Carrefour va supprimer 2.400 emplois en France, “suspense malsain” en Belgique

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Le groupe de distribution Carrefour a annoncé mardi un vaste plan de transformation “Carrefour 2022” passant notamment par 2.400 suppressions de postes au sein de ses sièges en France ainsi que par une rationalisation des implantations “de ses sièges dans l’ensemble de ses pays”.

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Carrefour n’a toutefois pas précisé les conséquences qu’une telle rationalisation pourrait avoir en Belgique. On sait qu’un conseil d’entreprise est prévu ce jeudi à 14h30 au siège de Carrefour Belgique à Evere.

En France, 2.400 suppressions de poste sont annoncées sur un effectif total de 10.500 salariés dans les sièges, via un plan de départs volontaires. “Il n’y aura pas de départs contraints”, a assuré le PDG de Carrefour, Alexandre Bompard.

Afin “de gagner en productivité et en compétitivité”, l’enseigne annonce également une réduction des coûts de 2 milliards d’euros dès 2020 “en année pleine”. “Notre structure de coûts est intenable sur le long terme et sur le court terme, elle nous empêche de nous adapter”, a justifié le dirigeant, évoquant des réduction de coûts logistiques ou de structure.

Parallèlement, une enveloppe annuelle d’investissements de 2 milliards d’euros est prévue dès 2018. “Le bon niveau d’investissements”, selon Alexandre Bompard.

Au niveau immobilier, Carrefour veut céder dans les trois prochaines années 500 millions d’euros “d’actifs non stratégiques”.

S’agissant de ses magasins, Carrefour veut “améliorer” l’efficacité de ses hypermarchés le cas échéant en adaptant leur surface ou en “passant cinq magasins en location-gérance” en France. Aucune fermeture d’hyper n’est prévue dans l’Hexagone mais bien une réduction de leur surface d’au moins 100.000 mètres carrés d’ici 2020. Par contre, le groupe projette “de sortir 273 magasins ex-DIA de son périmètre”. Des repreneurs seront recherchés pour ces magasins “en grande difficulté” qui, à défaut, seront fermés.

“Pour construire le modèle de demain”, l’enseigne investira 2,8 milliards d’euros sur cinq ans, “soit six fois plus que les investissements actuellement consentis” et ce, afin de “changer de dimension sur le numérique et l’omnicanal”. Carrefour se fixe pour ambition de devenir un acteur incontournable de l’e-commerce alimentaire, avec 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et une part de marché de l’e-commerce alimentaire supérieure à 20% en France d’ici 2022.

L’ambition du groupe porte également sur les produits frais traditionnels et sur les produits bio pour lesquels il veut passer de 1,3 à 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2022.

Carrefour mise en outre sur les “supermarchés et magasins de proximité”. Au moins 2.000 magasins de proximité seront ainsi ouverts dans les cinq prochaines années alors que le groupe entend investir “fortement les grandes métropoles européennes”.

Le plan présenté mardi est une “véritable refondation de notre modèle”, a résumé Alexandre Bompard.

L’annonce du plan de transformation a été bien reçue par les marchés: l’action Carrefour s’adjugeait plus de 4% dans les premiers échanges à la Bourse de Paris.

Le groupe Carrefour emploie plus de 380.000 collaborateurs dans le monde, dont environ 115.000 en France et 11.500 personnes en Belgique (siège d’Evere, environ 85 magasins en gestion propre et services d’appui). Dans notre pays, Carrefour comptait fin 2016 45 hypermarchés, 442 supermarchés et 285 magasins de proximité, soit un total de 772 magasins dont une grande majorité est donc exploitée en franchise. En 2017, les ventes de l’enseigne française en Belgique se sont chiffrées à 4,375 milliards d’euros (+0,3% en comparable).

En Belgique, “tous les doutes restent permis”

“Le suspense malsain et tous les doutes restent permis en Belgique. C’est franchement dérangeant”, réagit mardi matin Myriam Delmée, vice-présidente du Setca, à la suite de la présentation du plan de transformation de Carrefour. “Pas un mot sur les pays historiques du groupe comme l’Italie, la Belgique et l’Espagne”, déplore Myriam Delmée.

“Les craintes de surpressions d’emplois au siège existent depuis longtemps”, souligne Delphine Latawiec, de la CNE Commerce. “Si on parle de rationalisation, cela peut se répercuter sur les coûts ou les effectifs. En Belgique, les rumeurs se focalisent sur les effectifs.” Les répercussions de ce plan “Carrefour 2022” restent difficiles à prédire. “Les symptômes ne sont pas identiques en France et en Belgique. Il faut donc voir si les médicaments vont l’être. (…) Tant mieux pour la France si aucune fermeture n’est prévue mais espérons qu’il en soit de même chez nous”, conclut-elle.

“Tous les doutes restent permis. Les inquiétudes se situent à tous les niveaux”, estime Myriam Delmée. “La rationalisation des sièges pourrait avoir un impact direct en Belgique, de même que les partenariats externes”, poursuit la vice-présidente du Setca.

Myriam Delmée revient également sur le souhait de Carrefour de trouver des repreneurs pour certains magasins ex-DIA en France, qui sont “en grande difficulté”, selon le groupe. “A défaut, ils seront fermés. On peut donc imaginer des coupes aussi en Belgique pour les parts les moins performantes. (…) Il y a chez Carrefour une ‘tradition de restructuration’, entraînant à chaque fois des chocs et des dégâts sociaux importants. Et on ne peut pas s’empêcher de penser que de tels scénarios pourraient se reproduire en tout ou en partie”, conclut-elle.

“Jusqu’à présent, rien n’est clair. Cela peut encore aller dans tous les sens”, réagit de son côté Tom Van Droogenbroeck, responsable national pour le commerce à la CGSLB. Ce dernier regrette par ailleurs que les travailleurs belges doivent encore attendre deux jours avant d’être fixés. “Pour l’instant, Carrefour ne parle que de chiffres pour la France. Mais cela veut-il dire que c’est une bonne nouvelle pour la Belgique, ou que les mauvaises doivent encore arriver?”

Le syndicat libéral espère en tout cas que les changements porteront davantage sur le modèle organisationnel du groupe et que le personnel ne sera, cette fois, “pas la victime”, de nombreux magasins étant déjà en sous-effectif. “Si les magasins veulent développer d’autres points forts que le commerce par internet, alors la présence d’un personnel qui peut venir en aide aux clients est absolument indispensable.”

Lors de la précédente restructuration, il y a sept ans, le groupe avait supprimé en Belgique 1.700 emplois dans 14 magasins.

Un conseil d’entreprise est prévu ce jeudi à 14h30 au siège à Evere, qui emploie 800 personnes.

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