Cinq défis pour la supply chain du futur

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La complexité des flux de biens et de services s’accentuant, la supply chain du futur fera la part belle à la numérisation et à la flexibilité. Pour de nombreuses entreprises, le principal défi consistera à disposer en interne du savoir-faire numérique indispensable, par exemple dans le domaine de la technologie de la chaîne de blocs.

Si la gestion de la chaîne d’approvisionnement concernait surtout le transport, les usines et les entrepôts autrefois, l’essentiel de l’attention porte aujourd’hui sur des technologies telles que l’automatisation, l’intelligence artificielle, l’internet des objets, les algorithmes, les capteurs, la chaîne de blocs et la robotique.

Il est difficile de nier l’impact de l’e-commerce et des nouvelles technologies sur la pratique des professionnels de la chaîne d’approvisionnement. Des géants tels qu’Amazon, qui font de la gestion de la supply chain leur activité de base, donnent le ton. Commandé aujourd’hui, livré demain, telle est la norme. Tout le processus logistique et administratif – de la confirmation d’achat à la livraison en passant, bientôt, par le compte bancaire – peut être tracé chronologiquement de manière transparente et en temps réel.

Les experts ont énuméré cinq défis pour la supply chain du futur.

1. Segmenter les clients

“Par le biais de l’e-commerce, le particulier entre beaucoup plus en contact avec la chaîne d’approvisionnement”, déclare Paul Delesalle, partner chez Deloitte. Paul Delesalle dirige la branche supply chain de la société de conseil en Belgique et au niveau EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique).

“Les acheteurs professionnels sont également actifs sur Internet en tant que consommateurs particuliers et veulent vivre cette même expérience d’achat fluide dans le business-to-business. Les entreprises sont conscientes du fait qu’elles doivent nettement plus différencier leurs solutions de supply chain en fonction des différents groupes de clients.”

La question centrale, y compris pour le supply chain manager, est la suivante : quelles sont les exigences des clients ? Pour certains, une livraison rapide est essentielle, tandis que d’autres attachent davantage d’importance à la fiabilité de la chaîne d’approvisionnement, à la flexibilité ou encore au rapport coût-efficacité.”

“Ces choix sont déterminants, car il s’agit chaque fois de chaînes logistiques construites différemment. L’époque où une seule solution globale pouvait répondre à tous les besoins des clients est révolue. La gestion de la supply chain fait elle aussi l’objet d’une plus grande segmentation et il faut adapter cette chaîne au client”, explique Paul Delesalle.

Une chaîne logistique organisée efficacement participe aussi à l’expérience du client. Cette chaîne doit être conçue de manière à ce qu’elle rencontre au maximum les besoins de ce dernier. “La chaîne d’approvisionnement peut être considérée comme un avantage compétitif. Elle peut réellement permettre à votre société de faire la différence”, poursuit Paul Delesalle.

2. Écouter le client

Ces dix dernières années, Deloitte a vu de nombreuses sociétés prendre conscience qu’elles devaient écouter leurs clients. Dans des secteurs tels que les biens de consommation à forte rotation (FMCG) et l’industrie automobile, la connaissance de la gestion de la chaîne logistique peut être qualifiée de mature. Dans d’autres branches industrielles, on assiste ces dernières années à un mouvement de rattrapage.

Selon Kevin Overdulve, directeur chez Deloitte, il n’est pas nécessaire de proposer le service le plus rapide à tous les clients. “Certains clients disposent d’une capacité de stockage, d’autres pas. Ils ne souhaitent pas tous forcément réceptionner leur commande dans les 24 heures. Des enquêtes menées auprès de clients montrent que jusqu’à 80 % d’entre eux peuvent s’accommoder d’une livraison dans les 2 ou 3 jours. Une entreprise peut toujours en faire plus, plus, plus, mais cela coûte aussi plus, plus, plus.”

Les entreprises entament de plus en plus souvent un projet de supply chain par une enquête auprès des clients, remarque-t-on chez Deloitte. “Nous écoutons les clients pour comprendre ce qui est vraiment important à leurs yeux. Ce changement de mentalité n’est apparu qu’au cours de ces dernières années”, déclare Paul Delesalle.

3. Attirer les talents numériques

Autre défi pour la gestion de la supply chain dans nos contrées : le recrutement de talents numériques. Le secteur se trouve à la veille d’une automatisation à grande échelle et des cabinets de recrutement comme Hays recensent en Belgique trop peu de formations préparant réellement les candidats aux métiers du commerce électronique et de la chaîne d’approvisionnement.

Des tâches simples vont devenir de plus en plus automatisées, mais le contrôle de la technologie va se complexifier. Le secteur a besoin d’informaticiens capables de résoudre les problèmes liés à la logistique et au planning. L’analyste de données sera également une profession sensible dans le secteur.

“De très nombreuses entreprises sont assises sur un trésor de données mais n’en font rien”, explique Paul Delesalle. Deloitte voit également croître le besoin de spécialistes des données, de personnes qui disposent des connaissances pour détecter les corrélations et écrire les algorithmes. “Beaucoup d’organisations souhaitent numériser davantage pour optimaliser la chaîne. Les technologies actuelles sont bien plus nombreuses et abordables qu’il y a cinq ans. Prenons l’exemple des capteurs. Ce savoir spécifique est encore en construction dans de très nombreuses organisations”, souligne Paul Delesalle.

Pour les sociétés, cette numérisation est cruciale afin de bien cerner ce qui se passe dans la chaîne logistique. “C’est une question de visibilité et de limitation des risques. Dans une supply chain globale, certaines choses peuvent mal tourner. Les entreprises cherchent comment exploiter la technologie au maximum et améliorer la chaîne d’approvisionnement”, précise Paul Delesalle.

4. Intégrer la chaîne de blocs

Pour des applications concrètes basées sur la chaîne de blocs (blockchain) et autres nouvelles technologies, il est encore un peu tôt selon les experts de Deloitte. La traçabilité et la transparence dans la chaîne seront probablement les premières applications évidentes. “Elles en sont encore à leurs balbutiements, mais les sociétés étudient ce qu’elles peuvent en faire. Finalement, ce n’est rien d’autre qu’un livre de bord dans lequel tout est consigné”, déclare Paul Delesalle.

Selon l’institut flamand pour la logistique VIL, la chaîne de blocs est vue aujourd’hui comme la technologie de prédilection pour le trafic sécurisé des données dans la supply chain. Le projet Blockchain in supply chains recherche la valeur ajoutée de cette technologie par rapport aux solutions track & trace existantes. L’accent est mis sur des secteurs où l’importance d’une chaîne d’approvisionnement sécurisée est de mise, comme l’alimentation, la chimie ou les sciences de la vie. Neuf sociétés, dont Atlas Copco, bpost, Colruyt et H.Essers, participent au projet.

“La chaîne de blocs offre un potentiel important”, indique Jan Merckx, chef de projet au VIL. “Une chaîne numérique peut, en théorie, offrir plus d’efficacité et de sécurité qu’un livre de bord où tout est consigné par des personnes et des instances.”

Le projet recherche la plus-value de la technologie dans des chaînes logistiques complexes et fragiles. Les applications blockchain actuelles et futures ainsi que les systèmes track & trace seront cartographiés et analysés.

5. Intégrer la flexibilité

Les entreprises traitent aussi les projets de supply chain différemment. Auparavant, il était question de grands projets de transformation et il fallait 4 ans pour voir les premiers résultats se concrétiser. “Aujourd’hui, on travaille avec des processus courts et rapides dans lesquels on teste certaines choses, dont on tire des enseignements et que l’on applique ensuite dans une perspective plus large. Les technologies numériques évoluent si vite qu’il faut saisir la balle au bond, sous peine de les voir dépassées avant même qu’elles n’aient été implémentées”, remarque Kevin Overdulve.

“Un des grands défis réside aussi dans la conception, par les entreprises, d’une supply chain suffisamment flexible car l’environnement change constamment”, souligne Kevin Overdulve. “Vous ne construisez plus un réseau pour les 10 ou 15 prochaines années, comme c’était le cas il y a 5 ans. Il n’est plus possible de prévoir à si long terme.”

Pour l’organisation de la supply chain, cela signifie que vous ne figez plus la situation optimale pour 15 ans. “Les entreprises optent alors pour un réseau un peu moins optimal mais plus flexible. Intégrer la flexibilité consiste à incorporer une solution tampon, de manière à pouvoir intervenir très rapidement si certains paramètres changent”, explique Kevin Overdulve.

La connexion et la collaboration avec des chaînes d’approvisionnement d’autres partenaires dans l’écosystème, comme des clients, des fournisseurs et des prestataires de services logistiques, sont également prioritaires aujourd’hui. “Nous constatons actuellement une pression énorme sur le marché du transport. Il n’y a pas assez de capacité. D’ici à 2020, la pénurie de chauffeurs sera sans doute plus problématique encore. Les chauffeurs ne souhaitent pas parcourir de longues distances alors que les chaînes logistiques s’internationalisent. Les entreprises recherchent des partenaires dont ils sont sûrs de la capacité et qui pourront servir leurs clients”, conclut Kevin Overdulve.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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