Bientôt du gaz à tous les étages?

En Belgique, tous les industriels n’ont pas encore accès au réseau de gaz naturel. Pour leur permettre de profiter des avantages de ce combustible moins polluant et systématiquement moins cher que le pétrole depuis 2005, Fluxys joue de plus en plus la carte du GNL, le gaz naturel liquéfié.

Le GNL, ce n’est rien d’autre que du gaz naturel qui a été rendu liquide en portant sa température à -161°C. Bien qu’elle requière un savoir-faire précis et une infrastructure particulière, l’opération est intéressante. La liquéfaction permet en effet de réduire de près de 600 fois le volume du gaz naturel. Nous avons fait le calcul pour vous : 1,67 l de GNL correspond à 1 m3 ou 1.000 l de gaz naturel. Impressionnant…

L’extrême densité du GNL n’est pas son seul avantage. Bien que rangé dans la catégorie des combustibles fossiles puisque produit à partir de ressources hydrocarbonées, le GNL est incomparablement plus propre que son cousin germain le fuel lourd. “Le GNL émet jusqu’à 25 % de CO2 en moins et jusqu’à 90 % d’oxydes d’azote en moins (NOx), détaille Laurent Remy, porte-parole de Fluxys. Quant aux particules qui causent tant de soucis de santé, elles sont réduites de 99 %.” Ne parlons même pas des émissions d’oxydes de soufre (SOx) qui disparaissent quant à elles presque totalement. En comparaison avec le pétrole, le gaz séduit aussi par son prix attractif. Depuis 2005, celui-ci s’est toujours situé sous les cours du baril de brut.

Zeebrugge, porte d’entrée du nord-ouest de l’Europe

Connu pour son rôle dans la distribution de gaz en Belgique et à travers l’Europe à travers un réseau de plus en plus structuré, Fluxys est également très actif dans le GNL. L’entreprise gère en quelque sorte l’entrée du GNL dans tout le nord-ouest de l’Europe à travers son terminal de Zeebrugge et à travers les infrastructures de Dunkerque qu’elle détient à hauteur de 25 %.

“Fin 2012, le terminal de Zeebrugge a franchi une première étape dans le déploiement de cette source d’énergie en ouvrant ses infrastructures à près de 200 petits méthaniers”, explique Laurent Remy. Fluxys ne s’est pas contentée du chargement de méthaniers pour le transport de GNL vers les ports de toute la partie nord-ouest de l’Europe. Dès aujourd’hui, quatre bateaux fluviaux naviguant au GNL sont ravitaillés par des camions-citernes au terminal de Zeebrugge. “Un chiffre qui devrait grimper à 13 d’ici quelques années”, souligne le porte-parole de Fluxys. Si le GNL voyage (beaucoup) par voie maritime et (un peu) par voie fluviale, il est également de plus en plus souvent transporté par camions-citernes sur les routes du royaume.

Co-investissement Belourthe/Primagaz

Grâce à la densité élevée du GNL, le transport routier permet d’alimenter assez facilement en gaz des sites industriels belges qui ne sont pas encore ou qui ne seront jamais raccordés au réseau de gaz naturel. L’option du GNL est celle qu’a retenue Vincent Crahay, le CEO de Belourthe. L’été dernier, la société spécialisée dans la production de céréales a décidé de co-investir un million d’euros à 50/50 avec la société Primagaz dans un système de stockage de GNL sur le site d’Hamoir. Objectif : faire définitivement une croix sur le fuel lourd utilisé pour produire ses céréales pour enfants en bas âge. La nouvelle installation de stockage de GNL permettra de délivrer les 25.000 MWh nécessaires à la production de vapeur indispensable à la fabrication de ses produits. Avec un retour sur investissement en quatre ans. Depuis, plusieurs autres projets sont sortis de terre en Belgique, dont celui d’une société d’asphaltage et celui d’une blanchisserie industrielle située en Flandre.

Première station-service GNL du royaume

Plus récemment, le gestionnaire indépendant de l’infrastructure de transport de gaz naturel s’est illustré en inaugurant à Furnes la toute première station-service GNL du royaume en association avec Romac Fuels, filiale de la société de transports par route Mattheuws. Eric Mattheuws, patron de la société, a été séduit par les moteurs au méthane développés par les constructeurs Scania et Volvo. Dès 2012, il a confirmé la plus grosse commande belge de poids lourds compatibles GNL avec pas moins de 26 camions Volvo Methane Diesel acquis. Et comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, Mattheuws a aussi décidé de co-investir 2,5 millions d’euros avec Volvo, Fluxys, Eni et Romac Fuels dans ce qui allait devenir la première station-service GNL de Belgique. L’entreprise ne compte pas s’arrêter là : “Nous allons poursuivre l’élargissement de notre flotte”, explique Charlotte Mattheuws, fille cadette chargée de la gestion de Romac Fuels.

Les dirigeants du groupe Mattheuws sont conscients que le choix du GNL comme carburant fait courir à leurs chauffeurs le risque de la panne sèche. C’est que les stations-services GNL ne sont encore guère nombreuses en Europe. Pour éviter de voir ses camions immobilisés, le groupe envisage donc d’installer conjointement un réservoir GNL et un réservoir diesel sur ses nouveaux camions, donnant ainsi à sa flotte la possibilité de fonctionner sur le mode dual fuel. “Nous testons actuellement des réservoirs GNL venant de Chine, d’Espagne et des Etats-Unis. Des différences de 5.000 euros étant relevées en fonction des fournisseurs de réservoirs, nous voulons avant tout être sûrs de faire l’acquisition du matériel techniquement le plus adapté et ensuite le meilleur marché avant de les installer sur nos camions”, confie Charlotte Mattheuws. A l’instar des quelques autres transporteurs européens qui ont misé sur le GNL, la famille Mattheuws attend impatiemment le développement du blue corridor, un réseau de points de ravitaillement en GNL répartis sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

En attendant le “blue corridor”

Soutenu par NGVA Europe (Natural Gas Vehicle Association), ce projet se concentre sur 11 pays européens avec l’objectif de pouvoir compter à terme sur ce que Charlotte Mattheuws appelle “un effet domino” : “Quand des stations GNL ouvriront, les constructeurs pousseront plus loin leurs efforts dans le domaine de la R&D pour les camions GNL. Et le secteur belge de la logistique commencera alors à envisager l’achat de ce genre de camions avant de fréquenter les stations GNL comme celle que nous avons inaugurée.” La boucle sera alors bouclée. Et l’air européen un peu débarrassé des nuisances liées à la consommation du gazole routier.

Le GNL est déjà utilisable pour l’alimentation de poids lourds dont le poids, chargement compris, peut dépasser la vingtaine de tonnes. Il est également idéal pour les bateaux qui effectuent des transports dans la zone touchée par SECA (SOx Emission Control Areas), la nouvelle législation européenne sur les émissions polluantes des bateaux. Dès janvier 2015, cette réglementation prévoit que les bateaux naviguant en mer du Nord et en mer Baltique devront employer un combustible avec une teneur en soufre maximale de 0,1 %. Une performance impossible à tenir pour les bateaux alimentés en fuel lourd, mais tenable avec des moteurs alimentés en GNL… Voilà à nouveau une belle opportunité de développement pour Fluxys. De petits méthaniers d’une capacité de 2.000 m3 viendront alors s’approvisionner en GNL dans l’installation de Zeebrugge avant de gagner le large pour ravitailler de gros cargos propres, seuls habilités à naviguer dans cette zone soumise à la législation SECA.

Les dernières locomotives au fuel de la SNCB remplacées ?

Des développements plus étonnants sont imaginables. Comme le remplacement par la SNCB des dernières locomotives au fuel par des locomotives au GNL sur les derniers tronçons du réseau ferroviaire belge qui ne sont pas encore électrifiés.

Utopique ? Il y a quelques semaines, l’Institut russe de recherche, de design et d’études technologiques a fait tourner une locomotive au GNL pendant 300 heures sans problème. A la fin de l’année, les résultats permettront de déterminer si oui ou non il y a une opportunité à utiliser ce carburant pour alimenter les locomotives en service commercial sur les lignes, encore nombreuses en Russie, à ne pas bénéficier de l’électrification. Avant de gagner la Belgique ?

L’idée est loin d’être sotte, d’autant que la SNCB s’était engagée dans cette voie expérimentale de 1943 à 1944 avec la locomotive à gazogène, avant d’abandonner son projet à la fin de la guerre malgré un plein succès sur le plan technique.

JOHAN DEBIÈRE

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