Clause de non-concurrence : jackpot ou boulet ?

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Si la clause de non-concurrence peut, dans certains cas, prendre des allures de pactole alléchant, elle n’en demeure pas moins une entrave sérieuse dans la recherche d’un nouvel emploi. Qu’est-ce qu’une clause valable ? Que faire si votre contrat en contient une et que vous souhaitez démissionner ?

Concurrence loyale et déloyale

L’objectif d’une clause de non-concurrence est d’empêcher, pendant un certain temps (maximum un an), un ancien travailleur “d’utiliser, pour lui-même ou au profit d’un concurrent, les connaissances particulières à l’entreprise en matière industrielle ou commerciale”. Une telle clause constitue donc une arme de choix contre le débauchage de ses meilleurs talents par des entreprises concurrentes.

Concrètement, l’exercice d’une concurrence “loyale”, est toujours interdite pendant l’exécution (et la suspension) du contrat de travail, en raison de l’obligation de bonne foi vis-à-vis de l’employeur à laquelle tout travailleur est tenu en vertu de la loi sur les contrats de travail de 1978. Un employé comptable ne pourra, par exemple, sous le statut d’activité complémentaire, s’occuper de la comptabilité d’une entreprise concurrente.

La concurrence “déloyale”, est, cela va de soi, toujours interdite, pendant et après l’exécution du contrat de travail. Révéler des secrets de fabrication ou d’affaires, dénigrer les produits de son employeur, démarcher ses clients alors qu’on est toujours son employé, débaucher de manière agressive ses anciens collègues au profit de sa nouvelle entreprise… constituent autant d’actes de concurrence déloyale.

La clause en bonne et due forme

Pour être valable, une clause de non-concurrence pour des employés autres que les représentants de commerce doit remplir certaines conditions :

– Elle doit se rapporter à des activités similaires (un employeur ne peut donc empêcher un travailleur d’entrer au service d’un concurrent, mais uniquement d’exercer la même fonction chez ce concurrent) ;

– Au moment de la fin du contrat (à l’exception du secteur hôtelier, pour lequel d’autres règles sont prévues), le travailleur doit percevoir, tous avantages compris, une rémunération équivalente à au moins 61.071 euros brut ; rien n’empêche néanmoins un employeur de prévoir une clause pour un employé qui ne gagne pas encore un tel salaire ;

– La durée d’application de la clause ne peut excéder 12 mois (sauf exception cf. encadré ci-dessous) ;

– Elle doit prévoir le paiement d’une indemnité égale à la moitié de la rémunération brute (tous avantages compris) de l’employé correspondant à la durée d’application de la clause (6 mois de salaire, par exemple, si la clause interdit toute concurrence pendant 12 mois) ;

– La clause doit être géographiquement limitée aux lieux où l’employé peut réellement concurrencer son ancien employeur en Belgique (sauf exception cf. encadré ci-dessous) ;

– L’employé doit avoir mis fin au contrat pour un motif non grave.

L’employeur dispose alors d’un délai de 15 jours après la fin du contrat pour renoncer à l’application de la clause. Autre précision importante : la durée est toujours réévaluable en cours de contrat et après la rupture.

Pour qui ?

Lors de la rédaction d’un contrat d’embauche pour un employé autre qu’un représentant de commerce, l’employeur doit se poser les questions suivantes : le futur collaborateur est-il susceptible d’acquérir au fur et à mesure des connaissances suffisantes sur le plan commercial ou industriel et ce, même s’il ne gagne pas encore le seuil légal de 61.071 euros brut ? Pour les fonctions à caractère commercial ou stratégique (consultants, strategy managers…), posez-vous toujours la question de savoir si le départ de l’employé serait susceptible de vous faire perdre votre avance sur la concurrence.

“L’employeur a intérêt à envisager l’opportunité d’une telle clause en cas de promotion ou de changement de fonction”, conseille Paul Geerebaert, avocat associé chez Liedekerke. “Ainsi, s’il est inutile de prévoir d’entrée de jeu une clause de non-concurrence pour une secrétaire dans une PME, l’employeur aura peut-être intérêt à en prévoir une si cette personne devient assistante de direction.”

Que faire en cas de démission ?

En cas de démission, tant l’employé que l’employeur ont intérêt à vérifier que la clause est valable. Si c’est le cas et que l’employeur décide d’appliquer la clause, il est certain qu’il surveillera son strict respect. Et, grâce à celle-ci – qui prévoit généralement qu’en cas de violation de l’engagement de non-concurrence, l’employé doit restituer l’indemnité reçue et payer le même montant (brut) en dommages-intérêts -, il lui suffira de prouver que son ex-employé travaille ou a travaillé pour un concurrent pour pouvoir obtenir sa condamnation, sans devoir prouver l’existence d’un dommage encouru. Si la clause n’est pas valable, on ne peut que conseiller à l’employeur de renoncer à son application dans les 15 jours pour éviter tout litige.

Quid de l’employé qui dispose d’une clause valable, a démissionné pour un emploi auprès d’un employeur non-concurrent et dont l’ancien employeur n’a pas renoncé à la clause dans les 15 jours ? Dans ce cas, il peut exiger de plein droit le paiement des indemnités, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire de Bruxelles – l’employé n’avait pas acquis de connaissances suffisantes qui lui auraient permis de réellement concurrencer son ex-employeur. Gardez en tête qu’aucun manager n’est immunisé contre un éventuel licenciement par son nouvel employeur ; si tel était malheureusement le cas, vous serez tenu au respect de la clause (dont la durée peut aller, rappelons-le, jusqu’à un an).

Quant à l’employé qui souhaite démissionner pour partir à la concurrence et qui dispose d’une clause de non-concurrence a priori valable, on ne peut que lui conseiller de jouer cartes sur table avec son employeur et de négocier une solution qui lui permette de retrouver rapidement sa liberté. Pour convaincre son employeur de ne pas appliquer la clause, il pourra, par exemple, proposer à sa société de former parfaitement son successeur, ou encore, de réduire la clause à 3 mois en échange d’une indemnité que l’employé versera à son employeur.

Enfin, Paul Geerebaert glisse cet autre conseil à l’adresse des employeurs : “Pourquoi prévoir d’office douze mois d’interdiction de concurrence ? Vu l’évolution ultrarapide de la technologie dans certains secteurs tels que l’informatique, l’employé sera-t-il à même d’encore vous concurrencer six mois plus tard ?”

Caroline Staquet

Licencié et quand même empêché de concurrencer son ex-employeur

Le législateur a prévu la possibilité, pour les sociétés qui ont un champ d’activité international ou un service de recherche propre, de prévoir une “clause dérogatoire” pour des employés susceptibles d’acquérir suffisamment de connaissances qui leur permettraient de concurrencer leur société après la rupture de leur contrat de travail. Un tel employeur peut (1) étendre l’interdiction d’exercer toute concurrence au-delà de la Belgique (pour autant que la clause soit géographiquement limitée aux endroits où l’employé peut réellement concurrencer la société) ; (2) il peut prévoir une durée allant jusqu’à 24 mois ; (3) il peut même forcer l’application de la clause en cas de licenciement. Autant de points à prendre en considération lors de l’embauche !

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