Amid Faljaoui

Elio, le grigri masqué, et John, le vendeur de chocolat

Et si en ce début juin, nous faisions un sort à quelques fausses idées ? La première tourne autour d’Elio Di Rupo…

Et si en ce début juin, nous faisions un sort à quelques fausses idées ? La première tourne autour d’Elio Di Rupo. Pas mal de patrons, surtout au nord du pays, ont peur d’un Premier ministre socialiste. Ils ont tort. D’abord, parce qu’Elio Di Rupo est un homme d’Etat qui fera passer l’intérêt du pays sur celui de son parti. Ensuite, parce qu’il compte aussi des amis dirigeants d’entreprise dans son entourage. Puis, plus cyniquement, parce que l’histoire le prouve : quand des mesures sociales difficiles doivent être prises, mieux vaut que ce soit la gauche qui le fasse plutôt qu’un gouvernement plus connoté à droite.

Ne cherchez pas plus loin les raisons du malaise actuel du PS et de la FGTB (“comment jouer la carte de l’opposition quand l’un des siens est au poste suprême ?”). Et donc, premier résumé : si Elio Di Rupo n’était pas à la tête du gouvernement, les tensions sociales seraient nettement plus fortes aujourd’hui. Et puis, pensez également à notre ministre des Finances, Steven Vanackere, issu de l’aile gauche de son parti (CD&V) et qui vient de mettre en garde le mouvement ouvrier chrétien (ACW-MOC) contre toute velléité de renouer des liens avec le secteur bancaire. “Le mariage entre la pensée coopérative et la haute finance cotée en Bourse s’est révélé malheureux”, a-t-il indiqué. Dans son discours, le ministre des Finances faisait bien entendu référence à la débâcle d’Arco, branche financière du MOC-ACW, liée notamment à la chute de Dexia.

Très bien. Mais quel rapport, direz-vous, avec le premier paragraphe de cet édito ? La réponse est simple : ce qu’il faut retenir – en creux – de ce petit discours moralisateur de Steven Vanackere, c’est que le mouvement ouvrier chrétien n’a plus d’argent. Rien, nada ! Ses caisses sont vides. Autrement dit, le syndicat chrétien n’a quasi plus de quoi financer des grèves générales. Et donc, deuxième résumé : entre un syndicat socialiste freiné dans sa critique du pouvoir et un syndicat chrétien pauvre comme Job, le gouvernement a de la marge pour opérer les grandes réformes structurelles dont le pays a besoin.

Deuxième canard qui a la vie dure : sous couvert de lutter contre la grande fraude fiscale, le nouveau gouvernement ferait en réalité la chasse aux professions libérales et aux sociétés de management. Ce qui signifierait la fin de la recherche de la voie la moins imposée, si chère à nos compatriotes. Difficile de retoquer l’argument, tant il apparaît évident. Mais ce qu’il faut dire également, c’est que le nouveau secrétaire d’Etat chargé de la Lutte contre la fraude fiscale, John Crombez, est surtout un secrétaire d’Etat de… la parole. Son but, non affiché mais assumé, c’est de faire peur. Et sur ce plan, il a magnifiquement réussi. De nombreuses fiduciaires le constatent aujourd’hui : nombre de leurs clients hésitent à franchir le pas d’une constitution d’une société de management.

L’effet “choc et effroi” si cher à George Bush pendant la guerre en Irak fonctionne donc aussi en Belgique. Mais là encore, au-delà des communiqués de presse, des déclarations à l’emporte-pièce, que reste-t-il de toute cette écume fiscale ? Pas grand-chose ou plutôt des textes de loi souvent inapplicables. Un exemple ? La mesure anti-abus mise en place ce 1er juin, est de l’avis des spécialistes, une épée en bois. Attention : ne me faites pas écrire que John Crombez n’a pas l’intention de faire ce qu’il dit. Mais entre ses intentions et ses moyens, il y a l’épaisseur d’un gouvernement composé de six partis. Des partis qui, chacun peut le constater au fil des jours, se neutralisent les uns les autres. Donc, malgré ses coups de menton, John Crombez a aujourd’hui une surface médiatique inversement proportionnelle à son efficacité. Exactement comme certains fabricants belges de chocolat.

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