Ce que Renault gagne à s’allier avec Daimler

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Sans surprise le conseil d’administration de Renault s’est déclaré mardi favorable à une alliance avec Daimler. Ce partenariat, avant tout souhaité par le constructeur allemand, est en effet aussi très favorable au français.

Des économies d’échelle

Ce n’est pas un scoop. Renault cherche à vendre plus, sans pour autant dépenser plus. Le groupe, très endetté, ne peut en effet se permettre d’investir pour grossir. Une alliance avec le groupe allemand offre donc une véritable opportunité pour le français qui devrait pouvoir augmenter ses volumes de production tout en réduisant ses coûts. Comment ? Concrètement il s’agirait de partager des composants entre les modèles Renault, les remplaçantes des Mercedes Classe A et B ainsi que la future Smart, et même de créer une plate-forme commune aux deux constructeurs pour les petits modèles. Cette plateforme pourrait être utilisée par Mercedes pour les futures Smart et par Renault pour la troisième génération de la Twingo, avec des volumes à terme de plus de 350.000 unités par an.

Par ailleurs, les deux constructeurs pourraient procéder à des investissements communs notamment dans les moteurs. Renault fournirait certains de ses moteurs à Daimler, et les deux groupes développeraient ensemble de nouvelles générations de moteurs essence et diesel répondant aux futures normes d’émissions.

Dernier volet de la coopération : les petits utilitaires. Un domaine où les partenariats sont déjà la norme en Europe, pour atteindre des économies d’échelle. Cette fois, Renault pourrait apporter la plate-forme de son futur Kangoo, qui servirait de base au remplaçant du Mercedes Viano.

De nouvelles technologies

L’échange de technologies est a priori nettement plus favorable à Daimler qui pourra profiter de l’avance de Renault-Nissan dans les voitures électriques, et qui manque de l’expérience et de la taille critique pour développer des petites voitures peu émettrices de CO2. Néanmoins, le français aussi pourrait profiter de certaines technologies de son partenaire, comme la technologie hybride qui lui fait défaut, ou encore les motorisations diesel.

Une belle image

Renault au secours de Daimler, c’est une belle revanche pour l’industrie automobile française. Pour la première fois en effet, c’est un constructeur allemand et non l’inverse qui courtise un concurrent hexagonal. Et pas le moins réputé. Parée d’une notoriété certaine, la marque Mercedes devrait pouvoir redorer aux yeux des consommateurs le blason de Renault. Un tel rapprochement avec l’un des ténors mondiaux du haut de gamme promet donc d’être bénéfique pour l’image de Renault, plus connu pour sa compétence en matière de petits modèles et de moteurs de faible cylindrée. A terme, Renault aimerait d’ailleurs, selon certaines sources, élargir ce partenariat stratégique avec Daimler, pour qu’il porte également sur les moteurs de voitures de luxe. Un marché sur lequel le groupe français et son partenaire Nissan peinent à s’établir.

Des créations d’emplois ?

Selon des sources proches du dossier citées par les Echos, l’accord devrait représenter le maintien de “quelques milliers d’emplois” dans ses usines en France – dont celles de Cléon et Maubeuge -, en Espagne, en Slovénie, voire en Roumanie. Le groupe qui a supprimé des milliers d’emplois pendant la crise pourrait donc se rattraper avec cette nouvelle alliance. Ou, du moins, ne pas supprimer davantage de postes. “De fait, si les usines françaises produisent des moteurs pour Daimler, cela ne peut-être que favorable à l’emploi”, estime Gaëtan Toulemonde analyste du secteur automobile à la Deutsche Bank. C’est en tous cas le souhait, voire la condition que l’Etat, premier actionnaire du groupe, avec 15% du capital, a mis à cette alliance. “Sur l’éventuelle alliance avec Daimler, nous avons deux exigences : l’Etat sera vigilant à l’impact sur l’emploi en France qui devra être positif (…) et l’Etat doit rester le premier actionnaire de Renault”, a déclaré Christian Estrosi, le ministre de l’industrie, en marge des négociations.

Une ouverture au marché allemand ?

S’allier avec un allemand permettra-t-il à Renault de gagner des parts de marchés en Allemagne ? Rien n’est moins sûr. Aujourd’hui l’accord de participations croisées reste faible -de 3%- et les deux groupes ne coopéreront que sur quelques sujets bien définis. Si économies d’échelles il y a, les raisons de gagner des parts de marchés en Allemagne sont donc plutôt faibles. “Pour ce faire, il faudrait que les clients de Daimler associent Renault au constructeur allemand lorsqu’ils achètent leur second véhicule de petite taille. Cela est très peu probable”, explique Gaëtan Toulemonde. Avant d’ajouter “Preuve que les perspectives de cette alliance sont finalement assez faibles, les cours de bourse n’ont pas bondi juste après l’annonce “. Ce soir à la clôture de la bourse de Paris, l’action Renault prenait 3,86% dans un marché en hausse de 0,49%.

Un pacs avant le mariage ?

Il ne l’a jamais vraiment caché. Carlos Ghosn, le PDG du groupe français est depuis longtemps en quête d’un troisième partenaire à son alliance avec le japonais Nissan. Avec cette prise de participation de 3% du capital de Daimler, certains y voient donc les premiers signes d’un partenariat capitalistique plus solide. Pour l’heure, ce scénario paraît pourtant bien peu crédible. Daimler, qui sort de deux divorces douloureux -Mitsubishi et Chrysler- n’est probablement pas prêt à se relancer dans l’aventure de sitôt. Quant à Renault, il n’aurait certainement les moyens d’un tel rapprochement. L’écart de valorisation entre les deux groupes (9,7 milliards d’euros pour le français et 37 milliards pour l’allemand au cours actuel) coûterait bien trop cher au groupe français, déjà très endetté. Néanmoins, il est sûr qu’une alliance capitalistique est plus forte symboliquement qu’un simple partenariat stratégique. “En ce sens on peut valablement imaginer que les directions des deux groupes ont envie d’apprendre à mieux se connaître pour éventuellement aller plus loin dans leur coopération. En interne comme en externe le message est clair”, estime Gaëtan Toulemonde. Et qui dit fiançailles réussies…

Julie de la Brosse, L’Expansion.com

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