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Déflation, inflation ou stagflation ?

Depuis la crise de 2008, l’économie est entrée en territoire inconnu. Les repères se dissipent et l’Occident met en oeuvre une chimie de théorie keynésienne (creusement des déficits) et monétariste (création de monnaie par monétisation des dettes publiques).

Depuis la crise de 2008, l’économie est entrée en territoire inconnu. Les repères se dissipent et l’Occident met en oeuvre une chimie de théorie keynésienne (creusement des déficits) et monétariste (création de monnaie par monétisation des dettes publiques).

Mais si le keynésianisme avait été correctement lu et interprété, les Etats n’auraient jamais accumulé des dettes publiques d’une hauteur inconnue. De plus, les déficits publics récurrents auraient trouvé leur contrepartie dans des dépenses d’investissements et non dans des dépenses courantes. En même temps, les autorités monétaires mettent en oeuvre un expansionnisme qui est potentiellement inflationniste, puisque les théories de Friedman postulent que l’inflation est un phénomène monétaire lié à l’augmentation trop rapide de la masse monétaire.

Une traite sur l’avenir

Quel sera le résultat de cette expérience économique ? Le scénario que nous retenons est celui de la stagflation, c’est-à-dire une combinaison de stagnation économique, affectée d’un chômage persistant (estimé à près de 10 % par le FMI) et d’inflation, que nous n’excluons pas forte.

En ce qui concerne l’effet de stagnation, il sera essentiellement décelable par un chômage structurel, déjà bien établi dans certaines régions. Au-delà de l’effet d’optique du départ à la retraite d’une partie importante des baby-boomers (ce qui ne fait que reporter le problème de leurs revenus de remplacement sur les pouvoirs publics), le chômage est lié à différents phénomènes : désindustrialisation, inadéquation de l’enseignement, épuisement du modèle de croissance par endettement, manque de flexibilité du marché du travail et surtout atonie des mentalités qui n’ont pas encore bien intégré la mutation des foyers de croissance. Dans ce domaine, on remarque aussi que le marché du travail européen est négativement affecté par un écart de productivité et un taux de mise à l’emploi défavorable.

Mais pourquoi une conviction de stagnation et d’inflation alors que de nombreux économistes agitent le spectre de la déflation (qui constitue une forte préférence collective pour la liquidité) ? Parce que la création de monnaie ex-nihilo (avec des billets qui ne deviennent que des créances sur d’autres billets), telle que mise en oeuvre par les banques centrales, est une traite sur l’avenir dont le remboursement deviendra incertain. Il est incontestable que les Etats et les banques centrales procèdent actuellement à une monétisation de la dette publique avec son corollaire de création de surliquidité et d’inflation différée éventuelle.

Les récentes mesures masquent donc peut-être une importante inflation postposée, mais dont un des symptômes est la dilatation des injections monétaires et des bilans des banques centrales.

Un aboutissement subi

Comment d’ailleurs imaginer que la différence entre les injections monétaires et les réalités de l’économie de la production ne conduisent pas à une inflation qui risque d’être autant subite qu’elle sera forte ? Cette inflation sera d’ailleurs un facteur de rééquilibrage des dettes et donc des dissonances financières entre générations. Dans cette perspective, il ne faut pas oublier que l’endettement privé a, lui aussi, servi d’élément de substitution à la croissance des revenus.

En d’autres termes, la monétisation des dettes publiques en croissance stratosphérique va peut-être conduire à une déperdition de la valeur de la monnaie, c’est-à-dire à une forte inflation, avec le corollaire de l’explosion de nouvelles bulles. L’économiste David Ricardo (1772-1823) avançait que chaque fois qu’un gouvernement eut la faculté d’émettre du papier-monnaie, il en a abusé. Cela conduit, en effet, à de fallacieuses structures de crédit.

Reste que l’on peut très bien subir de fortes pressions inflationnistes en période de crise de la demande et de sous-utilisation des capacités de production. Ce phénomène a été constaté dans les années 1970 et a conduit à la stagflation, que nous retenons comme scénario économique des années prochaines. Ceci étant, la stagflation est aussi l’illustration que l’inflation ne conduit pas à une résorption du chômage ou à une meilleure allocation des ressources. C’est davantage un aboutissement plutôt subi (ou choisi par résignation) qu’une politique optimale.

Ceci ramène à l’acerbe réflexion de Lénine qui postulait que “pour détruire le régime bourgeois, il suffit de corrompre sa monnaie“. Est-ce un scénario improbable ? Les prochains mois l’apprendront.

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