Dennis Muilenburg, patron de Boeing : le profit ou les vies ?

Dennis Muilenburg, patron de Boeing © Reuters

Dennis Muilenburg, le CEO d’origine néerlandaise de Boeing, fait face aux plus grosses turbulences de ses trente ans de carrière chez le constructeur aéronautique américain.

“Tu dois choisir, Dennis. Le profit ou les vies ?” C’était l’un des messages adressés la semaine dernière sur Twitter à Dennis Muilenburg, CEO de Boeing, après le crash d’un Boeing 737 MAX 8 d’Ethiopian Airlines. En cinq mois, deux accidents impliquant ce nouvel appareil ont fait 347 morts. Avec son chiffre d’affaires de plus de 100 milliards de dollars, Boeing figure parmi les poids lourds de l’industrie américaine. Forte de ses 103 ans d’existence, la marque symbolise la puissance mondiale de l’économie US.

De souche néerlandaise

Dennis Muilenburg est la preuve qu’une personne d’origine modeste peut atteindre le sommet le plus haut aux États-Unis. Ses parents néerlandais ont émigré le siècle dernier à Orange City, une ville de l’Iowa baptisée d’après Guillaume d’Orange et surtout peuplée d’immigrants venus des Pays-Bas. Ils y possédaient une ferme. Dennis Muilenburg a souvent dit que c’est de là qu’il tenait ses valeurs. Comme dans ce tweet il y a un an : “Ce que mon père m’a appris ? Le travail dur, l’intégrité, ainsi que la manière de se comporter avec les autres et de les respecter. Des valeurs qu’il a à nouveau clamées haut et fort début 2019 lorsqu’il a été élu Homme de l’Année par le magazine Aviation Week. “Nous ne faisons pas de cadeaux à nos concurrents, c’est vrai, mais ces valeurs priment sur tout. Et nous n’y dérogeons jamais.”

Aujourd’hui, ces déclarations le placent dans une mauvaise posture. Animé par l’appât du gain et mis sous pression par son concurrent Airbus, Boeing aurait transigé avec la sécurité du nouveau B-737 en accélérant sa mise sur le marché face à la rude concurrence que lui livre le constructeur français avec son A320neo et ses années d’avance dans ce segment.

Le développement du nouveau modèle de B-737 n’a pas eu lieu sous la responsabilité de Dennis Muilenburg, qui dirigeait à l’époque le département défense du géant de l’aéronautique. Nommé CEO de l’entreprise en juin 2015, Il a été ces derniers jours sous le feu des critiques pour son attitude impassible en cette période de crise. Il ne s’est jamais départi de son calme tout en faisant preuve d’une compassion forcée envers les victimes et en mettant en avant la sécurité de l’appareil. Ce dernier point a été encore plus mal perçu avec les B-737 MAX 8 cloués au sol partout dans le monde.

Décollage pour Mars

Ces dernières années, cet appareil est véritablement devenu le moteur de croissance de Boeing. En 2018, il représentait près de 75% des 800 avions livrés par l’avionneur. L’augmentation systématique de la cadence de production visait à atteindre l’objectif de 57 appareils par mois en 2019. Cette bonne nouvelle avait permis à Boeing de tripler sa valeur en Bourse depuis la nomination de Dennis Muilenburg au poste de CEO.

Ce dernier connaît l’entreprise comme sa poche. Ingénieur en aéronautique et aérospatiale, il a fait ses débuts chez Boeing en 1985 et gravi les échelons de l’entreprise en occupant différentes fonctions. Il a fait toute sa carrière au sein de la société américaine qui emploie 153.000 travailleurs et la stratégie qu’il a déployée ces dernières années a été couronnée de succès. Il a demandé aux sous-traitants de réduire leurs coûts en échange d’une collaboration plus étroite avec Boeing. Désireux d’avoir davantage de flux de travail sous son aile, le constructeur a en outre repris plusieurs fournisseurs. D’après les critiques, cette politique aurait engendré des frais fixes supplémentaires.

Mais selon Dennis Muilenburg, Boeing avait ainsi mis un terme à plusieurs cycles de basse conjoncture. D’une part parce que le carnet de commandes s’était rempli pour un montant supérieur à 400 milliards de dollars, et d’autre part parce que l’entreprise avait ajouté une corde importante à son arc avec son service après-vente. Celui-ci offrirait aux compagnies aériennes une large éventail de services durant toute la durée de vie d’un avion, soit environ 25 ans.

Dennis Muilenburg ambitionnait de voir Boeing s’envoler le premier pour la planète Mars, avant même 2030. Mais aujourd’hui, Boeing bat de l’aile à la suite des deux crashs aériens. Il pourrait souffrir beaucoup plus vite que prévu d’une faible conjoncture lourde de conséquences.

Traduction : virginie·dupont·sprl

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