Barú : onde de choc dans le monde du chocolat

© P.G.

Des marques de chocolat (à l’origine) belges ? Côte d’Or, Godiva, Marcolini ou encore Galler. Des noms qui évoquent la tradition, industrialisée certes, mais la tradition quand même. Petit nouveau dans le secteur, Barú rue dans les brancards. Exportation, packaging, ingrédients, distribution : rien ne le fait ressembler à ces prédécesseurs.

En plein coeur de Louvain, le Punto Caffè fourmille d’une joyeuse communauté d’étudiants, résidents, touristes d’un jour et autres jeunes cadres dynamiques. Au départ un “espresso bar” – où l’on peut commander son café à emporter – l’enseigne distribue aussi thés, smoothies, milkshakes, bagels ou scones. Un Starbucks local, en somme. Avec le charme en plus. “C’est l’environnement idéal pour Barú”, affirme Gunther D’hondt, cofondateur en charge du marketing, sirotant un “chai” (un thé aux épices, typiquement indien) accompagné d’un marshmallow Barú. “Et c’est d’ailleurs parce que ce type de concept est beaucoup plus développé outre-Atlantique que nous avons commencé par exporter Barú avant de commercialiser la marque en Belgique.” Une marque belge qui s’exporte avant de conquérir son marché d’origine ? On aura tout vu ! Mais non : ce n’est pas le seul aspect grâce auquel Barú – une marque de “douceurs chocolatées” – se distingue de ses concurrents.

Des pralines pour financer la croissance

Avant de lancer Barú, Gunther D’hondt était en charge de l’export chez Konings, un atelier de mise en bouteille limbourgeois. C’est là qu’il a rencontré Jaak Van Royen, alors directeur général ad interim après treize années passées chez le chocolatier Barry Callebaut. “Le contact est bien passé. Assez vite, nous avons eu l’idée de lancer quelque chose ensemble dans l’alimentaire”, explique Gunther D’hondt. Vu le passé de Jaak Van Royen, c’est naturellement vers le chocolat que les deux compères se tournent, dès 2007. “Evidemment, le marché est très concurrentiel en Belgique, note l’intéressé, mais son approche reste aussi très traditionnelle : les Belges achètent des tablettes de chocolat ou des pralines selon les usages, et les conditionnements sont restés les mêmes depuis des décennies !” Vu l’expérience de Gunther D’hondt dans l’exportation et la bonne réputation du chocolat belge à l’étranger, l’idée de départ consiste à vendre à l’international – Australie, Canada et Etats-Unis notamment – une gamme de pralines assez quelconque. “Ce faisant, nous avons été amenés à voir beaucoup de nouvelles choses et à faire ainsi évoluer notre concept. Mais mener de front le développement de nouveaux produits et la gestion quotidienne de l’entreprise n’était pas une mince affaire”, se souvient Gunther D’hondt. Ceci dit, l’activité d’export permettait de dégager les fonds nécessaires au développement de la nouvelle gamme… Et cette dualité assure encore aujourd’hui le bon fonctionnement de l’entreprise : “Notre chiffre d’affaires – 660.000 euros en 2010 – est équitablement réparti entre la vente de chocolats classiques, comme nos pralines, et celle des produits conçus spécialement pour notre gamme Barú, indique Jaak Van Royen, et l’entreprise est bénéficiaire depuis son lancement.”

Un ton décalé, ni “fairtrade” ni bio

Comment les fondateurs – quatre en tout – décrivent-ils la marque Barú et son positionnement ? “Nous souhaitons qu’elle reflète l’absurdité et le surréalisme belges, son côté bon enfant aussi. Barú est au chocolat ce que Peyo est à la BD et Magritte à la peinture : une marque un peu folle, mais qui amène du plaisir avant tout.” Au lieu des pralines, barres et tablettes bien connues, des guimauves enrobées de chocolat – mais attention, “pas des marshmallows collants et chimiques, des vraies guimauves fondantes à base de vanille naturelle” – des bonbons chocolatés au cerises ou aux amandes, des plaques fines de chocolat noir aux noix de cajou et caramel, une préparation pour chocolat chaud et pour “chai”… “Tous nos produits sont à base d’ingrédients naturels, sans arômes. Ce sont des ingrédients simples – on les a généralement dans ses armoires – tout comme les recettes. On joue sur cette simplicité plutôt que sur des arguments bio ou fairtrade : même si ces aspects sont importants pour nous, nous avons volontairement décidé de ne pas les intégrer dans notre communication pour proposer un message aussi populaire que possible.” Exemple choisi : sur les emballages des guimauves – appelées pour l’occasion chocolate wrapped clouds – on trouve la liste des ingrédients… qui se termine par “and lots of fluffy happiness !” ou, littéralement, “et plein de bonheur moelleux !”.

Une Belgique pas si facile à conquérir

Aujourd’hui distribuée dans une quinzaine de pays, Barú n’a fait son entrée en Belgique que depuis six mois. “Nous sommes en retard par rapport aux pays anglo-saxons et scandinaves pour tout ce qui concerne la restauration rapide de qualité : épiceries fines, bars à soupes, coffee bars ou snacks bio commencent seulement à décoller. Et c’est là que nous voulons faire la différence, pas en rayon chez Delhaize, où il faut se battre parmi des dizaines d’autres marques et répondre à des critères stricts de rentabilité.” Contrairement aux pays étrangers où Barú fait appel à des distributeurs, en Belgique, les entrepreneurs approchent personnellement les enseignes qui les inspirent. Quelques-unes par ville, car “il faut que le consommateur sache qu’on ne trouve pas Barú partout”. Un produit exclusif ? “En tout cas pas un produit de masse, affirme Gunther D’hondt. Cinq euros pour une boîte de marshmallows, c’est certainement plus cher que chez Colruyt… mais c’est le prix juste pour un produit qui tient ses promesses en termes de plaisir gustatif.” Et qui n’est donc pas destiné à la ménagère lambda.

Un marketing intuitif

Etudes de marché, panels de consommateurs, échantillons. Voilà des termes étrangers au vocabulaire des fondateurs de Barú. “Nous nous fions à notre intuition, à nos envies, à ce que nous voyons ailleurs. Il n’y a aucun produit que nous ayons mis sur le marché dont nous ne sommes pas fans nous-mêmes. S’il ne marche pas, tant pis : on arrête et on fait autre chose…” La contrainte budgétaire n’y est évidemment pas étrangère. “Nous n’avons pas les moyens de nous payer de la pub et dans un premier temps, nous utilisons Facebook plutôt qu’un site Internet propre : c’est simple, pas cher, dans le vent. On n’y investira certainement pas outre mesure mais actuellement, cela semble incontournable.” Barú mise aussi beaucoup sur le marketing au niveau des points de vente : les boissons sont servies dans des mugs à l’effigie de la marque et posées sur des sous-tasses en carton personnalisées, avec un code QR redirigeant vers la page Facebook, où sont par ailleurs recensés tous les points de vente. “Le matériel de base est offert au restaurateur et par la suite, il devra l’acheter en même temps que la marchandise”, note Gunther D’hondt.

Camille van Vyve

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