“10.000 entreprises sont nées à Bruxelles en 2011”

© Hamers/Image Globe

Dernière étape de notre Top provincial, Bruxelles est non seulement le premier bassin d’emploi du pays mais également la région où l’on crée le plus d’entreprises par tête d’habitant en Europe.

Retrouvez le classement complet des 100 premières entreprises de Bruxelles dans le magazine Trends-Tendances daté du 19 avril 2012. Un palmarès établi sur base des données du Trends Top.

Région la plus riche du pays et capitale qui s’internationalise chaque jour davantage, Bruxelles est aujour-d’hui une ville de services où le poids de l’industrie se réduit d’année en année. Et si elle a vu le nombre d’emplois qu’elle procure augmenter ces dernières années, franchissant en 2011 la barre des 700.000 postes de travail, elle a également battu un record en termes de taux de chômage, lequel dépasse les 20 %. Un paradoxe parmi d’autres dans une ville, qui avec son hinterland, demeure la région qui connaît le plus fort développement du pays.

Administrateur délégué de BECI (Brussels Enterprises Commerce and Industry), qui s’affiche comme “the most influential and professional network in Metropolitan Brussels“, Olivier Willocx revient avec nous sur l’évolution récente et le futur de la Région de Bruxelles-Capitale.

Quelles sont les évolutions qu’a connues Bruxelles ces cinq dernières années ?

L’année dernière, nous avons franchi pour la première fois les 700.000 postes de travail. Nous avons un solde net de création d’emplois. Or, dans le même temps, le chômage a également augmenté. En d’autres termes, ces créations d’emplois à Bruxelles s’accompagnent d’un accroissement de la navette. Ce qui pose des problèmes en termes de mobilité, d’infrastructures, d’enseignement et de formation. Et on ne fait rien pour régler ces problèmes.

L’emploi augmente mais la population s’appauvrit, c’est paradoxal ?

Il convient de tempérer cette analyse. En effet, si l’on se base sur l’impôt des personnes physiques (IPP), la population bruxelloise s’appauvrit. Les navetteurs payant l’IPP sur leur lieu de résidence, on ne cesse de dire que l’argent part dans les autres régions. C’est exact mais j’émets deux réserves sur cet indicateur. D’une part, le nombre de fonctionnaires internationaux ne cesse d’augmenter à Bruxelles, notamment depuis l’arrivée de nouveaux membres de l’Union européenne et ces travailleurs ne sont pas soumis à l’IPP. Or, une partie de ceux-ci habitent Bruxelles. D’autre part, en 2011, on a créé quelque 10.000 entreprises à Bruxelles soit plus du double qu’il y a 10 ans. Cela signifie que l’on assiste à un passage de l’IPP vers l’impôt sur les sociétés. Au niveau du pays, la Région bruxelloise compte pour 8 % de l’IPP mais pour 32 % de l’impôt sur les sociétés.

C’est donc aussi une région riche en termes de PIB par habitant ?

Absolument. C’est la troisième région la plus riche d’Europe avec quelque 60.000 euros par habitant derrière Londres (Inner London) et Luxembourg. Deux villes où, je le signale, le nombre de navetteurs est aussi important. Cela indique que les travailleurs bruxellois ont un très haut taux de productivité et que c’est ici que l’on produit proportionnellement le plus de richesses en Belgique. Avec son hinterland, l’arrondissement Bruxelles-Hal-Vilvorde et le Brabant wallon, Bruxelles représente 35 % du PIB belge.

Essentiellement dans les services ?

Bruxelles n’est plus une ville industrielle, à l’exception de quelques entreprises comme Audi à Forest, et n’a plus vocation à l’être. L’espace manque et les accès sont compliqués. Il est donc préférable que les industries se développent en dehors de la Région bruxelloise. En revanche, Bruxelles est clairement une ville de services.

Le défi bruxellois pour les années à venir n’est-il pas le boom démographique ?

Il y a 10 ans, on comptait à Bruxelles 954.000 habitants ; il y en a aujourd’hui 1.120.000 et on s’attend à en avoir 1.270.000 à l’horizon 2020. Si l’on ajoute 400.000 navetteurs, c’est 50 % de personnes en plus à Bruxelles chaque jour de la semaine par rapport à la population bruxelloise actuelle. C’est, en effet, le défi majeur pour Bruxelles. Le problème est que le pouvoir politique régional ne dispose pas de toutes les compétences. Prenons l’exemple des crèches, qui dépendent des communautés : le manque de places est criant. On crée actuellement à Bruxelles en un an le nombre de places supplémentaires qu’il faudrait créer par semaine.

Cet accroissement de la population et des activités de service ne va pas simplifier les problèmes de mobilité…

Si l’on veut intégrer la création d’activités à Bruxelles, nous aurons besoin de parkings. Or, que voit-on dans le chef des politiques : la suppression de 55.000 places de parking ! Dans le même temps, on n’investit pas dans le développement des transports en commun. Pire, on assiste actuellement à des embouteillages de trams. Il faut investir massivement et rapidement dans de nouvelles infrastructures. Avec le refinancement de Bruxelles, l’argent est disponible. Dans 10 ans, près de 2 millions de personnes devront se déplacer dans la journée à Bruxelles. C’est maintenant qu’il faut prendre les décisions.

Comment les entreprises bruxelloises ont-elles traversé la crise ?

Elles ont remarquablement bien résisté. En témoigne la création d’emploi. Ces six dernières années, on a créé 120.000 emplois à Bruxelles ; en tenant compte de ceux qui ont disparu, on a un solde net de créations de l’ordre de 65.000 à 70.000 emplois. La plupart des emplois détruits sont des emplois non qualifiés ou à faible qualification. En revanche, ceux qui ont été créés sont essentiellement des emplois qualifiés et intellectuels.

On pourrait imaginer des emplois non qualifiés dans des activités industrielles ?

C’est le rêve des politiques, notamment en développant la zone du canal. Mais il ne faut pas se leurrer, c’est impossible. Comment allez-vous faire rentrer 50 camions dans Bruxelles ? En outre, certains évoquent le chiffre de 10 emplois par hectare, ce n’est pas comme cela que l’on va régler le problème du chômage. Cette politique pseudo-industrielle est antagoniste de la recherche d’une certaine qualité de vie. Comme allez-vous concilier les deux ? L’avenir de Bruxelles n’est plus industriel même s’il y a encore des activités de ce type dans la région.

On évoque souvent les navetteurs qui viennent travailler à Bruxelles, et quid des Bruxellois qui vont travailler hors de leur ville ?

On observe une augmentation du nombre de Bruxellois qui vont travailler hors de la capitale, essentiellement en périphérie. Ils sont aujourd’hui 80.000 à effectuer cette navette inversée pour 32.000 il y a quelques années.

Il est souhaitable que ce nombre augmente, d’autant que les Flamands sont demandeurs et éprouvent des difficultés à recruter du personnel pour certaines fonctions. Fonctions que des Bruxellois sans emploi pourraient occuper. Cela étant, il faut avouer que les Bruxellois sont peu mobiles, non seulement pour se rendre en dehors de Bruxelles mais parfois même pour quitter leur commune.

C’est le problème que l’on rencontre avec de nombreux jeunes au chômage ?

En effet. Afin de les insérer dans le monde du travail, on ne doit plus les assister mais les aider à se prendre en main. Il faut qu’ils voient les choses autrement, qu’ils prennent conscience que c’est de leur vie qu’il s’agit. Maintenant, c’est une tâche compliquée. D’autant que si le taux de chômage est élevé à Bruxelles, la part du travail en noir l’est également.

Propos recueillis par Guy Van den Noortgate

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