Ces belles histoires industrielles qui font la Wallonie d’aujourd’hui

© Montage Getty

Le feuilleton Publifin, ses errements éthiques et son gaspillage d’argent public ont de quoi démoraliser toute une région. Au point d’en oublier ces belles histoires industrielles qui font aussi la Wallonie d’aujourd’hui et, plus encore, celle de demain. ” Trends-Tendances ” vous en raconte quelques-unes.

“Quand j’écoute la radio le matin ou regarde la télévision le soir, j’ai l’impression qu’en Wallonie, rien ne fonctionne. Or, dans la journée, je me rends dans des sociétés qui nourrissent des projets, investissent, embauchent, innovent “, lance Pierre Gustin, directeur Entreprises et institutionnels Wallonie chez ING. Derrière les noms connus tels qu’IBA, EVS ou encore Iris, il existe une foultitude de PME voire de TPE extrêmement performantes et actives dans les secteurs les plus divers dont certaines sont même championnes mondiales, a-t-il expliqué récemment lors d’une conférence au Cercle de Wallonie à Liège. ” Nous avons un terrible déficit d’image, concède Axel Kupisiewicz, CEO de Lasea (lire par ailleurs). Quand je reçois des clients flamands ou étrangers sur le parc scientifique, ils n’en reviennent pas de tout ce qui existe ici, de tout ce qui bouge ici. ” Et l’on peut raconter la même histoire avec le Biopark de Gosselies, qui tranche avec les clichés souvent véhiculés à propos de Charleroi.

Puissance économique et industrielle mondiale au tournant du 19e et du 20e siècle, la Wallonie ne compte plus aujourd’hui de grands groupes pourvoyeurs de milliers d’emplois, à l’exception notable de GSK. Mais son tissu industriel n’a pas disparu de la carte pour autant. Parmi ses entreprises leaders, on pointe encore des acteurs industriels d’envergure tels que la Sonaca, Magotteaux ou encore CMI, pour en citer quelques-uns. N’oublions pas non plus NLMK qui a réussi le tour de force de rendre la sidérurgie à nouveau profitable à La Louvière (le redressement est un peu plus lent à Clabecq). ” Cet exemple montre qu’il ne faut pas enterrer trop vite nos industries, estime Jean-Pierre Di Bartolomeo, président du comité de direction de la Sowalfin, l’un des instruments financiers de la Région wallonne. Grâce à l’innovation et aux restructurations intelligentes, elles peuvent devenir le socle d’un renouveau. ” Safran aero boosters (ex-Techspace aero) ou la Sonaca s’inscrivent dans ce contexte.

Une quarantaine de leaders mondiaux

Derrière les IBA, EVS et autres Iris, il existe une foultitude de PME extrêmement performantes.

La Wallonie compte une quarantaine de leaders mondiaux dans les domaines les plus divers. On peut noter deux caractéristiques que l’on retrouve peu ou prou chez chacun d’eux. D’abord, ils sont actifs dans une niche spécifique ; ensuite, leur succès et leadership est d’abord et avant tout le fruit de la R&D et de l’innovation. Des résultats que ces championnes obtiennent en s’appuyant sur un tissu local de sous-traitants et fournisseurs qui apportent leur expertise et savoir-faire, à la fois hérités du passé industriel de la région mais aussi liés à la qualité des universités et centres de recherches. L’entreprise verviétoise AE Valves, récente lauréate liégeoise des Gazelles dans la catégorie des petites entreprises, est emblématique de ces sociétés bien ancrées dans leur région. Constituée en 2010, elle a vu son chiffre d’affaires doubler d’année en année pour atteindre 27 millions d’euros l’année dernière. Afin de réaliser ses valves innovantes destinées à l’industrie du gaz naturel liquéfié, elle s’appuie sur les ateliers et PME locaux qui lui fournissent les pièces d’assemblage. Parmi ses clients figurent les sociétés SpaceX d’Elon Musk et Blue Origin de Jeff Bezos. Rien que ça.

Dans un autre registre, la société ORA, basée à Philippeville, qui conçoit et fabrique des automates destinés à la production de traceurs radio-pharmaceutiques, se fournit exclusivement en Belgique tant pour l’informatique que pour la mécanique. Elle est aujourd’hui leader mondiale dans son secteur très pointu. On peut encore citer à Mons deux PME discrètes : D-tek et AMB-Ecosteryl. La première est spécialisée dans le développement et la production de kits de diagnostic pour les maladies auto-immunes. Elle enregistre ces dernières années une belle croissance avec sa dernière innovation, le BlueDiver Instrument, qui a été mis au point en collaboration avec la société namuroise WOW Technology. La seconde a développé une solution innovante pour le traitement des déchets médicaux. Cette société familiale fondée en 1947 à Jemappes sous le nom AMB (Ateliers mécaniques du Borinage) concevait et fabriquait à l’origine des machines spécifiques destinées à l’industrie extractive. Elle a su au fil des années se remettre en question et identifier de nouveaux marchés pour réussir une formidable reconversion.

Années record pour les outils financiers

“Les “invests” ne sont jamais autant intervenus dans l’économie wallonne.” Jean-Pierre Di Bartolomeo, Président du comité de direction de la Sowalfin.

Ces succès ne proviennent pas du hasard. Pierre Gustin pointe trois atouts pour les entreprises en Wallonie : la localisation, les infrastructures et l’accès au financement. C’est peut-être un cliché mais la Wallonie est – à l’instar de la Belgique – idéalement localisée au coeur de l’Europe, proche de pays peuplés et de marchés importants. Elle présente en outre l’avantage de disposer encore d’espaces pouvant accueillir des investisseurs. On le constate clairement dans le Hainaut et le Brabant wallon mais c’est également vrai en province de Luxembourg plus ” éloignée ” du nord du pays. Les projets de Marc Coucke à Durbuy en témoignent.

Quant au financement, ” il n’a jamais été aussi facile “, estime Pierre Gustin. il est très accessible, du moins pour les premières étapes. ” Différents outils tant publics que privés existent et favorisent la création de nouvelles entreprises, ainsi que leur développement “, insiste-t-il. Effectivement, la SRIW n’a pas lésiné sur les moyens, avec des interventions en prêts subordonnés ou prises de participation qui ont atteint les 166 millions en 2016 (+10%). Les invests en sont, eux, à 313 millions d’euros d’interventions, soit +7 % par rapport à 2015 ou… + 80 % par rapport à 2010. ” Les invests ne sont jamais autant intervenus dans l’économie wallonne, se réjouit Jean-Pierre Di Bartolomeo. Et parallèlement, le taux de faillite reste stable. Il y a vraiment une belle dynamique. ”

La création d’entreprises n’est pas en reste. Selon l’Institut wallon de l’évaluation, de prospective et de la statistique (Iweps), le nombre d’entreprises est passé de 67.348 à 101.623 unités entre 1999 et 2014. ” La progression est moins importante qu’en Flandre, convient Pierre Gustin, mais elle mérite toutefois d’être relevée. ” Cela percole dans toute la société, avec près de 600 micro-crédits par an via la Socamut et 55 prêts Coup de pouce (avantage fiscal pour le particulier qui prête à une jeune entreprise) accordés à peine trois mois après le lancement de la formule. ” Cela indique un regain de la confiance, reprend Jean-Pierre Di Bartolomeo. Il y a plein de gens qui y croient. Et même quand ça va mal, nous constatons que ces entrepreneurs mettent un point d’honneur à tenir leurs engagements et à ne pas laisser une ardoise à la Socamut. C’est pour moi révélateur d’un esprit très positif. ”

Ajoutons un quatrième atout : les universités. Des entreprises désormais mondiales comme EVS, PhysIOL, IBA ou Iris étaient au départ des spin-off universitaires. Leur succès illustre le rôle moteur que jouent les universités dans le paysage économique d’aujourd’hui, en particulier dans un pays comme la Belgique où l’innovation et la souplesse doivent compenser des coûts salariaux élevés. Avec le risque d’un déséquilibre géographique au profit de Liège et Louvain-la-Neuve. ” C’est vrai mais Charleroi compense très bien avec l’aéropole et le Biopark de Gosselies (au nord de la ville et donc pas très loin du Brabant wallon, Ndlr), nuance Jean-Pierre Di Bartolomeo. A Mons, il y a aussi de belles boîtes dans le secteur digital, je songe à DeciZium ou Fishing Cactus. ” Rappelons qu’Univercells, basée à Gosselies, a récemment attiré l’attention de la fondation Bill et Melinda Gates qui lui a octroyé 12 millions de dollars de subventions. Cette entreprise, créée en 2013, développe des technologies innovantes de biomanufacturing, afin de réduire le coût de production des vaccins et des anticorps thérapeutiques.

Même les incubateurs visent l’international

Bill et Melinda Gates ont octroyé 12 millions de dollars de subventions à la wallonne Univercells.

Mais revenons à la conquête du monde et donc à l’international. Les PME wallonnes ont une réputation de frilosité à cet égard, frilosité liée en partie à leur petite taille. Ici aussi, les choses changent, assure Pascale Delcomminette, CEO de l’Awex. ” D’une part, de plus en plus d’entreprises, qui ont fait le pari d’aller chercher la croissance à l’international, se proposent d’être en quelque sorte nos porte-paroles, d’expliquer directement aux PME comment elles ont réussi le pari de l’exportation, voire de la grande exportation et comment l’Awex peut les y aider, dit-elle. D’autre part, des incubateurs comme Leansquare nous intègrent comme observateur dans leur CA. Cela atteste d’une volonté de songer à l’international dès le démarrage du projet entrepreneurial. ”

Ces dernières années, les exportations wallonnes sont montées en gamme. En une vingtaine d’années, la part des produits à haute intensité technologique a bondi de 32 à 50 % du total des exportations des entreprises wallonnes. ” Cet accroissement de valeurs est clairement lié à la politique des pôles, poursuit la patronne de l’Awex. Un écosystème vertueux s’installe. ”

Cette vision planétaire se traduit aussi par des implantations à l’étranger. Au détriment de l’emploi ici ? ” C’est l’inverse, répond Axel Kupisiewicz. Il faut aller chercher les talents là où ils se trouvent. Notre filiale à Bordeaux a une compétence spécifique pour la réalisation d’un composant de nos machines. Ce composant apporte une plus-value énorme à toute la machine que nous réalisons à Liège. ” Une explication similaire est souvent reprise par la Sonaca, qui a créé une filiale en Roumanie.

L’incontournable Plan Marshall

Il ne faut pas attendre des start-up, surtout dans le secteur de la santé, qu’elles soient à maturité avant cinq ou 10 ans.” Pierre Gustin, Directeur Entreprises et institutionnels Wallonie chez ING.

Nous venons de les évoquer, les pôles de compétitivité et le Plan Marshall constituent bien entendu un axe essentiel du ” renouveau ” wallon. Les pôles couvrent six secteurs d’activité : les sciences du vivant, l’aéronautique, la logistique, la mécanique, les technologies vertes et l’agro-alimentaire. Ils ont le mérite de susciter des projets et surtout d’obliger grandes entreprises, PME, universités et centres de recherche à travailler de concert. De quoi remailler un tissu économique qui avait tendance à s’effilocher.

” Dans le domaine de la santé, constate Pierre Gustin, la Wallonie dispose avec des entreprises comme Bone Therapeutics, Celyad, Promethera ou encore Novadip, d’un pôle dédié à la thérapie cellulaire unique et prometteur (lire le Trends-Tendances du 19 janvier 2017). ” De jeunes entreprises wallonnes se lancent aussi dans le traitement du cancer (OncoDNA, Trasis), la santé féminine (Mithra) etc. ” Je mentionnerai également PhysIOL, une société qui a innové avec ses implants intraoculaires trifocaux, ajoute Pierre Gustin. C’est aujourd’hui une entreprise qui réalise des performances remarquables mais des années de R&D ont été nécessaires avant d’arriver à de tels résultats. C’est la même chose pour IBA. C’est pourquoi, je pense, qu’il ne faut pas attendre des start-up, surtout dans le secteur de la santé, qu’elles soient à maturité avant cinq ou 10 ans. ”

Des incubateurs nous intègrent dans leur CA. Cela atteste d’une volonté de songer à l’international dès le départ.” Pascale Delcomminette, CEO de l’Awex

De nombreuses sociétés de services, de la production de molécules à la logistique spécifique au secteur en passant par les aspects réglementaires, se développent autour de ces start-up dans le domaine de la santé. Ainsi se bâtit un écosystème où les éléments se renforcent mutuellement. Cet écosystème a récemment séduit le groupe pharmaceutique australien Clarity, qui implantera sa tête de pont européenne à Liège. Avant lui, les spin-off Pluriomics (Université de Leiden aux Pays-Bas) et PDC Line Pharma (établissement français du sang à Grenoble) avaient déjà choisi la Wallonie pour les mêmes raisons. ” Les partenaires étrangers sont impressionnés par cette dynamique très novatrice, portée par des projets venant vraiment du terrain, se réjouit Pascale Delcomminette. On sent la maturité des pôles croître et tout cela percole. ” Autre indice de cette tendance de fond : le pôle Greenwin a été retenu parmi les cinq régions européennes pour le développement de projets-pilotes, soutenus par l’Union européenne, en matière de chimie verte, de biomasse et d’économie circulaire.

Pour vivre heureux…

Quand un journaliste tente de faire le tour des champions wallons, il lui arrive plus d’une fois de rencontrer un refus au nom de l’adage ” pour vivre heureux, vivons cachés “. Si la modestie et l’humilité sont des qualités, afficher ses succès n’est pourtant pas un défaut et participerait au contraire à donner de la Wallonie une image plus conforme à une réalité économique moins morose qu’on ne l’imagine. ” C’est vrai que les Wallons sont sans doute trop discrets, confirme Pierre Gustin. De ce point de vue, des initiatives comme les Gazelles ou le Trends Business Tour sont positives car elles permettent de mettre des entreprises à l’honneur. Je constate toutefois un changement de mentalité chez les jeunes entrepreneurs ainsi que globalement dans la nouvelle génération qui arrive aux affaires, notamment dans les entreprises familiales. Elle est plus ouverte et communique plus facilement. ”

Pascale Delcomminette confirme cette évolution. ” Les réseaux sociaux jouent ici un rôle intéressant, précise-t-elle. Quand une entreprise partage ses succès sur Internet, cela se sait et cela suscite l’envie de communiquer chez les autres. Bon, il faut encore taper sur le clou des bonnes nouvelles mais cela avance. Que les entreprises et les citoyens soient conscients de ce qui bouge dans notre économie, de l’existence de leaders mondiaux en Wallonie, c’est essentiel pour la dynamique de toute notre société. ”

Par Christophe de Caevel et Guy Van Den Noortgate.

Lasea ou la victoire d’un écosystème

Axel Kupisiewicz.
Axel Kupisiewicz.© PG

“L’état d’esprit est en train de changer. Hier, on se tournait volontiers vers la Flandre et les pays voisins pour trouver des fournisseurs ou des sous-traitants. Aujourd’hui, la nouvelle génération d’entrepreneurs ne va plus chercher à l’extérieur ce qui existe en Wallonie. Moi-même, j’ai tout rapatrié ici.” Axel Kupisiewicz, fondateur et CEO de Lasea, salue l’émergence d’un “écosystème” construit autour de la réputation du bassin liégeois en mécanique fine et de l’Université de Liège. “Cette proximité nous aide à dégager des solutions innovantes”, dit-il.

Lasea est l’une de ces pépites peu connues de la Wallonie. Elle fabrique des machines de micro-usinage laser de très haute précision, utilisées notamment dans l’horlogerie de prestige et l’appareillage médical. Ils furent les premiers au monde à développer, en 2011, un système de laser qui ne chauffe pas. Cette invention a propulsé Lasea dans la cour des grands. “Nous réalisons un chiffre d’affaires de 9 millions d’euros mais nous rivalisons avec des groupes qui pèsent plus d’un milliard”, sourit Axel Kupisiewicz. Lasea exporte ses machines dans 27 pays, dispose d’une implantation en Californie et voit son chiffre d’affaires augmenter de 34 % par an depuis 2011…

Cette réussite, Axel Kupisiewicz la doit à son talent, à son enthousiasme, à celui de ses collaborateurs (62 actuellement et un objectif de 100 travailleurs à moyen terme), aux ressources de l’écosystème liégeois mais aussi, et les entrepreneurs ne l’admettent pas toujours facilement, à l’appui des structures publiques. “Franchement, quand vous voulez innover, exporter, dynamiser le tissu économique, on vous soutient, dit le CEO de Lasea. Pour un jeune entrepreneur sans beaucoup de moyens, pouvoir compter sur un groupe comme Meusinvest, c’est une chance incroyable. Des fonds d’investissements classiques auraient exigé un rendement plus rapide et plus important, nous n’aurions pas pu y répondre.” L’aventure va se poursuivre puisque Lasea figure parmi les deux entreprises sélectionnées (avec 9 millions à la clé ! ) par le Digital Wallonia Hub, la structure qui entend accélérer la croissance des “champions” de demain. L’autre entreprise est la start-up OncoDNA, active dans la lutte contre le cancer.

Des astronomes liégeois mettent la planète en ébullition

Michaël Gillon.
Michaël Gillon.© BELGAIMAGE

Une équipe d’astronomes de l’Université de Liège a découvert un nouveau système exoplanétaire (hors du système solaire), composé de sept planètes, dont trois habitables. Un système planétaire “fascinant”, disent-ils et qui relance la quête de la vie dans l’univers. D’où l’incroyable intérêt manifesté dans le monde entier pour cette découverte. “Cela démontre le très haut potentiel de la recherche scientifique et des développements technologiques en Wallonie, confie Michaël Gillon, l’astronome de l’ULg qui pilotait l’équipe de recherche. De tels résultats n’arrivent pas par hasard. Ils sont le fruit d’une vision, d’un intérêt pour la science et le futur.” Et de rappeler que le FNRS a financé le télescope, que l’Université et la Région wallonne ont soutenu les recherches…

Bref, il y a de quoi être fiers. Mais ce n’est pas vraiment le genre de la maison. “Nous ne sommes clairement pas un pays de frimeurs, poursuit Michaël Gillon. Le succès est pris avec une certaine relativité et je trouve cet état d’esprit plutôt sain. Ce n’est pas de la fausse modestie. Je suis fier de ce que nous avons accompli mais sans aucun sentiment de supériorité par rapport aux autres.” Ce détachement se manifeste jusque dans les appellations imaginées par Michaël Gillon et son comparse Emmanuel Jehin : leur projet de recherche s’appelle Speculoos et le système planétaire découvert a été baptisé Trappist. Qui à part des Belges pouvaient placer de tels clins d’oeil ? “Cela montre que, sans parler de fierté, nous n’hésitons pas à souligner l’origine belge ou wallonne de nos projets”, résume notre interlocuteur.

L’économie régionale devrait à terme tirer parti de telles avancées en recherche fondamentale. “Tous les efforts pour trouver de la vie ailleurs impliquent des efforts de développement technologique, conclut Michaël Gillon. Les techniques et matériaux utilisés ici intéresseront sans doute des secteurs industriels et généreront indirectement des retombées positives.”

La Sonaco rachète une entreprise américaine

Bernard Delvaux.
Bernard Delvaux.© BELGAIMAGE

“Quand j’ai été expliquer la nouvelle au personnel, j’ai senti un extraordinaire sentiment de fierté, explique le CEO de la Sonaca, Bernard Delvaux. De tels choix apportent du souffle, du dynamisme dans l’entreprise.” Et sans doute un peu au-delà puisque le succès se répercute sur la chaîne de sous-traitants et de fournisseurs, voire sur tout le pôle de compétitivité aéronautique. La Sonaca et son actionnaire (la Région wallonne) vont débloquer plus de 400 millions d’euros pour acquérir la société américaine LMI aerospace, un fabricant de structures d’avion. Une entreprise qui pèse 375 millions de chiffre d’affaires et emploie près de 2.000 personnes. Cette acquisition va donc doubler la taille de la Sonaca. Un sacré défi mais aussi l’ouverture d’une porte vers Boeing, un client que l’entreprise de Gosselies tenait vainement de séduire depuis des années et dont LMI est un fournisseur.

Cela étant, une telle acquisition comporte bien entendu sa part de risques. Mais ce sont les prises de risque qui font tourner l’économie. En l’occurrence, la décision repose sur la conviction que dans un secteur aéronautique en voie de consolidation, le destin se limite à “absorber ou être absorbé”. “Cette acquisition va consolider l’emploi à Gosselies, affirme Bernard Delvaux. Le centre de décision reste ici, c’est crucial pour une région qui n’est pas hyper-compétitive sur le plan salarial. Cela nous apportera la possibilité de saturer nos outils à Gosselies, en étendant l’éventail des clients.” On songe par exemple à la production de pièces en titane en impression 3D, pour laquelle la Sonaca s’est alliée au groupe Michelin. Dans la même optique, on saluera les diverses acquisitions opérées par CMI (le groupe d’ingénierie qui cultive l’héritage de John Cockerill), qui lorgne actuellement Renault Trucks Defense pour un deal qui se compterait également en centaines de millions d’euros. Ou le groupe Spadel qui a signé en décembre dernier un accord en vue d’obtenir une participation majoritaire dans la société Devin, leader du marché des eaux embouteillées en Bulgarie “Par le passé, il y a peut-être eu une certaine frilosité face aux développements internationaux, conclut Bernard Delvaux. Ça limite les ambitions et à terme met en péril le maintien des centres de décision. Aujourd’hui, je crois que tout le monde a compris la nécessité de préserver un tissu industriel.”

Belourthe fait la nique aux multinationales

Vincent Crahay.
Vincent Crahay.© BELGAIMAGE

Marre de ces groupes mondiaux qui délocalisent ? Jetez donc un oeil sur l’aventure de Belourthe. En 2006, Nestlé ferme son usine de production d’aliments pour bébé à Hamoir (sud de la province de Liège) pour s’en aller profiter de la main- d’oeuvre à moindre coût en Chine. On peut pleurer et négocier des primes de départ ou des prépensions. On peut aussi se retrousser les manches et tenter l’impossible. C’est ce qu’a fait le directeur de l’usine, Vincent Crahay, en rachetant l’outil via un management buy out. “Personne n’y croyait, se souvient-il. Certains travailleurs ont même refusé de rester.” Il est reparti avec 27 personnes sur 140. Dix ans plus tard, Belourthe emploie une centaine de personnes et réalise un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros. Elle a été sacrée “Entreprise de l’année” en 2014.

Vincent Crahay ne s’arrête pas là. Il a racheté l’entreprise Oufti, en situation délicate, et qui repart avec de nouveaux produits comme des crêpes fourrées au jambon et au fromage de Chimay. “Il faut se diversifier, insiste-t-il. Dans un monde qui change très vite, avoir plusieurs cordes à son arc aide à amortir les chocs. La réactivité est un atout pour les PME. Cela implique certes des prises de risques. Mais si un projet sur cinq aboutit, ça nous permet d’avancer.” Ces produits alimentaires permettent aussi à Belourthe de mettre un pied dans les enseignes belges, qui, hormis les magasins biologiques, réservent encore leurs rayons d’aliments pour bébé aux multinationales. Nul n’est prophète en son pays : Belourthe vit grâce à l’exportation dans près de 70 pays, de l’Australie à l’Espagne en passant par l’Iran. “Il y a 10 ans, on me prenait pour un fou, conclut Vincent Crahay. Aujourd’hui, je vois que les technologies permettent à celui qui a une bonne idée de lancer son entreprise avec une ou deux personnes. Mais d’un autre côté, l’administration tend à décourager les jeunes entrepreneurs. Vous n’imaginez pas le nombre de contrôles fiscaux, sociaux, sanitaires et environnementaux que nous subissons.”

Celyad emmène les biotechs wallonnes sur le Nasdaq
Christian Homsy.
Christian Homsy.© PG

“Moi, je n’ai aucune honte à dire que j’aimerais que Celyad soit le prochain Amgen ou Celgene. Les Belges sont en général d’un tempérament plutôt humble et manquent parfois d’ambition. Si vous vous dites que votre marché, c’est la Wallonie, une chose est sûre : vous n’irez jamais au-delà. Il faut voir grand.” Christian Homsy, CEO de Celyad, sait de quoi il parle. Son entreprise est cotée sur le Nasdaq, a racheté une société américaine pour s’ouvrir à l’oncologie et noué un partenariat avec Ono Pharmaceutical pour se développer au Japon. “Nous sommes sur des marchés mondiaux, rien ne nous empêche en tant que Belges d’aller aux Etats-Unis, poursuit-il. Mais il ne faut pas y aller trop tôt non plus. Il faut atteindre une certaine maturité pour convaincre les investisseurs. Quand vous avez cette maturité, l’international devient indispensable.”

Le manque de support capitalistique de grande taille est, selon lui, l’une des lacunes de la Belgique. L’autre demeure “la barrière de l’esprit” entre l’université et l’entreprise. “Elle est moins nette qu’avant mais cela reste frappant par rapport aux Etats-Unis, assure Christian Homsy. Le passage du projet académique au statut d’entreprise demeure encore délicat.” La plupart des biotechs prometteuses (Bone Therapeutics, Novadip, Trasis, KitoZyme, etc.) sont des spin-off universitaires. Celyad a adopté un mode de vie particulier. Bien que lui-même médecin, Christian Homsy n’a pas bâti sa société sur ses propres recherches mais sur l’achat et le développement de recherches des autres, en l’occurrence de deux projets américains. “Moins de 1 % des projets de recherche fondamentale aboutissent à la mise sur le marché d’un produit, explique-t-il. Les universités sont mieux équipées que nous pour cela. En revanche, nous avons des compétences de développement.” Membre du CA du pôle de compétitivité Biowin, il n’exclut pas d’un jour mettre ses compétences au service d’une recherche menée en Wallonie. “Les travaux y sont d’excellente qualité, nous n’avons vraiment à rougir de personne”, conclut Christian Homsy.

Héliotronic exporte “La trêve”

Anthony Rey.
Anthony Rey.© PG

L’inspecteur Peeters sévit aujourd’hui dans une vingtaine de pays. De la Suisse aux Etats-Unis, en passant par la Pologne et le Canada, l’anti-héros de La Trêve a définitivement placé la Fédération Wallonie-Bruxelles sur la carte mondiale des séries télévisées. Tout comme sa “cousine” Ennemi Public diffusée avec succès sur TF1, cette série 100 % belge marque un véritable tournant dans l’histoire de la production audiovisuelle locale. “Grâce au Fonds pour les séries belges lancé par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la RTBF, on a pu vraiment mettre en avant nos comédiens et nos régions en créant une vraie industrie audiovisuelle, explique Anthony Rey, fondateur de la société Hélicotronc qui a produit La Trêve. On a eu une vraie liberté créative qui nous a permis de réaliser une série policière, un peu noire, qui se passe en Wallonie, loin de tout ce qu’on avait pu voir avant sur nos écrans”.

Saluées par la critique, Ennemi Public et La Trêve ont non seulement réalisé de très bons scores d’audience, mais ont surtout tapé dans l’oeil des acheteurs étrangers (et même de la VRT, une première dans le paysage audiovisuel belge ! ). Tandis que la première série passait en prime time sur la chaîne privée française, le géant Netflix achetait les droits de la seconde à l’international. “Aujourd’hui, La Trêve a déjà conquis près de 30 pays, poursuit le producteur Anthony Rey et nous allons débuter le tournage de la deuxième saison en mai, avec un intérêt soutenu des chaînes étrangères qui ont déjà diffusé les premiers épisodes.”

De 2,5 millions d’euros prévus pour la saison 1, le budget de production de La Trêve passera à 4,3 millions pour ce nouvel opus de 10 épisodes qui seront diffusés sur la RTBF en 2018 avant de partir à l’exportation. D’autres séries made in Belgium devraient ensuite lui emboîter le pas puisque 17 projets sont actuellement en développement dans le cadre du Fonds pour les séries belges de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

F.B.

Génération W ou la fierté des chefs et des prodcuteurs wallons

Sang-Hoon Degeimbre.
Sang-Hoon Degeimbre.© BELGAIMAGE

Fin 2012, Sang-Hoon Degeimbre, le chef bi-étoilé de l’Air du Temps à Liernu, lançait avec une petite dizaine de ses copains chefs étoilés (Pierre Résimont, Arabelle Meirlaen, les frères Thomaes, Maxime Collard, etc.) Génération W, une petite ASBL destinée à promouvoir la qualité de notre gastronomie mais aussi des producteurs et artisans wallons. Quatre ans plus tard, 22 chefs et une centaine de producteurs évoluent désormais sous la bannière Génération W.

“L’idée de base est d’abord de rendre le Wallon fier de ses produits, explique Sang-Hoon Degeimbre. Nous sommes trop discrets et sans doute trop ouverts aux influences extérieures. Il faut marquer notre identité et donner la priorité à nos producteurs locaux et à leurs produits de qualité. La Wallonie fait des choses remarquables et cela doit se savoir. Génération W a pour but de redynamiser cette fierté et de communiquer sur nos valeurs et notre terroir. Ce n’est pas un label de qualité, ce n’est pas le but. Mais chaque chef adoube cinq producteurs avec qui il travaille et qui répondent à ses valeurs. Notamment en termes de santé. Avec quatre années de recul, je constate que notre démarche fait parler d’elle. Mes collègues chefs européens sont très intéressés. Ils nous prennent en exemple. Cela aussi nous rend très fiers.” Les trois premiers jours de juillet, les Wallons pourront découvrir la galaxie Génération W à l’occasion du premier Wallonie Food Festival organisé à Namur. “En marge du festival, des chefs européens viendront parler aux professionnels wallons de l’aspect humain de la cuisine, poursuit Sang-Hoon Degeimbre. J’ai l’ambition de lancer avec la Wallonie l’ère de l’émotion en cuisine. Venir au restaurant, c’est une expérience totale. Le Wallon est convivial et accueillant. Nous avons tout le talent nécessaire pour être les fers de lance de cette ère de l’émotion.”

X.B.

Odoo: perle wallonne du numérique

Fabien Pinckaers.
Fabien Pinckaers.© BELGAIMAGE

Dans le secteur du numérique, la Wallonie cherche encore ses nouvelles stars. Et pourtant, elle ne manque pas de pépites. Parmi elles, la firme Odoo, anciennement connue sous le nom d’OpenERP, fondée par Fabien Pinckaers. Fondée en 2004, la société qui propose une suite d’applis de gestion, a d’ores et déjà réalisé un parcours étonnant qui devrait inspirer pas mal d’entrepreneurs de Digital Wallonia, la stratégie numérique du gouvernement wallon. Et pour cause, elle emploie pas moins de 300 personnes réparties en Belgique, en Inde, à Hong Kong ou aux Etats-Unis.

Selon son CEO, Odoo a enregistré l’an passé une croissance de 60 %, portant son chiffre d’affaires à 13,6 millions d’euros pour un bénéfice de 1,4 million d’euros. Une solide prouesse car, l’année d’avant, ses comptes affichaient une perte de plus de 500.000 euros. Ce qui explique ce retournement de situation ? Une réduction des frais et une évolution du business model. “Notre spécificité a toujours été de proposer des solutions open source, explique Fabien Pinckaers. Mais nous avons commencé à proposer des applis payantes en complément.” Une stratégie rendue possible grâce à sa levée de fonds de 10 millions en 2014 qui lui a permis d’investir avant de retrouver des comptes dans le vert. Et d’enregistrer une nette croissance qui devrait continuer. Fabien Pinckaers s’attend à continuer sa croissance sur ce rythme de 60 % (“on n’est est qu’au tout début !”) et engagera, cette année, 150 personnes. C’est que le marché des logiciels de gestion pour les entreprises est gigantesque et Odoo propose des solutions accessibles, comparé aux géants du secteur, que la start-up belge continuera d’affronter depuis sa Wallonie natale. “Nous avons, chez nous, un niveau de compétence élevé dont le coût n’est pas aussi élevé qu’à San Francisco. C’est un atout majeur. Dans notre domaine, il est même facile de recruter. Et notre centre de décision restera ici.”

C. Ch.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content