“Aujourd’hui, entre candidats et entreprises, c’est d’égal à égal”

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Construit au départ d’AccentJobs, leader belge du recrutement et de l’intérim, le groupe House of HR multiplie les acquisitions. Il se rapproche du Top 20 mondial des sociétés de ressources humaines. Rencontre avec Jérôme Caille, le CEO de House of HR et d’AccentJobs.

AccentJobs a été créée à Roulers en 1995 par Conny Vandendriessche et Philip Cracco. Lentement mais sûrement, la société est devenue le leader belge du recrutement et de l’intérim spécialisé dans les métiers de services, de l’industrie et de la construction. Il y a cinq ans, son actionnariat a changé de mains. Si Conny Vandendriessche a conservé 30 % du capital, Naxicap, le fonds d’investissement du géant français Natexis, a pris le contrôle de la société en rachetant les 70 % restants. Si la société AccentJobs existe toujours et reste florissante, les propriétaires ont décidé de créer un groupe appelé House of HR. Il comporte, outre AccentJobs, toutes les acquisitions effectuées depuis la prise de contrôle de Naxicap tant en Belgique que dans les pays voisins. Aujourd’hui, House of HR frôle le milliard d’euros de chiffre d’affaires et emploie plus de 1.500 collaborateurs directs en Belgique, aux Pays-Bas, en France, en Allemagne, en Pologne, au Portugal, en Suisse et en Roumanie. Depuis trois ans, House of HR et AccentJobs ont pour CEO Jérôme Caille, l’ancien CEO mondial d’Adecco.

JÉRÔME CAILLE. Après mon MBA à l’école de management de Lyon, je suis parti en Espagne pendant sept ans. J’y ai contribué au développement d’un groupe aujourd’hui n°1 mondial : Adecco. Ensuite, direction l’Italie où j’ai fondé la branche locale d’Adecco au départ d’une seule agence. Nous avons ouvert 500 bureaux en quatre ans. Après un détour par Boston pour des études complémentaires, j’ai pris la responsabilité mondiale d’Adecco en Suisse. En 2006, j’ai décidé de créer ma propre société appelée Doctor Clic. Elle proposait une assistance informatique aux particuliers en Espagne. Elle a été rachetée par Naxicap. Et de fil en aiguille, je suis arrivé en 2013 en Belgique comme CEO d’AccentJobs et de House of HR.

Qu’est-ce qui fait, selon vous, le succès d’AccentJobs en Belgique ?

AccentJobs doit son succès à sa formule temp to perm. Du temporaire, oui, mais dans l’optique d’un vrai contrat à durée indéterminée. Nous offrons aux PME pour lesquelles un engagement est un acte très important, d’utiliser le contrat d’intérim pour remplacer la période d’essai. Dans l’optique d’un vrai contrat à terme après évaluation mutuelle. Tant du côté de l’entreprise que du candidat. Le fait de parler de vrai contrat avant de commencer permet d’avoir de meilleurs candidats et, notamment, des personnes qui veulent changer de job. D’ailleurs, il y a un indicateur de performance que je regarde en particulier chez nous : combien de personnes en mission ont finalement été engagées ? Cet indicateur est plus élevé que chez nos concurrents.

Vous êtes aussi réputés pour votre approche humaine…

Stripe, une société de la Silicon Valley, transforme une expérience négative en positif. Elle invite tous les recalés à un drink du vendredi.

Oui, l’expérience candidat est notre image de marque. Rechercher un emploi n’est pas forcément une expérience positive. Elle peut même être anxiogène. Partant de ce constat, que pouvons-nous faire pour que ce ne le soit pas ? En mélangeant le digital et l’humain. Ce doit être rapide, certes, mais toujours humain. Et ne pas oublier le feed-back. Plus j’en donne, plus l’expérience est transparente et positive.

En peu de temps, House of HR s’est considérablement développé. Quel est le modèle suivi ?

House of HR est un concept ouvert. Une multinationale de poche qui rassemble les forces de chacun. Nous avons des activités verticales communes et décidées par tous pour déterminer la structure du groupe. Nous rachetons des sociétés mais nous demandons aux CEO et managers de rester en place et de réinvestir dans la nouvelle compagnie créée. Le principal risque quand vous achetez une société RH, c’est qu’elle n’a pas d’actifs fixes. La force réside dans les hommes. Il ne faut donc pas les perdre en route. A côté de la participation majoritaire de Conny Vandendriessche et de Naxicap, il reste de 20 à 45 % dans les mains des managers d’origine. C’est un modèle extraordinaire et un formidable outil de motivation interne. La façon de gérer la société crée un nouveau paradigme. Le processus de décision est décentralisé dans une société qui ne cesse de grandir. Il s’agit donc du meilleur des deux mondes. Nos concurrents ne peuvent pas se le permettre car ce sont des sociétés cotées en Bourse. House of HR repose aussi sur le terme HR pour Human Ressourcefulness. Autrement dit, la capacité de trouver des solutions dans des situations complexes. J’ajouterais que nous ne sommes pas une société, un groupe de volumes mais de spécialisations.

Vous avez racheté TimePartner, Human Capital Group, Abylsen, Zaquensis, etc. Qu’est-ce qui motive vos acquisitions ?

Le principal risque quand vous achetez une société RH, c’est qu’elle n’a pas d’actifs fixes. La force réside dans les hommes. Il ne faut donc pas les perdre en route.”

House of HR propose deux grands types de service. Du personnel white collar mais aussi du personnel pour les départements vente, marketing, juridique et l’IT. A côté de cela, nous possédons des sociétés qui embauchent des ingénieurs et les proposent aux entreprises comme personnel détaché. Nous sortons du cadre traditionnel de recrutement pour aller dans les métiers de consultance en engineering. Nous avons de nombreux jeunes ingénieurs ravis de s’engager pour deux ou trois ans dans la recherche et le développement, les labos, la direction de production ou les grands projets informatiques. Nous combinons donc sans les mélanger différents types de métier. Pour nos acquisitions, nous allons sur des marchés où, vu notre concept ouvert, nous cherchons des entrepreneurs. Les Pays-Bas, l’Allemagne ou la France sont comparables à la Belgique. Les marchés de l’emploi y sont tendus avec des métiers en pénurie. Notre temp to perm y est très efficace. Ensuite, nous avons des bureaux désormais dans les pays de l’est et du sud de l’Europe comme le Portugal ou la Pologne. Pourquoi ? Pour que des populations bien formées et motivées puissent venir travailler chez nous. Nous y recrutons dans les universités et les écoles techniques pour compenser la pénurie chez nous de ces fameux métiers techniques à valeur ajoutée.

C’est tec Alliance, né de la fusion entre Logi-technic et Human Capital Group, qui remplit cette mission au sein de House of HR en Belgique…

Exactement. Tec Alliance répond au besoin criant d’ingénieurs compétents. La société comporte deux branches. D’abord, Oil & Gas, soit environ 400 personnes entre 40 et 50 ans avec beaucoup d’expérience et indispensables pour les sociétés. Ces profils sont chers donc les entreprises aiment bénéficier de leurs compétences sur des projets à durée limitée. Ensuite, une branche ICT à Bruxelles. Des managers de projets et des ingénieurs très qualifiés. Régulièrement, Proximus et Telenet font appel à nous pour ce genre de profils nécessaires sur des projets massifs. Comme la 4G ou la fibre optique. Nous sommes l’employeur de tous ces ingénieurs et techniciens mais nous les détachons auprès d’entreprises.

Aujourd’hui, dans le domaine des ressources humaines, deux grandes tendances se dessinent. La première, c’est que désormais aussi les entreprises doivent se vendre…

Effectivement. Il y a une réalité objective : la rareté des candidats sur les profils qualifiés. L’autre réalité est que les nouvelles générations ont de très grandes attentes en termes d’entrepreneuriat et d’indépendance. Ils sont fort séduits, pour cette raison, par le cadre ouvert et transparent des start-up. Ils sont assis à un bureau à côté du CEO et participent à ce qu’ils trouvent un projet très innovant. Ils aiment donner du sens à leur travail et apprécient la responsabilité sociale de leur employeur. Ils veulent changer le monde. On y ajoute, selon l’étude Moving Forward Insights d’AccentJobs, le fait de travailler dur mais avec du fun. L’exemple de la table de ping-pong, cela ressemble à un gadget mais ce ne l’est pas du tout. Personne n’est créatif pendant huit heures d’affilée. Il faut se lever et faire autre chose. Donc les entreprises aujourd’hui doivent comprendre que leur taille n’est plus un critère, à l’inverse du sens au travail qu’elles proposent. J’effectue un travail quotidien d’évangélisation pour qu’elles comprennent que la décision de faire un bout de chemin ensemble n’est plus unilatérale mais mutuelle. C’est un grand changement. Aujourd’hui, vu le contexte, entre candidats et entreprises, c’est d’égal à égal.

L’autre tendance lourde, c’est la personnalisation des ressources humaines.

Oui, une fois de plus. Trois exemples précis. Dans le recrutement, les candidats se plaignent souvent de la pauvreté de l’offre d’emploi. Le contenu doit être riche et personnalisé. Quel est le poste ? Qui sont les collègues ? Quel est l’environnement de l’entreprise ? Sa culture d’entreprise ? A quoi ressemble un jour de travail ? Tout cela doit se trouver dans une offre d’emploi. Deuxièmement, le feed-back. On y revient. Selon une étude anglaise, 93 % des cas où un candidat décline l’offre tiennent à la pauvreté du feed-back ou à son côté tardif. Stripe, une société de la Silicon Valley spécialisée dans les paiements par Internet, transforme une expérience négative en positif. Elle invite tous les recalés à un drink du vendredi. Ils peuvent y amener des amis, soit des candidats potentiels, et y rencontrer les responsables pour avoir un feed-back complet. La société prend du temps pour aider le candidat et, en même temps, soigner son image. Troisièmement, l’onboarding. Chez Zappos, le champion de la chaussure sur Internet, ils offrent un dédommagement au candidat qui veut partir pendant sa période d’essai car il ne se plaît pas. L’idée de la société est que ses employés soient heureux et ne restent pas pour les mauvaises raisons. Là aussi donc, le paradigme s’inverse…

Un Tinder pour trouver un emploi

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L’appli s’appelle Swop. Pour l’utiliser, il suffit de faire un selfie, d’accepter de se faire géolocaliser et de définir les domaines qui vous intéressent. Et vous êtes parés pour recevoir les offres d’emploi des 250 agences belges d’AccentJobs. Et comme sur Tinder, il suffit de swiper à gauche ou à droite…

“Comme je le disais précédemment, les jeunes souhaitent du digital et de l’humain dans leur recherche d’emploi, explique Jérôme Caille. Avec Vlerick, nous nous sommes intéressés aux métiers connexes qui les font cohabiter. Et le dating est venu sur le tapis. C’est un métier très proche du nôtre en fin de compte. Nous y avons ajouté une couche de gamification très prisée par la génération Z. Aux Etats-Unis, deux tendances de fond se dégagent en termes de recherche d’emploi. D’une part, les références. Chez Google, si vous amenez quelqu’un qui finit par être embauché, vous touchez une prime. Tous les employés sont des recruteurs potentiels. D’autre part, les médias sociaux. Avec nos offres d’emploi sur WhatsApp et Swop, nous y sommes très présents.”

Ce qui frappe dans Swop, c’est qu’il ne faut pas introduire de C.V. dans l’appli. Le candidat ne doit donc pas recopier l’intégralité de son parcours sur le site du futur employeur. Un processus que de nombreux candidats trouvent complètement ridicule… “Une fois que vous avez aimé un job, une consultante d’AccentJobs vous rappelle dans les 24 heures, poursuit Jérôme Caille. Elle vous propose un rendez-vous. Nous voyons donc 100 % des personnes ! Il est important de noter que nous partons du candidat et pas de l’offre. Chez nous, vous ne quittez pas le bureau sans avoir un rendez-vous dans une entreprise. La conseillère appelle devant vous des entreprises pour proposer vos services. C’est là que le temp to perm prend tout son sens.”

Propos recueillis par Xavier Beghin.

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