scarlet, endosse aussi une stratégie de challenger sur le marché mobile. Reste à voir le positionnement que lui réserve son nouveau propriétaire, le câblo-opérateur Telenet.

Une indépendance relative

De son côté, Scarlet revendique son indépendance par rapport à sa maison mère, tout en admettant que les décisions stratégiques doivent recevoir l’aval de la direction de Proximus. Pas question que le petit Poucet marche sur les plates-bandes de son “grand frère”. “C’est nous qui avons poussé cette offre supprimant les frais de roaming. Mais bien sûr, Proximus avait un droit de regard sur cette décision, témoigne Bruno Delhaise. Proximus laisse une large liberté à Scarlet. Notre rôle est de viser une clientèle que notre maison mère ne touche pas.” Question de répartition de territoire. Mais aussi de nécessaire rentabilité. Le dernier plafonnement des frais de roaming, décidé par l’Europe, coûtera 28 millions d’euros à Proximus en 2016. De quoi inciter l’opérateur historique à ne pas faire de zèle… et à laisser à sa filiale le soin de tester la réaction du marché à ce type de produit. L’impact financier sera moins important chez Scarlet, son public-cible étant plus restreint.

Scarlet ne communique pas de chiffres concernant sa clientèle (ceux-ci sont consolidés au sein des chiffres Proximus, qui compte 4,2 millions de clients mobiles et 1,6 million de clients Proximus TV). Au moment de la vente de l’entreprise à Belgacom, Scarlet comptait 180.000 clients. Si la société a connu un fléchissement de ses activités juste après la reprise par Proximus, elle est aujourd’hui “en croissance”, assure Bruno Delhaise. Les derniers comptes publiés à la Banque nationale font état d’un chiffre d’affaires de 57 millions d’euros, en hausse de 16 %.

Services de base

Comme toute marque low cost, Scarlet se concentre sur les services de base : l’offre TV se limite aux 30 chaînes les plus regardées, la vitesse internet ne dépasse pas 30 Mbps, les call centers ne sont pas accessibles le dimanche, etc. L’opérateur fonctionne avec une équipe restreinte de 75 personnes. “Nous misons sur la simplicité de notre gamme et l’efficience opérationnelle”, pointe Bruno Delhaise. Le patron de Scarlet est convaincu que sa marque n’a pas vocation à disparaître au sein de Proximus. “Si on nous intègre dans l’entreprise, notre ADN de petite société disparaîtra. Pour rester crédibles, nous devons rester séparés.”

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