4 milliards de dollars d’invendus, le début de la fin pour H&M ?

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Rien ne va plus pour Hennes et Mauritz (H&M), la chaine de prêt-à-porter suédoise accuse les pires résultats trimestriels depuis 2005 et se retrouve avec un stock de vêtements invendus gigantesque de plus de 4 milliards de dollars. Mais pour quelles raisons? Décryptage.

Serait-ce le début de la fin pour la chaîne de prêt-à-porter suédoise H&M ? Depuis son lancement en 1947, elle vend avec succès des collections à bas prix en grande quantité. La formule de fast fashion avec des roulements de collection quasiment permanents a eu ses années de gloire, mais semble petit à petit s’essouffler. Les résultats décevants de ce début d’année sont là pour l’attester.

Le géant suédois a annoncé mardi une chute de 44% de son bénéfice net au premier trimestre de son exercice 2018 décalé, faisant chuter de plus de 6% l’action à la Bourse de Stockholm. L’action H&M est au plus bas depuis plus de 15 ans. En Allemagne, premier marché de H&M, les ventes ont chuté de 6% sur un an, et en France – quatrième marché du groupe -, elles se sont enfoncées de 10%. La petite centaine de magasins en Belgique et au Luxembourg affiche, de leur côté, des ventes en chute de 8%. En ligne, les chiffres sont plus réjouissants: “Les ventes en ligne du groupe ont augmenté d’environ 20% ce trimestre“, s’est félicité H&M.

Cette année, H&M se retrouve aussi avec sur les bras un stock monumental de vêtements invendus d’une valeur de 4,3 milliards de dollars relaient Bloomberg et le New York Times. Un stock, par ailleurs, en hausse de 8% en couronnes suédoises entre les premiers trimestres 2017 et 2018.

Alors, comment écouler ce surplus?

La plus grande partie de ces vêtements est refourguée au kilo et à seulement 10% de leur prix de base dans des outlets. Des réductions sont également monnaie courante dans les magasins où sont aménagés des coins “bonnes affaires” et cela, tout au long de l’année. En ligne aussi, les promotions sont nombreuses.

Stock monumental

En octobre dernier, des journalistes danois accusaient H&M de brûler chaque année 12 tonnes de pièces invendues, intactes, avec leurs étiquettes de prix.

Le groupe utiliserait pour ce faire dans la ville suédoise de Vasteras, berceau historique de l’entreprise, une centrale électrique, qui alimente la région. Cette centrale, naguère au charbon, a été reconvertie pour fabriquer du courant en brûlant des déchets et notamment les invendus usés et ‘défectueux’ du groupe.

Une information commentée de la sorte par le géant de la mode suédois: “Les produits envoyés à l’incinération sont uniquement ceux qui ne remplissent pas pleinement nos règles de sécurité.”Ajoutant dans le communiqué : “Ces produits ne pouvant en aucun cas être vendus à nos clients ni être recyclés, ils sont donc automatiquement détruits en accord avec notre politique globale de sécurité.”

La porte-parole du groupe pour la Belgique et le Luxembourg, Marianne Nerinckx, commente dans les colonnes du Morgen: “Notre slogan : aucune pièce ne doit aller à la poubelle. Nous sommes même le premier détaillant à encourager nos clients à ramener des vêtements et du linge de maison usagés.” En Belgique, près de 2 millions de kilos auraient été récupérés de la sorte. La porte-parole déclare aussi que d’importants lots de vêtements sont aussi envoyés aux personnes dans le besoin lors de catastrophes humanitaires.

“Stuck in the middle”

Quelles sont alors les raisons de cette accumulation immense de robes, chemises, pulls, pantalons et accessoires qui ne trouvent pas acquéreur ? La météo est la première responsable, répond l’expert en retail Jorg Snoeck au quotidien flamand. “Pour une chaîne de vêtements, c’est toujours difficile d’évaluer le stock de vêtements nécessaires. L’hiver perdure et les collections printanières ne partent pas” , explique Snoeck. Ce que confirme à l’AFP le directeur général du groupe, Karl-Johan Persson : “Le volume des soldes, combiné à un hiver exceptionnellement froid, ont eu un effet négatif sur les ventes de la collection printemps”. Le patron se justifie aussi en évoquant l’ouverture de 220 magasins qui avait nécessité, selon lui, d’accumuler des stocks.

Mais le contexte mouvant du secteur de la mode est l’une des causes les plus importantes de la perte d’attractivité d’H&M estime l’expert. La marque doit en effet se battre contre des chaines aux prix défiants toute concurrence tels que Primark ou Zeeman, pour quasi la même qualité.

“Stuck in the middle” est le terme employé par Snoeck pour définir la place qu’occupe actuellement H&M dans le secteur de la mode. “Le segment du milieu, où l’on retrouve aussi C&A et JBC, rencontre des difficultés. Ils proposent tous la même chose et n’arrivent plus à se démarquer.”

220 nouveaux magasins

Un gros concurrent, ZARA, arrive toutefois à tirer son épingle du jeu en proposant des collections qui ne restent pas plus de deux semaines en magasin. Le label du groupe Inditex produit ainsi de petites collections en stock limité plus en phase avec les tendances, une piste envisageable pour H&M. Johanna Kull, analyste d’Avanza, explique à l’AFP que “la chaîne d’approvisionnement du groupe H&M manque de réactivité”, ce qui nuie à sa compétitivité. “Leur logistique est plus lente que celle de la plupart de leurs concurrents“, ajoute-t-elle.

Le New York Times estime pour sa part que ce problème de stock n’est que la résultante de la taille gargantuesque de H&M, qui produit des centaines de millions d’articles chaque année pour alimenter près de 5.000 magasins à travers le monde.

Le défi principal du label n’étant pas, au final, de redevenir branché? Comme il l’était il y a quelques années lors du lancement de ses collaborations originales avec des créateurs comme Karl Lagerfeld ou Stella McCartney.

Pour l’année à venir, le groupe entend ouvrir 220 nouvelles boutiques et s’installer sur deux nouveaux marchés: l’Ukraine et l’Uruguay. H&M reste la marque vedette du groupe et la plupart des nouvelles ouvertures seront en ce nom. Il compte aussi rattraper son retard dans l’e-commerce en tablant sur une augmentation de 25% de ses ventes en ligne.

Le groupe exploite également les magasins Cos, & Other Stories, Monki, Weekday et Cheap Monday, dont les ventes ne cessent de croître aussi bien en ligne qu’en magasins. 90 nouvelles boutiques sous ces marques devraient ouvrir en 2018.

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