Bagarre autour du Club Med

© Reuters

Un ancien patron du Club Med, SergeTrigano, pourrait revenir présider le voyagiste français. Il est poussé en avant par les organisateurs d’une OPA non sollicitée menée par un consortium, Global Resorts. Qui surenchérit sur une OPA franco-chinoise négociée par le management du Club Med.

Qui va contrôler le Club Med ? L’entreprise, fort connue en Belgique, est au coeur d’une bagarre financière. Elle fait l’objet d’une OPA amicale bientôt contrée par une contre-OPA, moins amicale, validée par le conseil d’administration.

La nouvelle offre, qui doit encore être avalisée par l’autorité française de marché, est menée par Global Resorts, dirigée par l’Italien Andrea Bonomi. Elle propose 21 euros par titre contre 17,5 euros pour celle annoncée en mai 2013 par Gallion Invest dont font partie le chinois Fosun, le fond français Ardian, à 46% chacun, et le management du Club Med pour les 8% restants. La première valorise l’entreprise à 790 millions d’euros, la seconde à 563 millions d’euros.

La montée en gamme remise en cause ? Le conseil d’administration a fait analyser les projets de Global Resorts par Roland Berger.

L’arrivée de cette offre concurrente n’est pas bonne pour Henri Giscard d’Estaing, le CEO du Club Med, qui défend fermement l’offre Gaillon Invest, car il y participe avec le management. Cette offre défend sa stratégie de montée en gamme du Club Med et un développement accentué en Chine, avec le partenariat (et l’actionnariat) d’un acteur local, Fosun, entré en 2010 dans le capital du groupe français.

Eviter l’épisode Bernard Tapie Le patron du Club Med cherchait à stabiliser le capital du groupe en le sortant de la Bourse. En 2009, il a senti le vent du boulet avec les vives critiques de Bernard Tapie, qui avait annoncé avoir acheté 1% du capital, et cherchait à organiser une offensive pour contrôler l’entreprise, avant de renoncer (et d’empocher une plus-value). Les critiques de Colette Neuville L’OPA amicale de Gaillon Invest devait tranquilliser le management du Club Med. Elle avait été annoncée en mai 2013, et reportée suite à des recours d’actionnaires. L’offre avait été jugée peu généreuse.

Colette Neuville, de l’ADAM (association d’actionnaires minoritaires) avait critiqué l’opération, à la fois dans son principe et son montant. Elle mettait en doute l’ancrage français de l’opération, car Ardian (ex-Axa Private Equity) a un actionnariat détenu par “par une nébuleuse de sociétés très opaques, basées pour certaines à Jersey et dans d’autres paradis fiscaux” avait-elle déclaré au quotidien Le Monde en juillet 2013.
Elle estimait l’offre trop basse pour des actionnaires qui avaient été privés de dividendes depuis une décennie.

En mai dernier, l’OPA perd encore un allié avec la famille Benetton, qui détient 2% du capital, et annonce ne pas participer à l’offre Gaillon Invest.

Une OPA pas chère car le cours a fort reculé Il faut dire que l’OPA permettait d’acheter le Club Med à un prix modéré. Car le cours a reculé depuis 2000, lorsque l’entreprise avait coté à 150 euros. Pour arriver d’abord à un palier de 40 euros entre 2007 et 2008, et fondre autour des 13 à 16 euros de 2009 à ces derniers mois.

La cote anémique s’explique par de maigres résultats. La stratégie du haut de gamme, lancée depuis une décennies, plombée il est vrai par la crise bancaire puis le printemps arabe, a débouché sur des pertes ou, au mieux, des bénéfices minuscules : 9 millions de pertes nettes en 2013, 2 petits millions de bénéfices nets en 2012 et 2011.

L’offensive Bonomi Retardée et contestée, l’OPA de Gaillon Invest a fini par attirer l’attention d’un investisseur, Andrea Bonomi, fondateur du fonds de private equity Investindustrial (Luxembourg). Ce financier est l’héritier d’une fortune immobilière, habitué à investir et revendre des entreprises, comme Ducati, conservé 7 ans avant d’être cédé à VW. Avec le Club Med, il a flairé la bonne affaire et enrayé l’OPA en annonçant, au printemps dernier, avoir racheté 10,7% du capital du Club Med. Et envisager une OPA. Le retour de Serge Trigano Résultat : le titre Club Med grimpe, et l’OPA de Gaillon Invest, chère au management du voyagiste, est menacée. L’autre OPA est déposée le 30 juin dernier par Global Resorts à 21 euros.

Pour pimenter l’opération, son initiateur, Andrea Bonomi, met en avant un patron historique du Club Med, Serge Trigano, fils du fondateur de l’entreprise, écarté en 1997 de la direction de la maison par l’actionnaire dominant de l’époque, Agnelli. En cas de victoire de la contre-OPA, il deviendrait président non exécutif du Club Med. Un retour aux sources et aussi une manière de repeindre en bleu-blanc-rouge l’offre Bonomi/Global Resorts.

Le projet concurrent : le moyen et le haut de gamme Quelle est l’approche alternative défendue par l’OPA d’Andrea Bonomi ? Infléchir la stratégie de haut de gamme en développant aussi les Clubs à trois tridents (moyen de gamme), pour toucher les classes moyennes. S’appuyer davantage sur la clientèle française, miser davantage sur la distribution indirecte.

Le projet ne remet pas en cause, au contraire, les développements en Chine, mais ils pourraient être perturbés. Jusqu’ici, la Club s’y développe avec l’appui d’un actionnaire, Fosun, qui participe à l’OPA contrée par Bonomi. Le partenaire chinois, qui a rencontré Bonomi, n’a pas manifesté l’intention de changer de camp. Va-t-il rester ?

Le CA du Club Med “recommande” l’offre Bonomi, mais… Le conseil d’administration recommande la contre-OPA et la “recommande à ceux qui recherchent une liquidité immédiate”. Il actait ainsi la surenchère de 20% de l’offre Bonomi /Global Resorts par rapport à l’offre Gaillon Invest, défendue par le management.

Toutefois il a mis en avant les incertitudes du plan Bonomi, notées par Roland Berger, comme le changement possible de partenaire en Chine, qui retarderait le développement sur ce marché. Ou la crainte de perturber la montée en gamme. “La redynamisation de l’offre Trois Tridents pourrait venir limiter la stratégie de montée en gamme, mise en place en vue de limiter l’exposition de la société aux segments les moins rentables” indique le document publié par le conseil d’administration du Club Med sur le projet d’OPA Global Resorts. Il met aussi en doute l’intention de Global Resorts de modifier la sacro-sainte politique du “tout compris” du Club Med, qui est sa marque de fabrique.

Cette OPA pourrait aussi perturber le management et entrainer le départ d’Henri Giscard d’Estaing.

Nouveau rebondissement en vue ? Pour couper la route à l’OPA d’Andrea Bonomi, les partisans de l’OPA Gaillon Invest devraient monter leur offre. Rien de tel ne se profile encore à l’horizon. Un rebondissement n’est pas exclu d’ici le lancement de l’OPA Bonomi/ Global Resorts, qui pourrait débuter vers le 5 août, après autorisation des autorités de marché françaises (AMF). Le seul mouvement perceptible est l’exercice de titres OCEANE (obligation convertible en actions nouvelles) par Fosun, qui a grimpé à 10,4% dans le capital du Club Med. Histoire de réduire la part des titres que l’OPA nouvelle pourrait acquérir. L’OPA de Bonomi comme celle de Gaillon Invest sont subordonnées à un objectif : arriver au moins 50% des parts.

Robert van Apeldoorn

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content