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Convertir le “Brain Drain” en “Brain Bank”

Quel intérêt avons-nous à investir dans la formation de jeunes talents si ces brillants cerveaux quittent le pays une fois leurs études terminées ?

Quel intérêt avons-nous à investir dans la formation de jeunes talents si ces brillants cerveaux quittent le pays une fois leurs études terminées ? A première vue, le brain drain ou la fuite des cerveaux représente une lourde perte pour un pays. Mais peut-être envisageons-nous le phénomène sous un angle un peu trop négatif : le brain drain peut devenir une brain bank si nous restons un pays attractif.

Comment réagir quand un brillant jeune homme vous raconte fièrement qu’il a été admis au prestigieux MIT à Boston ? Personnellement, j’éprouve bien sûr d’abord de la joie pour lui. Mais en tant qu’économiste, j’ai aussi tendance à voir le revers de la médaille. Et je me dis qu’on a investi dans le développement de ce jeune talent pendant 24 ans et qu’à présent, les Etats-Unis vont en cueillir les fruits. Et grâce à une bourse d’études belge, par-dessus le marché. Ne devrions-nous pas réclamer une indemnisation pour ce brain drain ?

Les Etats-Unis, un aimant à cerveaux

Selon les estimations de l’OCDE(1), quelque 325.000 Belges dont un tiers sont des universitaires hautement qualifiés, sont actuellement partis à l’étranger. En d’autres termes, 100.000 cerveaux – ou l’équivalent d’une ville belge – sont partis tenter leur chance sous d’autres cieux. Nous avons donc perdu un diplômé de l’enseignement supérieur sur 16. Il y a plus d’expatriés intellectuels originaires de Belgique que de France, de Chine ou des USA. Mais la perte subie par le Royaume-Uni est encore beaucoup plus spectaculaire. Le brain drain est même devenu un sujet épineux en Grande-Bretagne. Et les chiffres ont encore été flattés car l’émigration de Posh & Becks a représenté un gain relatif de matière grise pour le pays.

Ce sont les Etats-Unis qui exercent le plus grand attrait sur les diplômés belges de l’enseignement supérieur : un quart d’entre eux vont y chercher leur bonheur intellectuel. Les USA ne perdent presque pas d’intellectuels de haut niveau et restent un pôle d’attraction pour les cerveaux du monde entier(2). Cela signifie un enrichissement net et à bon compte du potentiel intellectuel du pays.

L’Amérique présente trois atouts importants pour les séduire. Primo : ses grandes universités réussissent à offrir les meilleurs professeurs et les plus hauts niveaux de formation. Secundo : la qualité de vie y est très élevée pour l’élite étrangère. Tertio : les Etats-Unis présentent un réel attrait financier. Il y a non seulement les bourses d’études mais les étudiants savent aussi qu’après et même pendant leurs études, ils auront pas mal de possibilités de gagner de l’argent. Les universités sont des viviers de spin-off qui offrent des opportunités permanentes aux jeunes entrepreneurs. Un MBA ou un titre de PhD sont des tickets d’accès à l’indépendance financière.

Elitiste versus égalitaire

Le talent de haut niveau est par définition élitiste. Les pays européens préfèrent cependant mettre l’accent sur les formations égalitaires : accessibles à tous, démocratiques, avec une offre large et moins approfondie. Notre système de rémunération présente les mêmes caractéristiques : s’enrichir ou avoir du succès a reçu une connotation négative chez nous.

Un pays qui sait garder ses meilleurs talents ou attirer les talents étrangers, pourra créer plus de richesse. Aussi est-ce l’attitude que nous devons adopter. Nos meilleurs cerveaux peuvent bénéficier à l’étranger d’une formation et d’une expérience qu’ils ne trouvent pas en Belgique. Développons une économie qui rayonne de créativité, d’esprit d’entreprise, d’initiative et d’innovation et nos cerveaux voyageurs reviendront d’eux-mêmes au pigeonnier.

A ce moment-là, nous n’aurons plus à nous tracasser à propos d’un brain drain mais l’émigration deviendra une brain bank : le talent nous reviendra encore meilleur qu’il ne l’était avant son départ.

Réactions : trends@econopolis.be

(1) Jean-Christophe Dumont & Georges Lemaître, Couting Immigrants & Expatriates in OECD Countries, WP25, 2005.

(2) Vox, The European Brain Drain: European Workers living in the US, December 2008.

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