Ces applis qui espionnent les automobilistes

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Aide à la conduite, déclaration d’accident électronique, etc. Les assureurs passent aussi au numérique. Objectif? Fidéliser le client sur un marché où la concurrence gagne chaque jour en importance, dopée par l’essor des services financiers mobiles.

Les banquiers ne sont pas les seuls à jouer leur carte dans le numérique. Dans cette industrie des services financiers en pleine mutation, les assureurs aussi s’adaptent aux attentes des clients en matière de services digitaux. A commencer par tout ce qui touche à l’assurance auto. Exemple ? En cas d’accident, si vous êtes assuré chez Ethias, il est possible d’envoyer sa déclaration au moyen de son smartphone. Il suffit de prendre une photo des dégâts et de les envoyer au moyen de l’application Auto 24/7 conçue par l’assureur liégeois.

24 h sur 24, 7 jours sur 7

Depuis son lancement début 2013, Auto 24/7 a été téléchargée plus de 19.000 fois, soit environ 1.000 téléchargements par mois. Près de 1.000 messages ont été envoyés par son biais, dont 600 déclarations de sinistre auto. Avantage par rapport à ce qui se fait d’habitude ? Il est possible de faire une déclaration 24 h sur 24, 7 jours sur 7. L’assuré peut non seulement transmettre à Ethias la version électronique de sa déclaration, mais aussi des photos du lieu de l’accident, des dégâts et du constat européen d’accident complété. Toutes les données disponibles de l’assuré sont alors automatiquement réceptionnées par la compagnie. Son service d’assistance dispose ainsi rapidement des informations importantes (nom, prénom, plaque d’immatriculation, numéro de contrat, etc.). Par ailleurs, le service de localisation intégré dans l’application permet de déterminer automatiquement la position de la voiture lors d’une déclaration de sinistre.

Dans le même genre, l’application eCar de Belfius propose de déclarer soi-même n’importe quel dommage auto : collision, bris de vitres, panne, vol ou effraction. Mais aussi de retrouver sa voiture si on ne sait plus où on l’a garée, de contrôler sa consommation ou de surveiller l’heure de son parcmètre pour l’alimenter à temps.

Autre marque du groupe Belfius, Les AP Assurances (DVV au nord du pays) proposent les mêmes fonctionnalités avec la Mobility App. D’ici quelques semaines, cette dernière intégrera en outre les services de Carglass et d’Autoglass Clinic. Quant au groupe AXA, autre ténor du secteur de l’assurance en Belgique, il propose le même type d’aide aux automobilistes avec AXA Services. L’application permet non seulement d’envoyer un dossier digital à son courtier mais fonctionne aussi pour les sinistres concernant l’habitation.

Moins de papier

Pas de doute : ces quelques exemples témoignent bien du fait que le numérique est de plus en plus présent dans le business de l’assurance auto. Il faut dire que faciliter la vie des automobilistes en les aidant à remplir leur constat d’accident n’est pas seulement un plus pour les assurés. C’est aussi tout bénéfice pour la compagnie. “Déclarer un accident de voiture au départ de son smartphone est probablement synonyme de moins de papier et de plus d’efficacité pour la compagnie”, avance Alexandra Brevi, managing director chez Tapptic, PME spécialisée dans la stratégie mobile et la conception d’applications mobiles.

Très concrètement, la retranscription des informations collectées ainsi par le biais du smartphone n’est plus nécessaire. On évite les erreurs. Résultat, “cela permet d’automatiser la gestion des sinistres, en tout cas en partie, et donc de gagner du temps, ajoute Alexandra Brevi. Les dossiers entrent directement dans le flux informatique de la compagnie. Leur traitement est plus rapide.” Jusqu’à l’arrivée de l’expert, bien sûr, si son intervention est nécessaire. “Oui, mais là aussi on peut imaginer que la technologie mobile puisse jouer un rôle, complète la spécialiste de Tapptic. Avec des Google Glass, il est par exemple possible de prendre des photos ou consulter un dossier tout en ayant les mains libres pour analyser la situation sur le terrain.”

Argument marketing

Attention tout de même : car d’un point de vue juridique, le constat digital ne remplace pas le constat papier. “Un constat d’accident bien rédigé reste un élément de preuve incontournable en justice, souligne à cet égard Benoit Rigo, porte-parole chez Ethias. Il reste la pièce maîtresse en cas de contestation. Surtout si un tiers est impliqué dans l’accident et que celui-ci n’est pas fiable ou de mauvaise composition.” Confirmation de cette subtilité chez AXA Belgium où la porte-parole Valentine Vaquette nous précise que “la pré-déclaration d’un sinistre (photos, description, etc.) qui est envoyée au courtier ne remplace pas la déclaration du sinistre.” Mais rien ne dit que cela ne sera pas le cas un jour. Et peut-être plus vite qu’on ne l’imagine.

En attendant, poursuit Alexandra Brevi, “le fait de mettre à disposition des clients des outils utiles et utilisables régulièrement par les automobilistes permet aux assureurs de faire oublier cette connotation négative qu’ils ont auprès de ceux-ci au profit d’une image de bon père de famille qui veille sur eux, en étant là pas uniquement dans les mauvais moments, c’est-à-dire lors d’un sinistre. C’est un bon moyen de fidéliser le client à l’heure où il compare de plus en plus les tarifs, y compris pour ses assurances.”

L’exemple d’AXA Drive

Très actif en matière de technologie mobile, le groupe AXA ne s’arrête d’ailleurs pas à cet argument marketing. L’assureur français va en effet encore plus loin avec AXA Drive. De quoi s’agit-il ? D’une application qui évalue les talents du conducteur. Couplée au capteur GPS de votre smartphone, AXA Drive analyse votre conduite en collectant diverses données (date et heure, virages, freinages, accélérations, distance parcourue). Adoptez-vous la bonne vitesse dans les virages ? Freine-vous trop brutalement ? Roulez-vous à la bonne allure ? Etc. Il est possible d’analyser et de mieux comprendre sa conduite grâce à des statistiques et une carte détaillée.

Développée dans un esprit ludique, AXA Drive attribue également un score pour chaque trajet. Les points peuvent être échangés entre utilisateurs via les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Google Plus, WhatsApp, etc.), afin de se comparer avec d’autres utilisateurs de l’application. De quoi motiver ces derniers à toujours faire mieux et à continuellement améliorer leur conduite. C’est que “la tendance est la responsabilisation des conducteurs, surtout les plus jeunes, souligne Alexandra Brevi. La compagnie vous donne les outils pour apprendre à rouler de manière plus efficace. A vous de devenir responsable et d’adapter votre style de conduite pour diminuer non seulement les dangers mais aussi les coûts liés à votre prime d’assurance”. Résultat ? Lancée chez nous en 2013, AXA Drive totalise pour le moment 63.000 téléchargements.

Récompenser le conducteur sérieux

Dans un registre un peu différent, l’assureur allemand Allianz et le groupe néerlandais de solutions de navigation Tom Tom se sont associés en France pour mettre au point un système de conduite connectée. Grâce à un petit boîtier qui récupère et analyse toutes sortes de données liées à la conduite, l’assuré voit s’ouvrir un avenir prometteur. Un avenir où il pourra à terme payer moins cher son assurance s’il ne se comporte pas comme un chauffard. Y compris chez nous ? Ce n’est pas exclu. Même si cela n’est visiblement pas pour le moment dans les cartons des assureurs interrogés pour le besoin de cet article, il serait étonnant de ne pas voir arriver prochainement ce genre d’innovation en Belgique, estime Alexandra Brevi. “Les assureurs sont soumis à de plus en plus de concurrence de la part des consommateurs, soutient-elle. Les produits d’assurances sont devenus des commodités dont on n’hésite plus à comparer les prix, comme on le fait déjà pour bon nombre de produits bancaires. Tarifs adaptés et profiling peuvent constituer une réponse efficace à ce shopping des clients.”

Sans aller jusque-là, le groupe AXA se dit néanmoins très attentif à la manière dont évolue le secteur en matière de technologie mobile. “Des offres télématiques existent déjà dans quatre pays en Europe (Italie, Royaume-Uni, Suisse, Irlande), générant plus de 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, nous explique Valentine Vaquette. De nouvelles offres devraient être lancées d’ici la fin de cette année en France et en Espagne. Il n’y a aucune raison que la Belgique échappe à cette tendance de fond et il est vraisemblable que les offres télématiques, avec tout le potentiel de services qu’elles peuvent offrir au consommateur, complémenteront les offres d’assurance auto traditionnelles à moyen terme sur l’ensemble des marchés européens.”

Copier les banquiers

Il est une dernière raison pour lesquelles les assureurs ont tout intérêt à jouer la carte de la technologie mobile : la concurrence des banquiers. “Ces derniers ont un gros avantage sur les assureurs, explique Alexandra Brevi. De manière systématique, les clients consultent leurs comptes tous les jours. Par contre, on ne consulte généralement jamais ses contrats d’assurance en dehors des moments où survient un sinistre, soit en moyenne une fois tous les sept ans. Une application qui sert uniquement pour la déclaration de sinistres ne permet donc pas de rester en contact avec le consommateur.” D’autant plus embêtant que certains de ces mêmes banquiers n’hésitent pas à faire la promotion de produits d’assurance au sein même de leurs applications mobiles. C’est par exemple le cas chez ING qui propose pour le moment une assurance voyage.

En résumé, les applications mobiles sont une opportunité pour les assureurs de rappeler aux consommateurs qu’ils existent. Ils peuvent le faire de différentes manières : en mettant à disposition des applications ludiques (ce que les professionnels du secteur appellent plus communément la gamification) ou des applications utilitaires, avec des informations pertinentes (conseils, etc.) et surtout utilisées à d’autres moments qu’à la déclaration d’un sinistre. En d’autres mots, les applications mobiles offrent aux assureurs la possibilité de faire du branding, de fidéliser leurs clients et, éventuellement, de collecter des données sur eux.

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