Comment Kodak s’est tiré une balle dans le pied

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Il est l’inventeur du numérique, et pourtant Kodak a échoué à s’en saisir. A plusieurs reprises, le mythique groupe de photo est passé à côté des technologies de son époque. Il est aujourd’hui au bord de la faillite.

Dernier clic-clac pour Kodak ? A en croire diverses informations concordantes, l’ex-géant américain de la photo est en train de vivre ses dernières heures. Mercredi soir, le Wall Street Journal évoquait une faillite imminente. La veille le gendarme boursier américain menaçait l’entreprise d’expulsion boursière.

Pour les amateurs de la photographie, c’est une page qui se tourne. En 1884, George Eastman démocratise les prises de vues photographiques grâce à l’invention du négatif. Cette année-là il crée Kodak, qui ira de prouesses technologiques en avancées commerciales : appareil à un dollar en 1900, caméra grand public en 1923, lancement des légendaires pellicules Kodachrome en 1935 ou encore de l’appareil photo Instamatic en 1963. Cette dernière année est celle de l’apogée: Kodak vend pas moins de 50 millions de ses Instamatic, et est alors le géant incontesté de la photographie dans le monde.

L’inventeur du numérique

Mais en 1975, Kodak commet l’irréparable. C’est en effet dans ses propres laboratoires qu’il met au point la photo numérique. Trois ans plus tard, il dépose le premier brevet d’un appareil numérique avec capteur CCD. L’engin ressemble alors un boîtier noir et blanc de la taille d’un grille-pains.

Mais Kodak a beau avoir entre les mains “la” technologie de demain, le groupe ne transformera jamais l’essai. Lorsque le numérique explose dans les années 2000, la marque jaune et noir s’est déjà fait devancer par ses concurrents, japonais, coréens, chinois ou encore allemands. A cette époque, le groupe ne commercialise que quelques modèles compacts, aujourd’hui bien moins porteurs que les reflexes ou les bridges. En 1992, Kodak réalise en fait son grand investissement sur le CD photo, qui permet au consommateur de faire graver ses clichés au moment du tirage. Un échec commercial…

“C’est eux qui ont inventé la photo numérique, mais ils n’y croyaient pas”, résume aujourd’hui Gregori Volokhine, responsable du département actions de la maison de Bourse Meeschaert Capital Markets. Par peur de saboter sa technologie maitresse, l’argentique, ou par crainte du changement, les dirigeants de Kodak ont refusé de s’adapter aux nouvelles exigences du tout numérique. ” Il y avait une peur de ce que représentait le numérique “, expliquait il y a quelques années l’ancien PDG de Kodak, George Fisher.

En défaut de vision

Manque de chance ou défaut de vision, le virage digital n’est pas le seul que Kodak ait raté. A plusieurs reprises, l’entreprise a fermé la porte à des innovations prometteuses. En 1945, la direction renvoie chez lui un certain Chester Carlson, qui lui dévoile pourtant les plans d’une photocopieuse dotée d’un processus révolutionnaire. Trois ans plus tard, le chanceux éconduit crée Xerox, à l’origine des premiers photocopieurs.
En 1950, Kodak reproduit l’erreur en refoulant un autre ingénieur, venu présenter le procédé de photographie instantanée, le Polaroid. Vingt-six ans plus tard, Kodak se lancera dans la photo instantanée, ce qui lui vaudra des années de procès avec Polaroid et près d’un milliard de dollars d’amende en 1991…

Et aujourd’hui, les brevets…

Aujourd’hui Kodak est donc au bord de la faillite. L’entreprise n’a pas enregistré de profits depuis 2008 et fait face à un cruel manque de liquidité. Pour survivre, il ne lui reste plus qu’à vendre ses brevets. Elle en détient 1100 relatifs à l’image numérique, soit 10% de l’ensemble de sa propriété intellectuelle, et espère en tirer 3 milliards de dollars.

Mais avec une capitalisation boursière inférieure à 120 millions de dollars, il sera difficile de trouver preneur à bon prix. “Quand on est un vendeur désespéré, les acheteurs n’ont aucun intérêt à se précipiter parce que ce sera moins cher le jour où Kodak sera complètement au tapis”, estime ainsi Gregori Volokhine. “Quand une société commence à vendre sa propriété intellectuelle (…), on sait que la fin est proche”, relevait jeudi le Wall Street Journal.

Trends.be avec L’expansion.fr

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