ChemChina veut racheter Syngenta: plus grosse acquisition d’une entreprise chinoise

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Le géant chinois de la chimie ChemChina propose d’acheter l’agrochimiste Syngenta pour 43 milliards de dollars en numéraire, une offre acceptée par le conseil d’administration de ce groupe suisse et qui représenterait la plus grosse acquisition jamais réalisée par une entreprise chinoise à l’étranger.

Le conseil d’administration de Syngenta a “unanimement” recommandé cette offre à ses actionnaires, a annoncé mercredi le groupe bâlois dans un communiqué, également diffusé par l’entreprise chinoise.

Dans le détail, les actionnaires de Syngenta se verront proposer 465 dollars par action nominative auxquels s’ajoutera un dividende spécial de cinq francs suisses. “La transaction proposée respecte les intérêts de toutes les parties”, s’est félicité Syngenta dans son communiqué.

L’offre publique d’achat (OPA) sera faite au cours des prochaines semaines en Suisse et aux États-Unis, a précisé le groupe helvétique. La clôture de la transaction est envisagée pour d’ici à la fin de l’année.

Le contraste est flagrant avec la très farouche opposition que Syngenta avait opposée l’an dernier à une tentative de reprise par son rival américain Monsanto, qui mettait alors 47 milliards de dollars sur la table – et qui pourrait désormais réfléchir à une contre-attaque.

ChemChina, un mastodonte à capitaux publics dont la gestion dépend directement du gouvernement central, ne cache pas ses ambitions internationales tous azimuts.

Il a mis la main en 2015 sur le fabricant italien de pneus Pirelli dans une opération valorisée à 7,4 milliards d’euros, et il a récemment annoncé l’achat de l’Allemand KraussMaffei, un fabricant emblématique de machines-outils destinées à l’industrie du plastique, pour 925 millions d’euros.

En quête de diversification, ChemChina a également pris mi-janvier une participation de 12% dans la firme de courtage suisse Mercuria.

Potentiel sur les semences

La prise du contrôle de Syngenta permettrait à ChemChina de s’imposer parmi les plus gros producteurs de pesticides et produits agrochimiques de la planète, tout en l’aidant à diminuer sa dépendance à l’égard de ses activités pétrochimiques.

“En faisant cette offre, ChemChina reconnaît la qualité et le potentiel de Syngenta”, a déclaré le président du groupe suisse, Michel Demaré. Cela “permettra d’accroître encore la présence de Syngenta sur les marchés émergents, notamment en Chine”, assure l’entreprise.

Le rapprochement avec ChemChina, par ailleurs, “permettra de développer de manière notable le potentiel de croissance de notre activité semences”, a relevé le directeur exécutif John Ramsay.

ChemChina n’est pas présent pour l’instant dans la préparation et la commercialisation de semences.

Or, la Chine attache une importance accrue au contrôle des semences et des technologies agricoles susceptibles de gonfler sa production pour nourrir sa population de 1,3 milliard d’habitants, alors que la superficie de ses terres cultivables se réduit inexorablement.

Mais le président de ChemChina, Ren Jianxin, a tenu à mettre en exergue des perspectives bien plus larges : “Notre vision n’est pas confinée à nos intérêts mutuels, mais visera à répondre aux intérêts des agriculteurs et des consommateurs dans le monde”, a-t-il souligné, cité dans le communiqué.

Défi réglementaire

L’offre de ChemChina bénéficie d'”un financement engagé”, a argumenté Syngenta mercredi, notant une “réelle volonté d’obtention” des autorisations réglementaires nécessaires.

De fait, pour que la transaction se concrétise, ChemChina devra obtenir le feu vert des autorités de régulation, en particulier aux Etats-Unis où Syngenta réalise une grosse partie de ses ventes.

Ce n’est pas nécessairement acquis : la tentative du géant pétrolier chinois CNOOC d’acheter l’Américain Unocal pour 18,5 milliards de dollars avait échoué sous l’effet d’une intense pression politique.

L’offre de ChemChina pourrait être bien accueillie par les investisseurs car elle est “entièrement en numéraire”, mais “elle pourrait en revanche poser problème d’un point de vue politique”, a ainsi averti un analyste de la banque allemande Baader.

La direction de Syngenta restera en place, le siège du groupe sera maintenu en Suisse, et un conseil de dix administrateurs présidé par Ren Jianxin sera établi, selon les communiqués des deux groupes.

L’opération serait la plus grosse acquisition chinoise réalisée à l’étranger, dépassant de très loin l’achat en 2013 du Canadien Nexen par la compagnie pétrolière CNOOC, pour 15,1 milliards de dollars.

Minée par des surcapacités industrielles et une demande intérieure terne, la Chine pousse ses entreprises à multiplier investissements et acquisitions à l’étranger, en quête de débouchés, de nouvelles technologies mais aussi pour diversifier leurs activités.

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