Bpost : “La Commission ne rend service qu’aux actionnaires !”

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La Commission européenne oblige Bpost à rembourser 417 millions d’euros à l’Etat belge. Bonne nouvelle par rapport au montant craint initialement (jusqu’à 1 milliard)… mais très mauvaise pour le service public, dénoncent certains.

La Commission européenne a ordonné mercredi le recouvrement de 417 millions d’euros octroyés par l’Etat belge à Bpost, en violation des règles communautaires. Ce montant a été calculé sur base des dotations annuelles versées à l’opérateur postal entre 1992 et 2010 pour ses missions de service public.

La Commission estime que Bpost a été partiellement surcompensé pour les tâches que lui a confiées l’Etat. Le montant à rembourser est cependant inférieur à certaines prévisions récentes, qui oscillaient entre 700 millions et 1 milliard d’euros. Bpost avait d’ailleurs provisionné des réserves importantes en préparation de la décision européenne.

La Commission a jugé en revanche qu’une aide spécifique de l’Etat pour faire face aux coûts des pensions (3,8 milliards), ainsi que deux injections de capital de 297,5 millions et de 40 millions d’euros, respectaient le droit de la concurrence.

Bpost n’est pas le seul opérateur européen visé par la Commission, qui a rendu mercredi une série de décisions concernant le secteur postal. Elle a notamment ordonné le recouvrement d’un montant compris entre 500 millions et 1 milliard d’euros octroyé par l’Allemagne à Deutsche Post.

Bpost : la levée des incertitudes permettra-t-elle l’entrée en Bourse ?

La Commission européenne peut désormais se pencher sur le contrat de gestion de Bpost pour la période 2010-2015 et les aides perçues dans ce cadre. Bpost reçoit 321 millions d’euros d’aides publiques pour des missions de service public, telles que la livraison avant 7 h 30 des journaux ou le paiement à domicile des pensions.

En décembre dernier, Johnny Thijs, CEO de Bpost, avait ainsi indiqué à Elio Di Rupo, alors “simple” formateur, que la capacité de l’entreprise à réaliser ses missions de service public se trouverait compromise si la Commission européenne l’obligeait à rembourser des centaines de millions. Il faudrait donc revoir l’actuel contrat de gestion de la société, qui remonte à 2010 et énonce les objectifs que l’Etat demande à Bpost d’atteindre, avait-il appuyé.

Les incertitudes financières liées à ces “aides” étatiques constituaient également un frein bloquant l’entrée en Bourse partielle de l’entreprise publique. L’incertitude devant être bientôt levée, et pour un montant nettement moindre que craint précédemment, cette IPO tant attendue pourrait donc bien se retrouver sur les rails.

Bpost : “Ce nouveau diktat de la Commission doit être refusé !”

“Le service public et 2.500 emplois au moins sont menacés, prévient Gérard Mugemangango, responsable Poste du PTB, sur le site du parti. Ce nouveau diktat de la Commission doit être refusé !”

Bpost accomplit de nombreuses missions de service public comme le paiement des pensions à domicile, la distribution du courrier électoral, la vente des timbres fiscaux ou la distribution des journaux, rappelle-t-il. Pour ces missions, Bpost perçoit une aide de l’Etat belge, soit un subside annuel de 321 millions. Des concurrents privés (la Poste allemande et sa filiale DHL) estiment que cela provoque une “distorsion de concurrence” et ont porté plainte auprès des instances européennes pour remettre en question ce soutien public.

“Or, là où le privé fait de la distribution, les travailleurs sont souvent payés au noir, dénonce Gérard Mugemangango sur base de témoignages recueillis chez les postiers. Certains doivent parfois commencer avant 4 h 30 du matin car, au-delà de cette heure, il y a le risque d’un contrôle de l’inspection sociale. Depuis des années, l’Union européenne impose un agenda de libéralisation du secteur. Jusqu’à présent, l’Union européenne était encore obligée d’accepter un minimum : le service universel. Sous pression des syndicats et de l’opinion publique. Mais la crise est utilisée pour faire tomber ce minimum.”

Bpost reçoit des subsides de l’Etat belge pour des prestations de service public et pour assurer un service postal les cinq jours de la semaine et sur l’ensemble du territoire, énumère le responsable du PTB : “Rien de plus normal estime Gérard Mugemangango. Nous payons des impôts pour avoir ce service. Nous ne sommes pas obligés d’accepter tous les diktats européens. En Norvège, la pression pour garantir la qualité du service et des conditions de travail humaines a permis d’obtenir un moratoire pour arrêter le processus de libéralisation.”

Un verdict limitant encore le service public est illégitime, analyse encore Gérard Mugemangango : “Sous prétexte qu’il faut sortir de la crise, la Commission prend des mesures qui étaient restées longtemps au placard, notamment se débarrasser de ce qui reste du service public. L’extrémisme de la Commission ne rend service qu’aux actionnaires privés. La grève générale du 30 janvier portera aussi cet enjeu : celui de s’opposer aux diktats de la Commission qui touchent à l’index, au budget et aux services publics.”

V.D., avec Belga

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