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De Merkozy à Monrajhol ? Pas sûr

Le dernier sommet de Bruxelles fut une heureuse surprise, à en juger par la détente observée sur les taux d’intérêt espagnols et italiens. Le bouleversement intervenu dans les rôles-vedettes ne saurait pour autant être considéré comme une nouvelle donne pour les mois à venir.

Reprenons le fil. Le terme “euphorie” n’est pas excessif pour qualifier la réaction des marchés, pas plus que le climat qui prévalait en Italie ce même vendredi 29 juin. On y célébrait les deux super-Mario : le joueur Balotelli, qui a marqué deux buts face à l’Allemagne, et le président du Conseil (c’est-à-dire Premier ministre), Monti, présenté comme le grand gagnant des négociations bruxelloises. L’Italie a-t-elle, ce jour-là, vaincu l’Allemagne à deux reprises ? La caricature ne tient pas, s’est-on empressé de souligner tous azimuts. Très diplomatiquement, mais pas sans fondements. Angela Merkel n’a jamais refusé d’aider les pays en difficulté ; elle exige par contre de la rigueur et des garanties. Et sur ce plan, elle n’a pas fait marche arrière.

N’empêche : le forcing de l’Italie et de l’Espagne, qui ont exigé de vigoureuses mesures de soutien en échange de leur accord sur le pacte de croissance, voilà un fameux changement de décor dans les réunions européennes. On savait que le duo Merkel-Sarkozy, fusionnel au point d’avoir été baptisé Merkozy, ne serait pas remplacé par un quasiment impossible Merklande. Mais de là à voir le tandem Mario Monti-Mariano Rajoy monter au créneau avec une telle vigueur et en obtenant de pareils résultats… Faut-il à présent évoquer le duo Montajoy ? Camarades d’infortune sur les marchés financiers et dès lors alliés de circonstance, les Premiers ministres italien et espagnol ont pu signer un coup d’éclat, mais ils ne sauraient guère mener la danse à l’avenir, vu leur position de faiblesse.

Ils n’étaient du reste pas seuls. Leur forcing fut clairement appuyé par François Hollande, et ce pour deux raisons. D’abord, il se devait de rentrer à Paris avec un accord sur le pacte de croissance, un des grands thèmes de sa campagne. Ensuite, le soutien à court et moyen termes apportés à l’Espagne et à l’Italie intéresse Paris au plus haut point. Car si le nouveau locataire de l’Elysée a présenté la France comme étant “à la fois au nord et au sud”, il sait bien que son pays peut aisément basculer au sud aux yeux des marchés financiers. En raison de quelques faiblesses telles qu’un déficit budgétaire qui devrait encore afficher 4,5 % du PIB cette année, gonflant une dette publique qui atteignait déjà 89,3 % du PIB à la fin du 1er trimestre. L’écart avec l’Allemagne se creuse. Affirmer que le trio Monrajhol est passé aux commandes relèverait dès lors de la myopie.

Ce n’est pas tout. Oui, Madrid et Rome ont obtenu que le Mécanisme européen de stabilité (MES) puisse directement prêter aux banques. C’est nouveau, mais ce ne sera pas sans conditions. Obtenu aussi que le MES puisse acheter des obligations sur le marché… plus facilement, car c’était déjà le cas en soi ; ses moyens n’ont du reste pas été augmentés. Angela Merkel a donc lâché du lest, mais avec mesure. Et elle n’est pas rentrée bredouille. Car la Banque centrale européenne jouant un rôle plus important (et sans doute décisif) dans le contrôle des banques de la zone euro, tel que décidé à Bruxelles, c’est un souhait qu’elle avait encore répété à la mi-juin. Non, la chancelière allemande n’est pas hors-jeu. Avec des investisseurs qui lui demandent 1,5 % à peine pour lui prêter à 10 ans (et 0,1 % à deux ans), il est clair que l’Allemagne n’est pas en position de faiblesse !


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