30 pièges à éviter pour ne pas couler sa boîte (2/3)

© Montage Getty

L’erreur se révèle généralement vertueuse… si on en tire un enseignement pour le futur. Néanmoins, elle fait généralement perdre du temps. Ce que les entrepreneurs n’ont pas. Et si vous profitiez des erreurs commises par les autres ? Ce mardi, 10 nouveaux pièges à éviter, issus de l’expérience d’une série d’entrepreneurs.

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Certains, comme Fabien Pinckaers, le patron et fondateur de la perle numérique Odoo, croient dans les vertus de l’erreur. ” Je dis aux nouveaux collaborateurs qu’on ne va jamais les licencier s’ils font des erreurs… mais bien s’ils n’évoluent pas ou ne font pas évoluer la boîte, assure-t-il. On leur demande de se lancer. On les aidera à régler les problèmes s’ils commettent des erreurs et ils apprendront de leurs initiatives. ” C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Néanmoins, quelques conseils bien avisés – recueillis auprès d’entrepreneurs qui ont commis des erreurs et vécu des échecs – peuvent permettre de passer au travers de nombreuses difficultés.

Voici une liste, loin d’être exhaustive, d’erreurs à ne pas commettre pour ne pas perdre du temps, voire ne pas couler sa boîte. Et, comme nous glisse Eric Domb, l’emblématique patron de Pairi Daiza, ” entreprendre est un art et ce n’est pas donné à tout le monde ni gagné à tout moment “. D’ailleurs, l’entrepreneur wallon ne croit pas à ” l’hypothétique valeur pédagogique d’un catalogue des erreurs, présentées a priori comme des comportements à éviter “. ” Si c’était aussi simple, entreprendre serait aussi aisé qu’apprendre à conduire “, ironise-t-il. Reste que c’est grâce aux bons conseils de conducteurs expérimentés que l’on peut se lancer sur la route et y faire sa propre expérience de conduite…

11. Avoir une cible marketing beaucoup trop large

Lancer son entreprise en pensant que ce que l’on propose est susceptible d’intéresser absolument tout le monde. “Si c’est le cas, autant dire que ce ne l’est pour personne, écrivent Thomas Pons et Sylvain Tillon. Au contraire, il faut définir vos clients idéaux le plus précisément possible, pour leur adresser des messages dont les contenus leur paraîtront pertinents et qui auront un véritable impact sur leur acte d’achat. Ces acheteurs idéaux portent le nom de buyer personas. Certaines agences de marketing sont spécialisées dans cette analyse assez complexe. Certes, cela représente un coût, mais ce sera toujours moins cher que d’essayer de ventre à tout le monde.”

12. Avoir une confiance aveugle dans un partenaire

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“Dès le début de son histoire, Iris s’est intéressée à l’utilisation de ses technologies pour des applications plus professionnelles dans des niches intéressantes, se souvient Pierre De Muelenaere, fondateur d’Iris et auteur du livre The IRIS Book, a 33 years Story on entrepreneurship from Belgium and what you can learn from it. Donc, lorsqu’une société belge de renom nous a approchés pour suggérer un partenariat et développer ‘ensemble’ une nouvelle solution pour la lecture automatique de billets de Lotto, nous avons accepté avec enthousiasme. Le partenaire nous avait expliqué qu’il était extrêmement bien connecté avec la Loterie Nationale et revendiquait la responsabilité commerciale du projet. Huit mois plus tard, un superbe prototype était prêt. Nous en étions très fiers car il présentait des performances hors du commun. Et la majeure partie de l’effort avait été fournie par nos équipes pour un coût significatif pour une petite société comme Iris qui n’était même pas à l’équilibre financier. Puis, je me suis rendu compte que notre partenaire n’avait aucune chance de parvenir un jour à vendre cette solution à la Loterie Nationale. Iris a commis l’erreur d’investir de façon significative dans un projet compliqué sans avoir vérifié sérieusement l’opportunité commerciale. Le prototype a directement été bon pour rejoindre le musée.”

13. Avoir trop de coûts fixes trop tôt

Au moment de se lancer, l’entreprise doit pouvoir pallier toute éventualité et disposer d’une structure lui permettant de rester agile. “Quand nous avons lancé b2build, une place de marché pour le secteur du bâtiment fin 1999, nous avons commis l’erreur d’avoir trop de coûts fixes dans la phase de lancement du projet au lieu de coûts variables, explique Tanguy Peers. Nous avions levé un premier tour de financement avec Atlas Venture, un fonds de venture capital. Ce premier tour de table nous permettait de nous développer pour une période de 18 à 24 mois. Mais quand les marchés financiers se sont écroulés, les fonds d’investissement ne souhaitaient plus soutenir les projets qui n’étaient pas encore rentables. Et, malheureusement, nous n’avions plus la flexibilité d’ajuster la voilure de la société et avons déposé le bilan. Il est donc important de garder un maximum de flexibilité car une jeune entreprise a besoin de cette flexibilité en phase d’amorçage. J’ai retenu cette leçon et quand il a été question de lancer Pawshake, une place de marché pour gardiennage d’animaux, nous l’avons fait au départ de mon garage et avons attendu 18 mois avant de recruter la première personne externe.” Jérôme Kervyn de Meerendré a, lui aussi, vécu une telle situation avec sa société Sunswitch spécialisée dans l’installation de panneaux photovoltaïques. “Fin 2007, soit six mois après le démarrage de notre activité, de nombreux sous-traitants ont décidé de se lancer à leur compte sur ce marché et nous avons donc dû engager notre propre personnel ouvrier, se souvient le jeune homme. Début 2013, alors que nous étions 100 personnes en interne et 75 en externe, le marché photovoltaïque s’écroule. Un an plus tard, avec une diminution de 90 % des ventes, nous étions exsangues mais avions encore 70 personnes sur le payroll. Nous avons alors décidé de tirer la prise et faire aveu de faillite.”

14. Trop écouter les feed-back hors cible

Thomas Pons et Sylvain Tillon,
Thomas Pons et Sylvain Tillon, “100 conseils pratiques pour couler sa boîte”, éditions Eyrolles, 2017.© PG

“Il faut s’assurer de se faire conseiller par les bonnes personnes en fonction de son domaine d’activité, insiste Dominique Mangiatordi, fondateur de Globule Bleu, Royal App Force et Øpp. Si on développe une application pour les banquiers, il faut se faire conseiller par des banquiers, par ceux qui seront clients et pas par des coaches ou des amis qui ne connaissent rien à ce marché ! Le coaching peut être nocif quand il tente de faire croire qu’une start-up est une réussite ‘hyper-collaborative’. C’est rarement le cas : les entrepreneurs à succès sont tous têtus, obstinés et convaincus de leur idée. S’ils en changent ou s’ils pivotent, c’est souvent en se confrontant au marché ou aux avis les plus pertinents. Les conseils en management sont pour moi les plus délicats : je pense que chaque entrepreneur doit gérer de manière très naturelle, intuitive, spontanée sa start-up. S’il est un organisateur, soit. S’il est un animateur, c’est très bien aussi.”

15. Se lancer sans avoir réfléchi à la structuration de l’entreprise

“Dans mon enthousiasme, j’ai lancé le projet eFarmz trop vite sans apport de fonds, et sans me rendre compte qu’une fois lancée, j’aurais la tête dans le guidon et plus beaucoup de temps pour le structurer, confie Muriel Bernard, fondatrice d’eFarmz. La conséquence, c’est que les deux premières années ont été extrêmement difficiles au point de vue charge de travail et notre stratégie n’était pas très claire. Je devais à la fois m’occuper du day to day, des premières commandes des clients et à la fois terminer les développements du site, réfléchir à tous les processus logistiques, recruter, chercher des fonds, etc. Bref, être sur tous les terrains et c’était clairement trop ! J’aurais gagné beaucoup de temps et d’efficacité en lançant un projet plus abouti quelques mois plus tard.”

16. Engager trop vite un “super vendeur”

Dans une jeune entreprise qui propose une solution innovante, on observe un cycle d’apprentissage de la vente. La boîte doit comprendre comment vendre et approcher son marché. Au début de cette période d’apprentissage, les entrepreneurs ou les fondateurs sont souvent seuls. Ils doivent aller au front et réaliser leurs premières ventes pour comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. “Parfois, quand on n’arrive pas à accomplir une certaine tâche en tant qu’entrepreneur, on pense qu’en engageant une autre personne, elle s’y prendra mieux, détaille Karim Slaoui, cofondateur de Take Eat Easy, mais ce n’est pas forcément le cas. Au début de Take Eat Easy, l’équipe fondatrice n’avait pas une bonne connaissance du processus de vente. Du coup, le démarchage des restaurants étant long et difficile, nous avons voulu engager une personne spécialisée en vente. Malheureusement, comme nous ne savions pas ce que nous cherchions, nous avons mis plus d’un an (et plusieurs employés…) avant de trouver la bonne personne. Par contre, une fois que nous avions compris exactement le rôle et les compétences nécessaires, nous avons pu engager très rapidement des dizaines de personnes dans toute l’Europe.”

17. Mal estimer le temps, et donc le prix, de certaines prestations

Connaître ses marges avec précision semble la base de tout business. Et pourtant, “peu d’entrepreneurs savent combien ils gagnent réellement, observe Olivier Kahn, qui accompagne de nombreuses entreprises. Ils sont souvent obsédés par le chiffre d’affaires sans contrôler leurs marges. Cela pousse à vendre des activités pas ou moins rentables”. C’est ce qu’a vécu Michael Vandenhooft, fondateur d’Extenseo et de NewPharma, au tout début de son aventure d’entrepreneur. “Lorsque j’ai créé Extenseo, une start-up spécialisée dans le référencement sur les moteurs de recherche, revendue par la suite à Skynet, nous avions mal estimé le temps dont nous avions besoin pour réaliser des prestations de référencement naturel packagées. Et nous n’avions pas mis en place de méthode de suivi de rentabilité. Résultat : plus on vendait de contrats, plus l’agence coulait. Sans qu’on s’en rende compte puisque ces prestations étaient facturées en début de contrat. Il nous a fallu un peu de temps pour nous rendre compte du problème. Quand nous en avons pris conscience, nous avons ajusté le tir par de l’outsourcing de certaines tâches en Roumanie et ajusté les prix de nos prestations à la hausse.”

18. Oublier de faire de la veille et donc d’innover

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Cela paraît assez logique, mais trop d’entrepreneurs se focalisent uniquement sur leur day to day et oublient d’observer ce qui se passe sur le marché. Se tenir au courant du monde qui bouge est, évidemment, fondamental. “On ne prend pas assez le temps d’aller sur le terrain pour avoir le retour de ses utilisateurs et même de ses collaborateurs”, admet Thierry De Bock de Proximedia. Or, les attentes et les besoins des clients évoluent. Autant se trouver au plus près d’eux, afin de recevoir leurs remarques. Pareil avec les concurrents. “Une erreur serait de ne pas les rencontrer, soutient Philippe Van Ophem, cofondateur de myShopi. Tant qu’on ne discute pas de prix, l’échange avec les concurrents qui se montrent ouverts à une discussion sincère, permet d’appréhender certaines techniques ou méthodes. C’est souvent très enrichissant.” En étant au fait de ce qui se passe chez vos clients et vos concurrents, vous devriez être à même de ne pas manquer une nouvelle vague ou une évolution importante, y compris technologique. Si Kodak avait senti l’attrait des consommateurs pour les appareils digitaux, elle n’aurait sans doute pas manqué le train du numérique.

19. Négliger les relations humaines dans l’entreprise

“La gestion des hommes et femmes dans l’entreprise demeure un défi quotidien, confie Thierry de Bock, fondateur de Bezoom et country manager de Proximedia Group. Il m’est arrivé de ne pas consacrer assez de temps à certaines équipes, voire certaines personnes. Dans une entreprise de taille moyenne, cela me semble le plus compliqué. Il ne s’agit plus d’une petite structure où l’on décèle vite ce qui peut se passer au niveau humain. Et l’on ne se trouve pas dans une grosse entreprise qui dispose d’une structure dédiée aux ressources humaines. Or, rester proche des équipes demeure essentiel. Parfois, on n’accorde que trop peu de temps à ses collaborateurs. Or, dès que l’on sent que certaines choses évoluent mal ou posent question, il faut prendre le temps d’aller boire un verre, organiser un lunch avec les personnes concernées et discuter. J’ai vu partir des membres de mes équipes de cette façon et je le regrette car nous avons perdu des talents et des connaissances.”

20. N’avoir aucune expérience dans la prospection

Le nerf de la guerre, cela reste les clients. Dans certains cas, il faut être en mesure d’aller les chercher. “Entre 2007 et 2012, les clients arrivaient tout seuls dans le photovoltaïque. Le bouche-à-oreille, quelques salons, un site internet, des journées portes ouvertes… et les demandes affluaient, se souvient Jérôme Kervyn de Meerendré. En 2013, avec l’effondrement du marché, la tendance s’est inversée, nous n’étions pas prêts à aller chercher le client. Dans l’absolu cela n’aurait rien changé étant donné qu’il n’y avait plus de marché et que les politiques alimentaient le déclin du secteur. Aujourd’hui avec Total Energy Solutions, mon nouveau projet avec Total, nous offrons à nouveau des panneaux photovoltaïques et nous mettons en place des campagnes de marketing digital qui permettent à l’entreprise d’élargir constamment son cercle de clients. Sans oublier le bouche-à-oreille, quelques salons, un site internet pédagogique et des journées portes ouvertes…” Les auteurs du livre 100 conseils pratiques pour couler sa boîte, insistent sur la nécessité de diversifier le portefeuille de clients et alertent sur le risque de ne dépendre que d’un seul client. Et d’insister : “Il ne faut pas que vos trois plus gros clients représentent plus de 50 % de votre chiffre d’affaires annuel .”

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