Airbus tient conseil dans un climat délétère

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Airbus réunit son conseil d’administration jeudi dans un climat délétère en raison des affaires visant le groupe et des rumeurs sur l’avenir de ses plus hauts dirigeants, qui font craindre une déstabilisation du géant aéronautique, une situation suivie de près par Paris et Berlin.

Peu avant l’échéance, plusieurs articles de presse ont évoqué le départ de l’Allemand Tom Enders et de son numéro deux français Fabrice Brégier, ce qui a conduit le patron d’Airbus à réaffirmer mardi qu’il restait à la tête du géant jusqu’en 2019.

A Berlin, la porte-parole du ministère de l’Economie s’est refusée à toute spéculation après un article du Figaro mardi qui affirmait que Tom Enders ne briguerait pas un troisième mandat. “Je ne suis pas au courant d’une telle information”, a déclaré Beate Baron. “Nous ne commentons pas, parce que nous ne participons pas à des spéculations de personnes”, a-t-elle ajouté.

Quant à un éventuel changement à la tête d’Airbus, elle a estimé que “c’est une décision du conseil d’administration et de la société”.

A Paris, on se contente d’indiquer que l’Etat reste vigilant sur les “dossiers industriels”. “On ne va pas mettre tout sur la place publique, on va attendre la fin de l’instruction, mais effectivement il y a un sujet”, a fait savoir une source gouvernementale à l’AFP.

Les deux pays, actionnaires du groupe à hauteur de 22%, ne sont pas directement représentés à son conseil d’administration, mais rien ne peut se faire sans leur aval. De part et d’autre du Rhin, l’enjeu est d’importance car Airbus est un géant qui emploie 134.000 personnes et représente un gros contributeur net au commerce extérieur des deux pays.

Il n’a “pas dit qu’il partait”

Tom Enders, qui a toujours voulu tenir les Etats à l’écart des affaires du groupe, a laissé pointer son agacement face à l’article du Figaro en affirmant que “la décision sur (son) avenir en tant que président exécutif d’Airbus n’est prise ni par la presse française ou le gouvernement français, ni par aucun gouvernement”.

“Mon mandat actuel court jusqu’en avril 2019 et c’est le calendrier sur lequel je travaille”, a-t-il assuré mardi à l’AFP. “Elle est prise soit par le conseil d’administration (…) soit par moi-même et idéalement par un consensus entre le conseil et moi-même”.

Airbus est sous le coup d’investigations du Parquet national financier (PNF) en France et du Serious fraud office (SFO) en Grande-Bretagne pour des irrégularités sur des transactions, pour des faits qu’il avait lui-même dénoncés en 2016.

Il est aussi visé par deux autres enquêtes en Autriche et en Allemagne autour de la vente d’avions de combat Eurofighter à Vienne. En Autriche, Tom Enders figure parmi les personnes visées par l’enquête, mais de l’aveu du parquet général de Munich, la justice allemande dispose “de peu de preuves de corruption”.

En interne, on s’inquiète que ces enquêtes et une éventuelle guerre de succession au sommet ne déstabilise le groupe.

“Que l’on change de PDG, c’est une chose. Nous ce que l’on souhaite c’est que l’entreprise ne soit pas déstabilisée. Aujourd’hui, on sait ce que l’on a, on ne sait pas ce que l’on va avoir”, a déclaré à l’AFP Jean-Marc Escourrou, secrétaire FO Airbus SAS, la branche aviation commerciale, à Toulouse.

“J’ai vu M. Enders la semaine dernière, il ne nous a pas dit qu’il partait”, a-t-il ajouté. “Il m’a même dit qu’il restait. On va attendre de voir”.

“Avoir un départ simultané de Tom Enders et de Fabrice Brégier, c’est une situation qui nous inquiète et qui est de nature à déstabiliser la gouvernance du groupe”, a pour sa part déploré Thierry Préfol, coordinateur adjoint CFE-CGC chez Airbus.

Pour l’heure, rien n’indique qu’une décision sur la gouvernance soit imminente, d’autant que les enquêtes qui visent le groupe pourraient aboutir en 2019 seulement. En octobre, le conseil d’administration présidé par Denis Ranque avait apporté “toute (sa) confiance” à Tom Enders pour sortir par le haut le constructeur aéronautique de la crise.

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