Trends Tendances

“Brexit or not brexit, that’s not the question”

Si l’accord que David Cameron a obtenu à Bruxelles au terme d’un sommet-marathon de deux jours ne changera pas fondamentalement les relations entretenues entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, le processus lui-même aura des effets à long terme sur les deux protagonistes de cette pièce qui – trop souvent quand il s’agit d’Europe – n’a pas fait vibrer grand monde.

A la base, Cameron était en position de faiblesse. Menacé électoralement par le parti eurosceptique UKIP, il avait choisi de conditionner, en 2015, sa réélection à l’organisation d’un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l’Union. Et pour s’assurer une majorité de ” oui “, il s’était engagé à négocier avec l’Europe une réforme portant sur quatre volets : la gouvernance économique, la souveraineté, la compétitivité et l’immigration. Venant donc mendier à Bruxelles un accord qu’aucun autre membre n’avait sollicité, il est pourtant curieusement sorti victorieux de l’opération – enfin, tout est relatif. Car oui, Cameron a obtenu de ne pas être solidaire du sauvetage éventuel d’un pays de l’Eurozone (qui oserait s’en offusquer ? ) et la garantie que la Banque d’Angleterre resterait responsable, dans le cadre européen, de la stabilité économique britannique ; il a obtenu de ne pas devoir s’impliquer dans le resserrement de l’Union politique mais s’engage par contre à pleinement mettre en oeuvre et à renforcer le marché unique ; et enfin, sur le volet ô combien sensible de l’immigration, il a obtenu de pouvoir indexer les allocations familiales accordées aux travailleurs immigrés au niveau de vie du pays de résidence des enfants concernés et de pouvoir réduire leurs prestations sociales pendant quatre ans, le mécanisme ayant une durée de vie de sept ans maximum à partir de son entrée en vigueur.

Que la Grande-Bretagne quitte ou non l’Union européenne, ce qui importe désormais, c’est la fissure créée entre les pays faisant partie de l’Eurozone et ceux qui n’en font pas partie

Sur ce dernier point, notons que la victoire est surtout symbolique : non seulement la pression exercée sur les salaires britanniques par les immigrés semble être bien moindre que ce qui est largement répandu par les pourfendeurs de la libre circulation des travailleurs, mais en outre, les chances de voir ce safeguard mechanism porter ses fruits sont faibles. Car si les Européens affluent vers la Grande-Bretagne, c’est probablement parce qu’ils y trouvent du travail – le taux de chômage britannique, à peine plus de 5 %, est l’un des plus faibles de l’Union – pas parce qu’ils touchent des aides.

Par ailleurs, s’il a obtenu l’essentiel de ce qu’il revendiquait pour la compétitivité de ses entreprises, notamment celles de la City qui pourront poursuivre sans discrimination leurs activités libellées en euros, David Cameron, même s’il parvient à arracher le ” oui ” en juin, devra sans doute accepter en contrepartie de perdre un peu de son influence dans les discussions concernant le secteur financier européen.

Finalement, que la Grande-Bretagne quitte ou non l’Union européenne, ce qui importe désormais, c’est la fissure créée entre les pays faisant partie de l’Eurozone et les autres. Et cette fissure officialise deux choses cruciales pour le futur de l’Europe : l’acceptation du principe d’une Europe à deux vitesses et la priorité mise à l’intégration de l’union monétaire. Ce qui est une excellente chose.

Le Brexit n’en reste pas moins un scénario épineux, dont le coût sera vraisemblablement colossal et la mise en oeuvre semée d’embûches. Dire que ce n’est pas la question relève donc plutôt de la provocation. Mais en la matière, la palme revient à David Cameron. Et rien ne dit que ce qu’il a provoqué ne se retournera finalement pas contre lui.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content