Avaries du 787: Boeing peut-il se relever?

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La décision prise par les autorités de l’aviation de clouer au sol les 787 en service est un coup dur pour l’avionneur américain. Évaluation des dégâts.

Rarement un avion aura si mal porté son nom. Le Dreamliner, dernier-né de Boeing, qui n’avait pas mis en service de nouvel appareil depuis le 777, en 1995, devait incarner le renouveau du constructeur américain. Il tourne au cauchemar sans fin. Lancé en 2004, le programme du 787 a cumulé les retards (trois ans), les surcoûts (au moins 2,5 milliards de dollars) et a épuisé plusieurs patrons. En septembre 2011, avec la livraison du premier exemplaire à All Nippon Airways (ANA), Boeing pensait avoir conjuré le sort. Las ! Un an plus tard, les ennuis se sont accumulés : fuite de carburant, freinage défaillant et, au tout début de 2013, deux départs de feu liés aux batteries lithium-ion.

Une série noire qui a conduit la Federal Aviation Administration (FAA) à prendre, le 16 janvier, une mesure d’urgence, grave et rarissime : suspendre les vols du 787. Décision aussitôt suivie par les autorités européennes. C’est la première fois qu’une telle interdiction est portée à l’encontre d’un appareil de Boeing. Et c’est un coup très dur pour le constructeur américain dont le 787 affiche 848 commandes. À ce jour, 50 appareils ont déjà rejoint la flotte de huit compagnies dans le monde. À elles deux, les japonaises ANA et Japan Arlines (JAL) en possèdent la moitié. Boeing envisageait de doubler sa cadence de production (de 5 à 10 par mois) d’ici à la fin de l’année afin d’accélérer les livraisons. Or celles-ci sont désormais stoppées.

Pourquoi le 787 est-il interdit de vol ?

Des défauts de jeunesse, tous les nouveaux avions en connaissent, d’autant qu’ils sont de plus en plus sophistiqués. Mais, avec le 787, Boeing a pris de gros risques, à la fois technologiques et industriels. La structure est majoritairement fabriquée en composites et, surtout, l’électricité est devenue la principale source d’énergie. Objectif : réduire le poids de l’avion et sa consommation en carburant. La puissance installée à bord pourrait alimenter un village entier. Sous la peau de l’appareil se cachent plus de 60 000 liaisons électriques, 113 kilomètres de câblages et 10 000 connecteurs… L’enquête de la FAA se concentre d’ailleurs sur le système électrique et sur les batteries qui l’alimentent. Les investigations seront d’autant plus complexes que la fabrication du 787 a été externalisée à 70 %, un record. Les équipementiers japonais fournissent ainsi un tiers de l’ensemble (y compris les fameuses batteries). Huit entreprises françaises sont aussi partenaires, notamment pour les systèmes électriques (Labinal pour le câblage, Thales pour la conversion, Zodiac pour la distribution).

Quelles conséquences pour Boeing ?

À Seattle, fief du constructeur, la priorité, dit-on, ce sont les clients et, au premier chef, le Japon. Des clients qu’il faudra indemniser pour l’immobilisation de leurs appareils et pour les nouveaux retards de livraison. Ce qui va peser sur les comptes de l’entreprise. Or “le 787 est central pour la performance à long terme de Boeing”, estimaient encore cet automne les analystes du cabinet Bernstein Research. Le programme aurait coûté plus de 14 milliards de dollars et ne serait rentable, selon certains spécialistes, qu’à partir du 1 100e appareil vendu. Si, au terme de son enquête, la FAA demandait à Boeing de revoir la conception de son système électrique, ce serait une catastrophe pour l’avionneur. D’autant que ses ingénieurs sont très mobilisés sur la nouvelle génération de 737.

Airbus peut-il en tirer profit ?

“On espère que cet avion va revoler bientôt”, assurait Fabrice Brégier, PDG d’Airbus, le 17 janvier. Certes, l’A 350, dont les premières livraisons n’interviendront qu’en 2014, est une réponse au 787. Et tout nouveau retard de ce dernier peut avantager l’européen lors des campagnes commerciales. Mais pas question de faire de la sécurité un enjeu de concurrence : c’est un sujet bien trop sensible et bien trop risqué. Et, pour Airbus, le défi est de réussir le premier vol de l’A 350, prévu cet été.

Par Valérie Lion

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