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“Avec ‘l’affaire des tunnels’, Bruxelles en prend une nouvelle fois pour son grade”

Pour redorer son image fortement écornée à l’international, la Région de Bruxelles-Capitale plaçait des téléphones dans cinq lieux emblématiques de la capitale. S’ils avaient encore été en service, ces téléphones auraient sans doute été le déversoir d’un flot de klaxons et d’injures d’automobilistes rageurs.

C’était il y a deux semaines à peine. Pour redorer son image fortement écornée à l’international, la Région de Bruxelles-Capitale plaçait des téléphones dans cinq lieux emblématiques de la capitale. Le potentiel touriste inquiet pouvait alors tenter de joindre un quidam bruxellois et être tenu informé en live de l’ambiance de la ville, forcément paisible et sans histoires. Un franc succès, selon les autorités – même si l’on est en droit de douter de l’intérêt réel de l’opération.

S’ils avaient encore été en service, ces téléphones auraient sans doute été le déversoir d’un flot de klaxons et d’injures d’automobilistes rageurs. Car avec ” l’affaire des tunnels “, Bruxelles en prend une nouvelle fois pour son grade. Et ceux qui y circulent préféreraient de loin avoir affaire à des dirigeants prévoyants que pseudo-créatifs.

Pourtant, la volonté y était : d’après un rapport ressorti par le bourgmestre d’Etterbeek Vincent De Wolf (MR), le ministre bruxellois de la Mobilité Pascal Smet avait chargé son administration, en 2008, de veiller à ce que tous les tunnels de plus de 300 mètres de long répondent aux exigences techniques prescrites par une directive européenne datant de 2004. Pour sécuriser les tunnels, 63 millions avaient donc été investis sous la législature de l’époque et les efforts allaient se poursuivre sans relâche au cours des années à venir (sic). Jugez plutôt.

En politique, la procrastination est tout simplement inadmissible. Surtout lorsqu’il en va de la sécurité des citoyens.

Un bel exemple de promesse non tenue, sans doute pour des raisons budgétaires – ils tiendront encore jusqu’à la législation suivante, hein, ces tunnels ? Mais en politique, la procrastination est tout simplement inadmissible. Surtout lorsqu’il en va de la sécurité des citoyens.

Et aujourd’hui, à force de retards et de luttes de pouvoir, on en arrive à une absence totale de vision concernant la mobilité dans et vers Bruxelles. Un piétonnier par-ci, un viaduc détruit par-là, des tunnels qui menacent de s’effondrer, des investissements à la Stib et des coupes drastiques à la SNCB – à propos, on la scinderait pas, celle-là ? , un RER dont la mise en service semble relever du mirage, l’interdiction d’UberPop… Tout est décidé à la sauvette. A tous les niveaux, on touche un peu à tout (sauf à la voiture de société, qui reste un sujet tabou au fédéral), de sorte qu’on colmatte les brèches. Mais ça craque un peu partout. C’est sûr, restaurer les routes et les tunnels, on a connu plus sexy, sur le plan électoral. Et pourtant, l’infrastructure devrait être l’investissement prioritaire : question de mobilité, évidemment, mais aussi de dynamisation de l’économie. Or aujourd’hui, nous payons cash la facture du sous-investissement qui a été la règle pendant de nombreuses législatures et nos moyens sont dérisoires au regard des besoins qui n’ont fait que s’accroître au fil du temps. Ainsi, quand la Wallonie décide d’investir 640 millions dans ses infrastructures routières et fluviales, on se félicite mais on relativise : non seulement ce budget n’est constitué que pour moitié d’argent frais, mais en plus l’administration estime que les besoins sont de l’ordre de 5 milliards…

En ville, les aménagements sous-terrains devraient être la priorité absolue : il s’agit d’un élément clé pour faire face au développement urbain, à la croissance démographique et aux changements climatiques. L’International Tunnelling and Underground Space Association (si, ça existe), basée à Lausanne, fait ainsi de la formation de jeunes ingénieurs dans ce créneau son cheval de bataille, arguant que les besoins de main-d’oeuvre spécialisée sont énormes, dans les pays émergents mais aussi en Europe, qui compte plus du quart des installations souterraines répertoriées dans le monde.

La modernisation de l’infrastructure doit être replacée au coeur de l’agenda politique et si possible d’un agenda concerté entre les trois régions du pays. Une fois les lignes directrices et les budgets définis, un vrai débat concernant la mobilité et l’optimisation des ressources qui y sont liées pourra avoir lieu : quelle fiscalité pour la voiture de société ? Faut-il instaurer des péages urbains ? Comment doper la voiture partagée, les transports en commun, les véhicules électriques en ville ? Et enfin, quels aménagements prévoir en surface ? Dommage qu’en politique, la forme l’emporte si souvent sur le fond. Nos tunnels en savent quelque chose.

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