La chaise de jardin française qui séduit les Belges

Lorsqu’il a repris en 1989 le petit atelier de fabrication de meubles de jardin Fermob, employant 12 personnes à peine, Bernard Reybier avait déjà en tête de développer l’entreprise suivant deux axes : l’innovation et l’exportation. Pari tenu.

Du mobilier de jardin en fer. D’où le nom Fermob. Rien de plus simple comme produit : une chaise de bistro pliable, en fer gris ou peinte en vert. Voilà, en gros, la spécialité du petit atelier racheté par Bernard Reybier (58 ans) en 1989, en pleine campagne française, entre Lyon et Dijon. “Il semble que les origines de Fermob remontent à la fin du 19e siècle”, relate le patron actuel. “D’abord simple activité de maréchal ferrant, l’entreprise a évolué vers un projet industriel, après qu’un des artisans a fait des études d’ingénieur.”

Même si pour Bernard Reybier, le rachat de Fermob pouvait quasiment être assimilé à une création d’entreprise – il n’a repris à l’époque que l’atelier, pas le personnel commercial et comptable -, il reste fort attaché au côté traditionnel de son métier. “La chaise de bistro est encore et toujours un de nos best-sellers, mais c’est l’innovation en matière de formes et de couleurs qui nous a permis de devenir une marque forte.”

Etape 1 : consolider et professionnaliser l’offre

Bernard Reybier, diplômé de l’Ecole de management de Lyon (EML) et fort de plusieurs expériences en marketing, notamment chez Black & Decker, n’était, quand il a repris Fermob, pas un novice en matière de stratégie d’entreprise. “D’un fabricant de meubles de jardin, j’ai voulu faire une entreprise globale, capable aussi de concevoir et de commercialiser ses produits.”

En 1996, il crée une petite révolution en lançant les coloris vanille, anis et mandarine. Il fallait oser. “Jusque-là, le mobilier de jardin ne se permettait pas beaucoup d’extravagance”, note le patron de Fermob. “Les couleurs sobres et foncées dominaient.” La faute aux intempéries, incompatibles avec toute forme d’esthétisme ? “Sans doute, ce qui nous a incités à développer des peintures innovantes, résistantes aux UV et à la corrosion.” Dès ce moment, Fermob a été considérée comme “l’entreprise qui a amené la couleur au jardin”. Un atout que Bernard Reybier a toujours voulu conserver. Et pour cause : à l’heure actuelle, le catalogue de Fermob propose pas moins de 24 coloris différents, allant du rose pivoine au vert prairie.

Dans la foulée, en 1997, Bernard Reybier dote Fermob d’une toute nouvelle ligne de production, fonctionnant avec “zéro rejet de CO2”. Du jamais vu à l’époque. L’investissement est de taille : 25 % du chiffre d’affaires y sont consacrés. “Depuis lors, nous n’avons cessé d’améliorer notre outil de production, notamment au niveau du processus de peinture, devenu central dans notre concept”, détaille Bernard Reybier. Toujours avec un souci d’écologie : optimisation de l’usage de la matière première – de l’acier et de l’aluminium, deux matériaux recyclés à plus de 98 % dans le monde – peintures sans solvant, consommation réduite d’énergie, contrôle minutieux de chaque pièce, etc.

Convaincu que la créativité serait une des clés de son succès, après avoir professionnalisé la fabrication, Bernard Reybier s’est attaché à soigner la conception de ses produits. “Il manquait aussi cruellement de diversité dans les modèles”, pointe-t-il. Pour rompre avec cet état de fait, il crée en interne un petit studio de design. “Mais nous continuons aussi à travailler avec des designers externes, garants de modernité.” C’est ainsi que le designer Frédéric Sofia imagine en 2003 la collection phare “Luxembourg” pour Fermob, adaptation de celle que l’entreprise livrait déjà depuis longtemps – mais en acier plutôt qu’en aluminium – aux jardins parisiens du même nom. Succès garanti. Au passage, notons également que Fermob a collaboré en 2005 avec la designer belge Lucile Soufflet pour la collection “Up & Down”.

Etape 2 : créer une marque forte

Mais un produit innovant et de qualité ne suffit pas : “On ne peut pas parler de marque sans action visible de marketing !”, s’exclame Bernard Reybier. D’où le développement d’un site web interactif – avec notamment un module de conception de sa terrasse en 3D – l’achat de mots clés sur Google, la mise en oeuvre de partenariats avec des professionnels de l’accueil et des hauts lieux de fréquentation publics – après les jardins du Luxembourg, citons, entre autres, Bryant Park à New York ainsi que plusieurs Starbucks Coffee, les jardins de l’Université Harvard à Boston, etc. -, le tout soutenu par une équipe marketing comptant aujourd’hui six personnes. En outre, Fermob investit dans la publicité magazine et soigne particulièrement ses relations avec la presse : mise à disposition de meubles pour des shootings, press room sur le site, etc.

Etape 3 : développer la distribution

Restait alors à développer un réseau de distribution efficace. “Quand j’ai repris Fermob, les principaux clients de l’entreprise étaient des hypermarchés, qui dominent littéralement le commerce français, au détriment des petits détaillants. J’ai voulu inverser la tendance”, explique Bernard Reybier. Parallèlement à la conquête de revendeurs, le patron de Fermob décide de tenter l’expérience client lui-même. Il ouvre une boutique en propre à Paris. “Une étape très instructive, notamment pour tester des concepts de présentation.”

Aujourd’hui, Fermob dispose de trois autres points de vente en propre, à Marseille, Munich et Cologne, l’Allemagne étant le premier marché à l’export de Fermob, à peu près au même niveau que les Etats-Unis.A côté de cela, Bernard Reybier a tissé un réseau d’environ 400 revendeurs en Europe, répartis selon leur degré d’implication : revendeurs agréés, revendeurs “excellence” – qui disposent dans leur magasin d’un corner Fermob – et les shop in the shop, des détaillants qui s’engagent à allouer une surface minimum à la marque et à y présenter la gamme complète. “Notre ambition est d’ouvrir un ou deux navire amiral par pays et de pousser nos revendeurs à s’engager au maximum pour la marque. Nos produits n’étant pas des biens de consommation courante, il n’est toutefois pas nécessaire de disposer d’un maillage de revendeurs serré”, affirme le patron de Fermob, pour qui l’Espagne, l’Italie et, dans une moindre mesure, les pays de l’Est, présentent encore un potentiel de croissance.

Songerait-il à délocaliser sa production ? “Notre marché numéro un reste la France et nos produits, volumineux, sont difficilement transportables : je ne vois donc aucune raison de me séparer de notre outil de production français. En revanche, pour me rapprocher de mes débouchés internationaux, j’envisage d’ouvrir des usines aux Etats-Unis et en Asie”, confie Bernard Reybier, qui se dit “en discussion avec des partenaires potentiels”.

Etape 4 : continuer à innover

Pour assurer le succès à long terme, Bernard Reybier ne peut pas se reposer sur ses lauriers. “La réduction des délais de fabrication est l’un de nos grands défis. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de livrer en haute saison en quatre semaines – un peu plus à l’étranger – mais je voudrais que nous diminuions ce délai de moitié.” Le mobilier de jardin étant un produit saisonnier, Fermob met évidemment à profit les périodes plus creuses pour optimiser ses stocks, établis en fonction des ventes de l’année précédente. Pas simple, avec un catalogue de 140 références et 24 couleurs… étoffé encore chaque année. “Pour conserver notre avantage concurrentiel, nous devons continuer à innover, tant au niveau des modèles que des couleurs et des matières.” C’est ainsi que la toile – un polyester enduit de PVC, indéchirable et également décliné en de multiples couleurs – est venue s’ajouter il y a quelques années au traditionnel aluminium préconisé par Fermob. Cette matière a d’ailleurs été élaborée en partenariat avec Solvay, “pour garantir un recyclage maximum”, relève Bernard Reybier.

Et en matière de distribution, le patron de Fermob compte-t-il innover en faisant le pas de la vente en ligne ? “La vente au particulier n’est pas notre métier”, pointe Bernard Reybier. “Les magasins propres ne font office que de vitrines. Nos vrais clients sont les revendeurs spécialisés – dont certains sont présents sur Internet -, mais en notre nom propre, nous ne franchirons vraisemblablement pas cette étape, sauf pour des actions promotionnelles très ponctuelles.”

Camille van Vyve

Les Belges, amateurs de Fermob ?

Selon Bernard Reybier, “la Belgique est pour Fermob un marché extrêmement rentable”. Qu’en pensent les revendeurs localisés chez nous ? Bernard de Visscher, directeur commercial de La Compagnie des Jardins à Uccle, ne tarit pas d’éloges à propos de la marque : “Nous sommes revendeurs depuis 15 ans et la collection Fermob a très bien évolué sur cette période, tout en conservant un excellent rapport qualité/prix. Ses forces sont le design et la couleur, que la clientèle a véritablement adoptée. Les gens – en particulier les jeunes – n’hésitent pas à associer différentes couleurs, et la gamme s’y prête parfaitement.” Sans dévoiler de chiffre précis, Bernard de Visscher affirme que “ses ventes sur Fermob sont en augmentation, en particulier depuis les trois dernières années”. Luc De Vogelaere, patron des magasins Vandella (Lochristi et Maldegem) et revendeur Fermob depuis la reprise par Bernard Reybier, confirme : “Les ventes ont véritablement décollé ces cinq dernières années. Le produit plaît par son accessibilité au niveau du prix et par son côté trendy, joyeux. Sur un stand, il attire inévitablement l’£il des visiteurs, qui sont un peu blasés du teck et de l’inox.” L’an dernier, Vandella a vendu pour environ 400.000 euros de meubles Fermob, TVA comprise.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content