Comment réussir son “management buy-out”?

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Crise oblige, le management “buy-out” n’a plus vraiment eu la cote ces derniers temps. Mais ce type d’opération reprendrait progressivement de l’ampleur dans un contexte où la transmission d’entreprises pose souvent problème. Comment réussir son MBO ? Le point sur les principales étapes et difficultés à surmonter.

Trente décembre 2010. La cotation du titre Systemat est suspendue. Le conseil d’administration de la firme lasnoise de services informatiques vient d’annoncer qu’il cédait ses activités “infrastructures” en Belgique et au Luxembourg. Les repreneurs ne sont pas inconnus au bataillon : Pierre Focant et Vincent Scholler font partie du management de l’entreprise. Avec l’appui de fonds d’investissement, ils ont déboursé 10,8 millions d’euros pour reprendre les rênes de cette division.

Systemat est sans doute le dernier exemple notable belge en date de management buy-out, en abrégé MBO. Cette opération de rachat d’une société par son management avait déjà été testée quelques fois auparavant dans le petit monde des compagnies noir-jaune-rouge : en 2004, la Société belge des bétons devient Besix, suite à son rachat par 13 de ses dirigeants. La même année, la brasserie John Martin (Timmermans, Gordon…) se transforme en Anthony Martin SA, après que celui-ci (le fils du premier) ait mis la main sur 100 % des actions. On pourrait encore citer le fabricant de biscuits Lotus en 2000, Lunch Garden en 2004, la chaîne de restauration Quick en 2008…

Durant la crise, ce type de passation de pouvoir aurait été relativement mis en sourdine. Frilosité des banques oblige, elles qui n’hésitaient pas à prêter au-delà de 80, voire de 100 % les montants nécessaires freinent aujourd’hui des quatre fers. “Certaines considèrent que cela ne relève plus de leur métier, avance Cédric Guyot, partner au sein du cabinet d’avocats CMS DeBacker. Mais c’est un marché qui redémarre petit à petit.” D’autant que la transmission des entreprises reste un enjeu important pour le pays. En 2010, la Région wallonne prédisait qu’un tiers des PME présentes sur son territoire devrait changer de mains dans les 10 ans. Avec un nombre de faillites qui frôle des records (11.083 enregistrées en 2012), reprendre une structure existante plutôt qu’en créer une nouvelle peut aider à réduire les risques d’échecs.

Financement, où es-tu ? La solution MBO se présente généralement dans deux cas de figure : lorsque le dirigeant d’une société familiale ne possède pas de successeur mais préfère tout de même confier son “bébé” à une personne de confiance, ou lorsque le patron souhaite vendre et que son management y voit l’opportunité de racheter la firme pour la développer.

Quel que soit le scénario, les protagonistes se retrouvent confrontés au même obstacle : le financement. A moins de posséder d’importants fonds propres, il faudra partir à la chasse aux sous. Puisque les banques ne peuvent généralement plus occuper le rôle de principal pourvoyeur (“elles serviront plutôt désormais à boucler la boucle”, dixit Cédric Guyot), il faudrait se tourner vers d’autres interlocuteurs. Invests publics, fonds d’investissement, private equity… Les acteurs du secteur sont connus et des listes les répertoriant se trouvent facilement sur le net : Advent Management, Capricorn, Creafund, Sherpa Invest, Indufin, Capital Advice… Des partenaires alternatifs, qui prêteront certes à des taux plus élevés que ceux pratiqués dans le secteur bancaire, mais qui seront aussi davantage prêts à prendre des risques.

Les difficultés liées à la recherche de partenaires financiers expliquent notamment pourquoi il devient de plus en plus rare de voir un manager se lancer seul dans l’aventure MBO. Mieux vaut unir ses forces. “En même temps, l’opération ne doit pas sacrifier le développement de l’entreprise. Il peut être intéressant de déléguer une personne qui se chargera d’aller au front durant les négociations, pendant que les autres assument d’autres aspects”, conseille l’avocat.

Un management buy-out simplifie toutefois les étapes avant la signature définitive du rachat. Un repreneur tiers exigerait une garantie de passif, histoire de s’assurer qu’aucun cadavre ne dorme dans le placard (dettes, absence de permis d’exploitation, problèmes de pollution, etc.). Un manager fait partie de la maison. Il en connaît déjà les points forts et faibles et peut faire l’impasse sur cette garantie, dont l’élaboration peut habituellement prendre un certain temps.

Cette connaissance en profondeur de la boîte peut aussi jouer lors des discussions autour du prix de vente. D’un côté, le vendeur dispose d’un acheteur sous la main, ce qui peut lui permettre de ne pas perdre son temps (et son argent) dans de vastes recherches. De l’autre, le vendeur sait quels aspects il peut mettre en avant pour négocier à la baisse, ou du moins obtenir un deal correspondant au mieux à la valeur réelle de la société. Cela n’empêche pas de bien évaluer les risques. Quitte à s’entourer de regards externes qui, eux, auront peut-être une vision plus objective de la situation. Avoir le nez dans le guidon peut être un avantage, mais peut également devenir un inconvénient…

Des clauses comme s’il en pleuvait “Il faut aussi s’assurer que les troupes suivent. Prendre le pouls du personnel, ajoute Cédric Guyot. Car l’objectif est tout de même de développer la structure. Il va falloir bosser. Il est donc préférable de s’assurer de la coopération positive des employés.” Un manager qui ne serait pas apprécié en interne n’aurait pas la tâche facile comme patron !

Une fois ces étapes passées, reste alors à boucler le volet juridique. “Il est important de se faire conseiller”, estime l’avocat. Qui prêche évidemment pour sa paroisse bien qu’une dizaine de cabinets en Belgique soient en mesure d’effectuer cette tâche. Mais il est vrai que les clauses à prévoir peuvent être nombreuses. Comme celle du maintien du contrôle par le désormais ex-manager : si un tiers investisseur entre dans la danse en devenant actionnaire majoritaire, il peut être judicieux d’imaginer des situations précises où le patron aura la possibilité de garder la main, grâce à un droit de veto, une majorité spéciale, un vote à l’assemblée générale… Le repreneur peut aussi prévoir une clause de rattrapage, qui lui permettra de remonter progressivement dans le capital. Ou encore des garanties concernant la gestion journalière, pour qu’il puisse continuer à exercer son job sans (trop d’)interférences.

L’investisseur peut aussi demander de bien planifier sa sortie, d’obtenir une clause de stabilité en sa faveur, un droit de suite, une clause de non-concurrence afin d’éviter que celui qui retire ses billes ne fonde ensuite son propre business dans le même secteur, etc. Tout cela pour éviter que la mésentente finisse par régner. Pas encore marié… qu’il faut déjà penser à un éventuel divorce.

MÉLANIE GEELKENS

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