Boeing lorgne le fleuron brésilien Embraer

© Reuters

Les tractations dans le secteur aéronautique mondial se multiplient avec l’annonce jeudi de discussions entre les constructeurs aéronautiques américain Boeing et brésilien Embraer moins de trois mois après l’officialisation d’un partenariat entre l’européen Airbus et le canadien Bombardier.

“Boeing et Embraer confirment aujourd’hui être en discussions sur un rapprochement de leurs opérations”, ont indiqué les deux constructeurs dans un communiqué laconique diffusé en portugais puis en anglais.

“Il n’y a aucune garantie que ces discussions aboutiront à un accord”, ont toutefois pris le soin de préciser les deux parties, soulignant que “toute transaction serait soumise à l’approbation du gouvernement brésilien et de leurs autorités de régulations, ainsi que des conseils d’administration des deux entreprises et à celui des actionnaires d’Embraer”.

Cette annonce est venue confirmer une information révélée plus tôt dans la journée par le quotidien économique américain Wall Street Journal qui faisait état de discussions sur “une transaction qui pourrait représenter une prime relativement importante pour Embraer, dont la capitalisation boursière s’élevait jeudi matin à quelque 3,7 milliards de dollars”.

Le principal obstacle aux discussions est le gouvernement brésilien, qui peut s’opposer purement et simplement à une telle transaction en recourant à sa “golden share”, action préférentielle qui lui donne un droit de veto sur les décisions stratégiques où sa souveraineté est en jeu.

Selon le Folha de S. Paulo, le président brésilien Michel Temer aurait immédiatement exprimé son opposition à une quelconque prise de contrôle d’Embraer par Boeing.

“Embraer ne sera jamais vendu sous mon gouvernement”, a-t-il déclaré, selon le quotidien brésilien qui précise que ces propos auraient été tenus lors d’une réunion avec le ministre de la défense et le responsable de l’armée de l’air.

Le constructeur aéronautique Embraer, qui avait été privatisé en 1994, est l’un des joyaux du pays avec une gamme d’avions civils, militaires mais aussi de jets d’affaires. Et le secteur aéronautique demeure un secteur hautement stratégique pour un pays. Toute décision d’Embraer passe donc par le couperet de l’Etat.

Veto de l’Etat brésilien?

Selon la presse brésilienne, les responsables brésiliens ont été pris de court par les informations publiées dans le WSJ.

Le gouvernement brésilien a pourtant lancé l’an dernier un vaste programme de privatisations pour renflouer ses caisses avec notamment des concessions pour la gestion de nombreux aéroports du pays.

Du côté de Boeing, l’aboutissement de ces discussions serait bienvenu pour regagner du terrain face à son rival historique Airbus.

L’européen, qui fait déjà la course en tête sur le segment des moyen-courriers remotorisés, a en effet annoncé mi-octobre un partenariat stratégique avec le canadien Bombardier portant sur les CSeries.

Ce rapprochement avec le groupe canadien doit se faire par une prise de participation de 50,01% de l’entité qui gère le programme de l’avion CSeries (100 à 150 places).

Salvateur pour Bombardier qui se trouve dans une situation financière périlleuse, cet accord permet à Airbus une mainmise sur les CSeries (de 100 à 150 places) pour compléter le bas de sa gamme d’avions, dont la plus petite version -l’A319- est capable d’embarquer 140 passagers tout en se concentrant sur le haut de sa gamme, les avions de 180 places et au-delà.

Bombardier est toutefois dans le collimateur des autorités américaines qui ont imposé, à l’instigation de Boeing, des taxes de 300% sur les importations de CSeries aux Etats-Unis en raison des subventions publiques dont, selon Washington, aurait bénéficié cet appareil.

Dans le segment des moyen-courriers, Embraer a, lui, lancé en 2013 la famille E-Jets E2, une nouvelle génération d’appareils dont l’entrée en service est prévue à partir de 2018 et qui sont les futurs concurrents des CSeries fabriqués par Bombardier.

Un rapprochement potentiel entre Boeing et Embraer a aussitôt suscité la méfiance des syndicats du brésilien qui ont brandi la menace pesant sur 16.000 emplois.

“Le possible achat d’Embraer par Boeing (…) est rejeté”, a indiqué l’Union des travailleurs de l’acier de Sao Jose dos Campos, exhortant l’Etat à exercer son droit de véto.

Le marché a plutôt bien accueilli la nouvelle: Embraer s’est envolé à New York, où il également coté, gagnant près de 22% à 23,95 dollars.

Le titre Boeing a en revanche cédé 1,01% à 294,89 dollars.

Embraer, emblème de l’industrie brésilienne

Embraer, fleuron de l’industrie brésilienne qui pourrait passer sous contrôle de l’américain Boeing, est le troisième constructeur mondial d’avions, avec quelque 18.000 employés et près de 6 milliards de chiffre d’affaires.

L’entreprise est leader dans le segment des appareils allant jusqu’à 150 sièges, avec 30% du marché. Elle livre environ 200 avions par an, jets privés ou avions de ligne.

Embraer possède une branche Défense, avec des modèles comme le A-29 Super Tucano destiné à des missions d’attaque ou d’entraînement et le KC-390, destiné au transport militaire.

Née en tant qu’entreprise publique en 1969, elle a ensuite été privatisée en 1994, mais le gouvernement brésilien a conservé une “golden share”, action préférentielle qui lui donne un droit de veto sur les décisions stratégiques où sa souveraineté est en jeu. Le syndicat de la métallurgie lui a déjà demandé d’en faire usage.

Son siège se trouve à Sao Paulo, capitale économique du Brésil, et sa principale usine à Sao José dos Campos, à proximité. A l’étranger, Embraer possède des sites aux Etats-Unis et au Portugal.

Le principal concurrent du groupe brésilien est le canadien Bombardier, a qui il dispute la troisième place mondiale, derrière Boeing et Airbus.

Au cours des neuf premiers mois de 2017, ses revenus nets s’élevaient à 4,1 milliards de dollars, stables par rapport à la même période en 2016. De janvier à juin 2017, il a livré 78 appareils commerciaux et 59 jets privés.

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